23/01/2018
Pas de maître, un dieu peut-être
Les liens qui unissent la religion musulmane et l’extrême gauche peuvent étonner. Il n’est que de rappeler les revendications et les slogans des révolutionnaires de 68, les « ni dieu ni maître », le combat des femmes, la liberté sexuelle, la liberté tout court. Pour l’aile marxiste de l’extrême gauche, les choses devraient être encore plus claires, car pour le matérialisme historique, les religions sont l’arme des possédants, un moyen pour juguler les rébellions en consolant le peuple, en lui laissant espérer des jours meilleurs, plus tard dans un monde où les derniers seront les premiers. Pour le marxisme, aucune nuance possible, la religion est un opium pour les peuples, elle disparaîtra avec la disparition de l’exploitation, la fin de la lutte des classes.
Jusque là tout est clair. Mais il arrive que la théorie si belle soit-elle se voie confrontée avec la dure réalité du combat révolutionnaire dans une société où les gens de tous les jours ont parfois autre chose à faire que de lire les textes fondateurs. Il arrive même que les révolutionnaires les plus convaincus ne les respectent pas, ces textes. Car les choses ont été inscrites il y a plus d’un siècle et demi, on sait ce qui arriva lorsque les adeptes de ces théories eurent entre leurs mains la destinée de pays et de peuples : l’instauration de régimes totalitaires, l’abrogation de toutes les libertés, la poursuite des dissidents, des aveux extorqués, des internements en hôpitaux ou en prisons, des camps, des exécutions sans jugement, bref que des catastrophes.
Ce qui explique pourquoi les travailleurs réfléchissent à deux fois avant de s’engager avec ceux qui -à demi-mot certes- tentent de remettre au goût du jour ces théories dangereuses.
Il y a un autre facteur avec lequel les révolutionnaires doivent composer : la classe ouvrière n’est plus ce qu’elle était. D’une part qu’on le veuille ou non et c’est tant mieux, une grande partie de celle-ci s’est enrichie, embourgeoisée, maison, voiture, loisirs, vacances, assurance sociale. D’autre part les éléments les plus actifs de la classe ouvrière : les ouvriers d’usine sont de moins en moins nombreux et organisés. Des productions industrielles se sont déplacées sur d’autres continents, vers des pays qui exploitent à outrance des hommes des femmes et des enfants dans des conditions qui étaient les nôtres aux siècles passés. D’où –pour la France par exemple- des difficultés de recrutement pour les organisations syndicales et les partis dits ouvriers.
Ces considérations expliquent pourquoi les adeptes des théories de la révolution –au risque d’oublier leurs principes- cherchent de nouvelles voies, de nouveaux moyens d’exister à défaut de rencontrer un écho dans les milieux ouvriers traditionnels. Voici quelques lignes tirées d’une déclaration d’une fédération départementale de la Fédération nationale de la libre pensée, à propos des personnels des secteurs propreté, gardiennage, logistique, « personnels externalisés des anciennes grandes entreprises » :
« Ces personnels ont deux caractéristiques : très majoritairement ils sont sans qualification (premiers niveaux ouvriers) et sont à 75 % d’origine étrangère. Ainsi, la réaction, en faisant de ces catégories la cible d’attaques systématiques et de dénonciations répétées fait d’une pierre deux coups : elle aiguise par la stigmatisation de l’islam, les ferments du racisme, de l’opposition entre collègues de travail, de la division et elle confine les premières catégories ouvrières dans un isolement propice à la poursuite de la dégradation de leurs conditions d’existence. » (1)
Que la « réaction » soit citée, pour peu qu’on soit familiarisé avec le langage traditionnel d'extrême gauche, rien de nouveau, il s’agit des forces politiques bourgeoises dont le rôle est de sauver le système capitaliste. Pour ce faire, elles appliquent la vieille technique qui consiste à diviser pour régner. Diviser la classe ouvrière, l’atomiser, opposer les ouvriers français aux ouvriers étrangers « …notamment en provenance des peuples et pays arabes… » (2) qui constituent 75% des personnes citées plus haut. Cette politique est rendue possible par la « stigmatisation de l’islam ».
