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15/03/2024

Être de gauche

 

 La droite fait chaque jour un peu plus son plein d'incompétence, comme si l'histoire de France au siècle précédent ne lui en avait pas donné assez. Faut-il rappeler aussi qu'elle compte dans ses rangs quelques personnes peu estimables, financièrement non patriotes, très attachées à leurs biens dont l'origine n'est pas toujours avouable. Comme ce n'est pas le cas de tous, on pourrait encore glisser un peu d'espoir dans les déclarations programmatiques d'une droite républicaine honnête et soucieuse de l'avenir du pays. Ce serait sans compter avec cette antienne qui s'accroche à la France comme la misère sur le monde: la droite c'est l'argent, l'argent c'est le mal.

 Dans une société dont personne n'est plus capable de dire où elle va (et même parfois d'où elle vient, tentez l'expérience, on vous qualifiera de nostalgique, une injure) les seules choses qui valent encore le coup de croire et s'engager bourgeonnent dans le dernier carré du petit jardin, profond au plus profond de nous. Conscience, la bonne conscience. C'est dans ces parages que la gauche survit, qu'elle trouve encore du grain à moudre.

 Il est à noter que les personnes qui montent en première ligne pour défendre l'opprimé ne sont jamais des travailleurs, des exploités, des chômeurs, encore moins des pauvres. Pourquoi? D'abord parce que les héros ont du temps à perdre. Ils ont la culture, ils ont les livres. Nombre d'entre eux ont l'accès aux médias. Philosophes, écrivains, artistes, cinéastes, comédiens, chanteurs et humoristes à 99,99% tiennent le même discours compassionnel: il faut en finir avec la misère, mettre tout le monde sous un toit, donner les moyens de se nourrir, éduquer, éduquer encore. Car les révolutions n'ont pas tenu leurs promesses. Cela fait un siècle et demi que le capitalisme répand la misère sur le monde et que les forces qui prétendaient le terrasser ont échoué lamentablement en créant des situations pires. L'idéal révolutionnaire à l'image de ses émules n'a plus vingt ans. Mieux rompu à la course, le vieux monde l'a rattrapé. Dépité, drapeau rouge en berne, que reste-t-il au vieux militant de ses amours? Des livres, des souvenirs, des guerres (sans arme ouh la la!!) à raconter. Quoi d'autre? En dernier recours: le combat (verbal) contre l'extrême droite. Entre une soirée théâtrale et une expo à ne pas manquer, le gauchiste ordinaire joue un rôle dans un domaine où il est le recordman du monde: celui de l'offusqué.

 Drapé dans sa tunique fleurant bon la tolérance, l'amour et la paix entre les peuples, le bourgeois bohème s'avance et parle. Il est l'avocat de l'humanité tout entière. Lui qui n'a jamais subi ni même vécu sous régime fasciste, il sait la menace et nous la rappelle à toute occasion. Mais l'acuité de son regard a des limites qui lui sont imposées par un système de pensée. Dirai-je son dogme? Il voit derrière des lunettes qui partagent définitivement et indiscutablement le monde entre le bien et le mal. Le bien reste toujours à définir, le passé douloureux de l'expérience socialiste incite le plus performant des idéologues à la modestie.

 Le mal est plus facile à cerner: l'argent, le patron, le capital, le capitalisme, l'impérialisme et pendant qu'on y est: l'Occident. Ce qui permet de faire passer les pires idéologies réactionnaires pour des forces de progrès, puisque opposées au Satan occidental. Et les barbares qui tuent au nom de dieu ont l'habileté de tenir un langage semblable mettant dans le même sac pouvoir de l'argent, impérialisme colonisateur et mœurs dissolues.

 Comment peut-on espérer quelque chose de ces orateurs sans talent? Ils sont dans la république ce que les dames de charité étaient au temps des rois. Une soupape. Comment pourrait-on en vouloir à ce petit bourgeois avec un cœur gros comme ça? Chapeau vissé sur la tête, écharpe rouge et Libération sous le bras sont des preuves de son existence. Ces gens-là ne manifestent pas. Ils se manifestent. Ils vivent au plus loin de la banlieue derrière une porte blindée protégée par une alarme, mais ils savent ce que c'est que la délinquance, sans toutefois tomber dans le piège du tout sécuritaire. Ils ne sont jamais dans le doute. Comme leurs maîtres à penser qui fermaient les yeux ou feignaient l'étonnement quand les chars d'assaut faisaient la loi dans le monde socialiste ils ne savent pas qu'en France aujourd'hui il nous faut accepter les prières de rues, des horaires séparés pour les femmes dans certains lieux publics, des enseignements adaptés pour ne froisser personne à l'école, ils ne savent rien de tout ça. Et quand il leur faut se rendre à l'évidence, ils trouvent encore les mots, les expressions qui rabibochent, comme quoi tout va s'arranger, le problème n'est pas là, cessons les crispations, apprenons à vivre ensemble. Ils sont même capables de plaider la pire des causes religieuses, sombrant dans l'anti-féminisme et l'antisémitisme, s'il faut en arriver là pour qu'ils existent encore. Si le terrorisme islamique ne les bouleverse pas, c'est la riposte israélienne à Gaza qui les fait descendre dans la rue.

