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12/04/2013

Question de sphères

 

 

 Bourgeois bohèmes parisiens et d’ailleurs, vieux grognards de la gauche, anciens combattants de l’extrême, preux chevaliers fermes sur les principes quand ils les arrangent, anticléricaux intransigeants mais pas toujours, révolutionnaires qui sortent de leur salon pour se rencontrer et se convaincre qu’ils sont l’intelligence du monde, soldats de l’avant-garde pour la révolution mondiale qui bientôt mettra fin à toutes les injustices que le capitalisme génère, ces rebelles de 1968 n’ont retenu qu’une chose : qu’ils y étaient.

 Le verbe haut, ils nous disent aujourd’hui que la religion est l’opium du peuple… mais pas dans tous les cas. Prenons l’exemple du voile islamique. Ils présentent une candidate voilée aux élections législatives, et sont pour l’interdiction du voile dans le service public ! Ils en auraient presque des sanglots dans la voix. Pas touche à la sphère publique ! Pas de signes religieux dans les écoles ! Pas de croix, pas de kippa non plus ! Tout le monde sait que la laïcité en France est menacée par la prolifération du judaïsme menaçant, quand au catholicisme s’il est vrai qu’il faut rester vigilant, il n’impose pas aux femmes et aux jeunes filles un accoutrement humiliant. Derechef ils nous font un cours de droit sur la distinction entre sphère publique et sphère privée.

 La Fédération nationale de la libre pensée nous rappelle le jugement de la cour de cassation à propos de l’affaite Baby lou : le principe de laïcité n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. Ce jugement est fondé sur le précepte suivant : une crèche privée n’est pas chargée d’une mission de service public. Et nos « laïques » d’emboîter le pas des magistrats. Ils se félicitent qu’on ait « rétabli dans ses droits » une employée voilée dans une crèche.

 Voilà des libres penseurs bien procéduriers ! Une étrange façon de séparer au couteau les domaines public/privé. La nature de la tâche à accomplir dans une crèche est-elle d’ordre privé ? Si cette institution est religieuse, personne ne tiendra grief à l’employeur d’accepter des employés portant des signes religieux, et surtout pas les parents. Ce n’était pas le cas de la crèche Baby lou. Ni d’un nombre grandissant de crèches et d’écoles privées qui n’ont rien de confessionnel. Crèches et écoles où des gens sans religion inscrivent leurs enfants pour différentes raisons : pas de crèche publique, école publique aux classes surchargées ou fréquentées par des enfants violents, pas ou peu éduqués, maîtres et maîtresses débordés dans l’impossibilité de remplir leur fonction d’enseignants. Des gens qui étaient fidèles à l’école publique l’abandonnent aujourd’hui. Vont-ils pour autant accepter que leur enfant soit accompagné voire éduqué par une personne qui couvrira une partie de son corps et qui sera fatalement amenée à expliquer pourquoi ?

 Ils disent : la loi de 1905, rien que la loi de 1905 ! Mais nous ne sommes plus en 1905 ! Un siècle après le vote de cette loi, bien des choses ont changé. On ne pourra pas éternellement se retrancher derrière la loi, et ce n’est pas à des libres penseurs que je vais faire la leçon. La république est aujourd’hui confrontée à un problème nouveau : l’islam. Il faut être aveugle, ou faire semblant de ne rien voir pour ignorer le fait. L’islam est plus, beaucoup plus qu’une religion. Chaque jour apporte dans notre pays son lot d’infractions, de tentatives pour mettre en cause ce pilier de la république qu’est la laïcité. On tente le foulard ici, la burka quand c’est possible, on moleste un policier qui veut verbaliser, on se présente à l’école avec un tee-shirt portant une inscription incitant au jihad. On frappe des homosexuels ou des jeunes filles non voilées dans des quartiers où des caïds se croient investis d’une mission divine. On cherche à imposer la loi islamique dans les hôpitaux. Des professeurs prennent mille précautions avant d’aborder certains faits historiques, ou d’exposer des données scientifiques pourtant incontestables. Dois-je poursuivre ? L’islam est plus qu’une religion. Ce serait gentil de dire que c’est un mode de vie. Je pencherais plutôt pour l’entreprise totalitaire. Mais une entreprise beaucoup plus habile que le modèle fasciste que nos parents ont connu. Les islamistes sont de fins diplomates, qui savent parler, prendre des allures compatibles avec l’idéologie qui imprègne la classe politique : celle du vivre ensemble, de l’apologie du multiculturalisme, du respect de la diversité culturelle. Finalement, les diffuseurs de l’islam n’ont pas besoin d’avocats. A droite comme à gauche, nos dirigeants imprégnés d’esprit concordataire sont prêts à tout accepter, le voile, la construction de mosquées avec l’argent public, et pourquoi pas le remodelage des programmes et manuels scolaires. Ils hurlent à l’islamophobie, feignant d’y voir du racisme, comme si l’islam était une race. Non, de même qu’on peut être anticlérical sans être anti-français, on peut être islamophobe –et au sens premier, avoir peur de l’islam- et fréquenter des perses, des indonésiens, des français ou des arabes. D’ailleurs dans les pays où l’islam fait la loi, des gens courageux, de vrais laïques ceux-là, se battent pour la liberté, pour que les femmes se découvrent et existent, pour que les filles se rendent à l’école. Ils doivent s’étonner là-bas qu’on fasse autant d’histoires ici avant d’interdire à une bigote de porter le voile dans une crèche. Surtout quand ces tergiversations se font au nom de la libre pensée.

 

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