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18/01/2021

Tolérance

 


 De l’existence de Dieu ou de son inexistence, que savons-nous après tout ? Peut-être qu’une puissance surnaturelle existe, qu’elle fait le jour et la nuit, ou peut-être qu’elle n’existe pas. Peut-être qu’il n’y a rien du tout, nulle part, et que nous sommes libres, libres surtout de continuer à nous entretuer, à menacer la planète et l’avenir de nos enfants. Si Dieu existe, tous les discours compliqués des églises ne nous ont pas convaincus sur la question de savoir d’où venait le mal. Ou alors, le Très-Haut est un pervers, qui aime voir souffrir ses créatures, ou qui tout simplement, depuis si longtemps qu’il les a créées, les a oubliées, l’univers étant trop grand pour lui, il a eu les yeux plus gros que le ventre comme disait ma grand-mère quand je ne finissais pas le contenu de mon assiette.

 Les religions prennent racine dans l’ignorance humaine. C’est à l’école que revient la tâche d’ouvrir les esprits. La misère intellectuelle est le socle commun à toutes les croyances. Entrer en religion, c’est trop souvent : cesser de s’interroger, de réfléchir, de se mettre en cause, d’écouter les autres, de les comprendre. Mais cela ne donne le droit à personne d’interdire la pratique religieuse, l’exercice d’un culte. D’ailleurs, les expériences vécues par les peuples dans les états totalitaires montrent que, après des années de persécutions, les fidèles reviennent toujours à leur credo. 

 Il ne faut pas toutefois que la religion impose à ceux qui ne croient pas au ciel un mode de vie, une façon de penser, d’aimer, d’élever ses enfants, de s’habiller, d’exister. Et les limites sont vite franchies. Même si l’église catholique depuis quelques décennies, sentant le vent tourner et les esprits s’éclairer, a mis un bémol à ses prétentions, la pression qu’elle exerce sur les gens, et pas seulement ses fidèles, est sensible sur les continents où l’éducation n’a pas encore rempli sa fonction. Même ici où parait-il l’école a longtemps été la meilleure du monde, allez dire que deux femmes peuvent aimer et élever des enfants, que deux hommes le peuvent aussi, qu’il est salutaire d’abréger les souffrances d’une personne victime d’un mal incurable, et que nul prêtre ne peut parler à la place de cette personne qui est toujours assez grande pour décider de son sort, allez dire ça, les catholiques ne seront pas les seuls à vous regarder en coin, car comme le lait non surveillé sur le feu, la bêtise religieuse déborde. Et c’est cela qui est insupportable. J’ai connu des gens croyants, pratiquants, qui n’imposaient rien aux autres. Ces gens je les respecte au moins autant que ceux qui ne croient en rien. Car pour les premiers, c’est un acte libre, fondé sur le respect, une assurance que quoi qu’il leur en coûte, ils acceptent la présence de l’autre, sa différence. J’ai déjà écrit quelque part toute l’admiration que j’éprouvais pour cette personne (Micheline) qui, chrétienne au fond de l’âme, et prenant en charge mes enfants, n’a jamais été tentée de les faire entrer dans une église.

 Je croise aussi des femmes d’un certain âge portant le voile, manifestant ainsi leur appartenance à une religion, leur fidélité à un dieu. Cela ne m’est pas agréable, certes, car je devine ce que cela signifie pour l’existence quotidienne de ces personnes. Mais quand il s’agit de jeunes filles ou de jeunes femmes, l’image est insupportable. Car c’est l’avenir qui est tracé, pas seulement celui de la gent féminine, peut-être aussi le nôtre, celui du monde. Ce n’est plus religieux, cela devient politique, au sens premier du mot, car c’est la vie dans la cité qui est menacée. 

  Regardant un siècle en arrière, si les églises chrétiennes n’ont pas à être fière du rôle qu’elles ont joué –ou qu’elles n’ont pas joué- quand les totalitarismes décidaient du sort de l’humanité, elles n’ont pas été dans la situation de dicter leur loi ni de faire la police au sein du peuple. Si d’autres tentent le coup aujourd’hui, ce ne seront pas seulement la liberté d’expression et le droit de blasphémer qui seront en cause, mais toutes nos libertés.

 Je lis et relis ces mots de Spinoza :

« Ayant ainsi fait connaître les fondements de la foi, je conclus enfin que la connaissance révélée n’a d’autre objet que l’obéissance et est ainsi entièrement distincte de la connaissance naturelle, tant par son objet que par ses principes et ses moyens, que ces deux connaissances n’ont rien de commun, mais peuvent l’une et l’autre occuper leur domaine propre sans se combattre le moins du monde et sans qu’aucune des deux doive être la servante de l’autre. »

 (Traité théologico-politique)

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