07/07/2015
Lettre
à ma grand-mère
(aussi à Emmanuelle et Sophie et plus tard à Annaïck, Louna, et Thiphaine)
Les bienheureux, de Monaco sur la corniche,
Toisent la France d’en bas dans sa misère claustrée.
Les pauvres le sont toujours, les riches encore plus riches,
Tes camarades d’usine sont mortes et enterrées.
Tes camarades d’usine à visage découvert
Qui poing levé sortirent en mille neuf cent trente-six,
Sur la tête ces dames foulard ne portaient guère
Leur fierté ni leur mari ne l’auraient prescrit
Si ce n’est au soudage, au plus loin de la flamme
Pour maintenir leurs cheveux.
Et puis ces autres, grandes bourgeoises
qui depuis leur première enfance n’ont rien trouvé à faire que s’épanouir,
qui n’ont connu d’entraves à leur liberté
qu'intempéries, grèves d'aiguilleurs, impôt sur la fortune,
nous disent :
que la diversité est une belle chose !
Messieurs de la radio et de la presse, interrogez les gens, les femmes. Elles savent.
Leurs mères et grands-mères ont agi, résisté, manifesté, hurlé, existé et puis surtout
elles ont voté, enfin !
De ce combat, il reste quelque chose dans ce pays.
La possibilité pour les dames cultivées de parler dans les radios,
le droit de se promener en mini-jupe, de se baigner seins nus,
Seins nus,
le droit d’aimer qui l’on veut,
de faire l’amour pour l’amour,
de choisir d’avoir un enfant
de choisir de n'avoir pas d'enfant
de baptiser un nourrisson dans la religion de son choix
ou d’attendre qu’il voit lui-même s’il a besoin d’un dieu.
Droit d’aller à l’école, de la maternelle à l’université,
Droit de conseiller, de commander, de diriger un service,
une entreprise, un régiment,
un pays.
Pour les femmes aujourd’hui tout n’est pas rose loin de là,
mais des droits ont été gagnés, conquis, imposés,
ne plus perdre du temps pour savoir si l’on doit ou non sortir déguisées,
tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droit et en dignité…
On enlève les cagoules, les foulards, les grillages, on se regarde, on se parle.
Revenir des siècles en arrière ?
Non.
Ce ne sont pas quelques illuminées manipulées par des faibles d’esprit
ni quelques bobos passés à gauche pour soulager leur conscience
avec des airs de bons samaritains
qui vont nous faire baisser la tête.
cliché M.Pourny
Cette photo, Menie, elle me vient d’Edimbourg, je l’ai prise il y a trente ans. J’ai horreur de prendre les gens en photo. C’était un 90 mm et j’étais loin. Je suis certain de n’avoir pas blessé cette dame. Je ne sais pas quoi dire, depuis trente ans en Ecosse comme ailleurs le monde a-t-il vraiment changé ?
Elle porte un foulard sur la tête, qui la protège du froid.
Un beau visage, un regard. Elle te ressemble.
Elle dit, tout bas : il faut changer le monde.
§
09:02 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femme, ouvrière, dignité