30/11/2010
Peter
1977 en Irlande. Cet homme est la première personne avec qui nous échangeons quelques mots. La maisonnette est blanche de chaux. Il est debout sur le pas de sa porte. Deux chatons jouent à ses pieds. Tête penchée, il nous regarde.
Il s’appelle Peter. Il n’a d’yeux que pour nos enfants. Il sourit. Un bruit de chariot. Le collecteur du lait s’arrête devant le bloc de béton sur lequel sont déposés les bidons des fermes alentour. Pete fait quelques pas jusqu’à l’homme qui lui tend son litre de lait. Tous les jours Pete a droit à son litre de lait. Peut-être ne vit-il que de cela. Ou d’autres, du village, viennent-ils lui porter quelque chose ?
Peter est seul. Seul dans sa maison, et une fois le laitier parti, seul dans la campagne. Le premier bourg est à un kilomètre. Seul avec ses deux petits chats. Il sait qu’on est français. Il connaît quelques mots de notre langue, tout heureux de les prononcer. Ses yeux brillent. Ce sont des larmes.
Il n’a jamais posé un pied en France, mais la France il la connaît mieux que personne. Car en juin 1944 son fils s’en est allé, avec des milliers d’autres, pour libérer le pays. Et Peter est resté sans nouvelles. Il baisse les yeux sur les petits chats. C’est tout ce qu’il a, Peter, et chaque jour, cadeau de Dieu, ce soleil qui tourne invisible au-dessus et qui se couche, rouge sur l’horizon.
19:21 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : irlande, solitude, solidarité, juin 1944
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