 Être de gauche aujourd'hui, bien sûr que c'est possible, et ces pantins de la politique nous manqueraient s'ils n'existaient pas. Au risque de choquer je dirai même qu'ils sont excusables. Quand on juge les gens, il faut tout mettre dans la balance. Se rendre compte que pour eux le siècle passé a été rude. Le monde nouveau qu'ils avaient espéré s'est écroulé comme un château de cartes. Leurs idoles ont été descellées. Partout les efforts pour en finir avec l'exploitation de l'homme par l'homme ont été vains. Leurs modèles disparus, coupés de leurs racines, mis à l'écart d'une classe ouvrière diminuée qui ne croit plus en rien, ils trouvent refuge dans les médias, le spectacle, la représentation et l'humanisme à trois sous. Être de gauche c'est être auprès des opprimés… par le cœur. Ils pourraient presque nous émouvoir s'il n'y avait tout près d'ici et de chez vous cet homme que vous rencontrerez un jour qui a tout perdu, emploi, femme, maison, collègues, camarades, qui vous montre ses fleurs, en massifs devant son mobil home.

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10:00 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gauche

30/01/2024

Quel plaisir d’entendre des gens qui savent de quoi ils parlent!

 

 Faut-il la maudire cette société qui tire un trait sur le savoir-faire, l’inventivité, la créativité, l’intelligence, qui sacrifie ceux qui font, qui fabriquent, qui produisent les richesses. Je pense à mon père qui était fraiseur, à la qualité de son travail, travail effectué maintenant par des machines, et loin d’ici. Je pense aussi à Simone Weil qui parlait si bien de la condition ouvrière, et de celle du paysan. Si la vie de ce dernier est laborieuse, elle est aussi conditionnée par les caprices de la nature. Eleveur et agriculteur ne peuvent agir librement, indépendamment du climat, des saisons, de la qualité de la terre, du soin à apporter aux animaux. Il en est ainsi depuis des millénaires. Par rapport au travail en usine, c’est encore un avantage de dépendre des caprices de la nature. Mon père travaillait en alternance quinze jours de jour et quinze de nuit. Quand il était à la maison, il dormait. Quand on le voyait, c’est qu’il se dépêchait d’aller prendre son car. Longtemps son atelier fut installé près des presses, il en devenait sourd. De jour, de nuit, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, il allait prendre son autocar, la gamelle sous le bras. On lui demandait ce qu’il faisait, ses chefs ne lui disaient pas toujours. Et encore, lui était qualifié. On imagine le peu d’intérêt que devaient porter à leur travail ceux dont les gestes étaient répétitifs, chargés de reproduire à l’infini des pièces dont ils ignoraient tout sauf l’endroit où il fallait percer des trous.

« Lorsqu’il met mille fois une pièce en contact avec l’outil d’une machine, il se trouve, avec la fatigue en plus, dans la situation d’un enfant à qui on a ordonné d’enfiler des perles pour le faire tenir tranquille (…) Il en serait autrement si l’ouvrier savait clairement, chaque jour, chaque instant, quelle part ce qu’il est en train de faire a dans la fabrication… » (1)

 Quel chemin parcouru depuis ! L’ouvrier aujourd’hui, malheureusement n’a plus ces soucis. On le chasse. Il part, avec quelques sous en poche, laissant sur place son outil de travail. Reclassement, reconversion, baratin. Des millions d’hommes et de femmes restent sur le carreau, et leurs enfants avec. Plus d’usine, plus d’artisans, plus de commerces, plus de gare, plus de bureau de poste, plus d’école. Mais si ! On propose quelque chose, dans l’animation, les associations, la visite des personnes âgées, le gardiennage, les loisirs, et on en trouve des petits boulots, si on en manque, on les invente. Tout est bon pour apaiser la conscience de ceux qui savent. Qui savent qu’il n’y a pas d’autre solution que de jeter à la rue des millions de personnes. Alors, la transmission du savoir-faire, peut-être a-t-elle encore un sens quelque part dans le monde, mais ici, c’est foutu, le travail c’est fini, place à l’ipade et je me fous de savoir comment ça s’écrit, place aux loisirs, au jeu, rien de tel pour occuper le chômeur.

 Quand au paysan aujourd’hui, il doit subir d’autres caprices, pires que ceux de dame Nature. Les quotas, la concurrence au-delà des frontières et jusqu’aux antipodes, les prix des semences, les exigences des distributeurs, sans oublier les difficultés croissantes dans sa vie quotidienne liées à la fermeture des commerces, des écoles, à l’exode des services publics.

En plus, il doit s’accommoder de mesures qui nuisent à son travail, mesures imposées par des “je sais tout” qui n’ont jamais pénétré dans un champ sauf pour y faire des dégâts, qui ont l’oreille des officiels et le tiennent pour responsable des problèmes de la planète. Mais depuis quelques jours, grâce à ce mouvement de révolte et à l’accueil favorable que lui font les français, on peut reprendre espoir. Comme ça fait du bien de voir et d’entendre des personnes qui savent de quoi elles parlent, voilà bien longtemps que ce n’était pas arrivé!

 

§

 

(1) Simone Weil, L’enracinement;

15/07/2023

sans titre

 

Nous sommes dans une situation comparable au processus de formation d'un raz-de-marée: la mer d'abord se retire (valeurs et principes laissent un grand vide). Comme une immense république de Weimar, le monde titube. Quand la mer reviendra-t-elle? Ce qu'il adviendra de nous, personne ne peut le dire, comme personne ne pouvait prévoir l'avènement des grandes catastrophes du XX° siècle.