Il s’agit ici dune déclaration de la « Libre pensée », mais cette analyse est partagée par les autres courants de l’extrême gauche, en particulier la France insoumise. Elle consiste à nier les offensives anti-laïques de l’islam, et à justifier ce silence en laissant croire que les dénonciateurs de ces offensives sont en réalité les alliés du système bourgeois en place. On trouvera aussi toutes les justifications possibles aux atteintes quotidiennes à la laïcité dont sont coupables les islamistes. Si un chauffeur de bus refuse de s’asseoir sur un siège précédemment occupé par une femme, on dira que c’est du machisme, que la religion n’est pas en cause. Si un patron exige –conformément au règlement de l’entreprise- qu’une certaine tenue vestimentaire doit être respectée, on invoquera une atteinte à la liberté individuelle. Qu’une accompagnatrice scolaire soit voilée, on le justifiera par le fait qu’elle ne l’est pas dans la cour de l’école, mais dans l’espace public où c’est autorisé. On mesure en même temps l’habileté des islamistes qui ont l’art de transgresser les lois de la république, aidés en cela par l’extrême gauche qui leur pardonne tout.
Si la philosophie des révolutionnaires n’a rien de commun avec la religion quelle qu’elle soit, elle partage largement les valeurs véhiculées par l’islam politique : la critique du capitalisme, de la société bourgeoise décadente, la haine de l’Amérique, du monde anglo-saxon et d’Israël, et plus largement de l’Occident anciennement colonisateur et toujours –car avide des richesses du tiers monde- causeur de guerres.
De cette association d’idées, de cette communion de pensée pourrait venir le salut des partis dits révolutionnaires. Un pacte entre l’islam politique et le marxisme, voilà un fait qui aurait fait bondir les lecteurs assidus des œuvres de Marx et d’Engels -sauf peut-être un Garaudy, lire « Promesses de l’islam » (3)- mais dans la mesure où il proposerait un avenir aux courants révolutionnaires, ce pacte n’est pas du tout impossible (4). Et la bienveillance affichée des prétendus libres penseurs et des marxistes vis-à-vis de la religion « des pauvres » pourrait permettre de nouveaux recrutements, dans les banlieues par exemple, qui retrouveraient leur rougeur d’antan. Ce qui est compatible avec la condamnation du christianisme, religion « des riches », « occidentale », « missionnaire » qui, elle, reste un opium pour les peuples (5). Voir le battage que ces gens font autour des crèches de Noël, quand à l’hôtel de ville d’une capitale on fête la fin du ramadan, ou qu’on feint de ne pas voir les rues envahies par une foule en prière.
Dépités qu’ils sont encore par la chute du communisme à l’est, on peut comprendre les révolutionnaires voyant dans l’ouvrier musulman accusateur de l’Occident un frère d’armes dans la lutte pour le monde futur.
§
(1) Texte fondateur du groupe départemental Fernand Pelloutier de la Libre Pensée 78. Juin 2015
(2) id.
(3) Roger Garaudy, Promesses de l’islam
(4) Ce ne sera pas la première fois que les communistes mettront entre parenthèses la théorie de la lutte des classes. L’alliance des marxistes avec des forces non prolétariennes ou même bourgeoises et nationalistes avec comme seule condition qu’elles s’affirment anti-impérialistes a marqué les heures de gloire du tiers-mondisme en Afrique et en Amérique latine notamment, alliance qui conduisit à d’étranges situations comme en Egypte où les communistes locaux étaient emprisonnés quand Moscou pactisait avec le régime.
(5) voir le traitement que les islamistes infligent aux chrétiens en Orient comparé à la situation des musulmans dans les pays occidentaux où la démocratie permet la liberté des cultes, même là où le christianisme est majoritaire.
09:58 Publié dans Totalitarisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : extrême gauche, communisme, islam
08/01/2018
Vivre avec son temps
J’ai reçu la visite d’un témoin de Jéhovah qui semblait étonné de l’aménité de mon accueil mais aussi d’apprendre que je lisais la Bible. Il faut croire que peu de gens la lisent. La lecture n’est plus le passe-temps favori dans nos sociétés, quand aux Ecritures, elles sont un recueil de textes anciens écrits par des personnes prisonnières de leur temps, parfois trop inspirées pour voir et relater les choses telles qu’elles sont. Un monde créé il y a quelques milliers d’années, un homme et une femme à l’origine de l’humanité, des patriarches vivant plusieurs siècles, des buissons qui s'embrasent sans se consumer, des lois gravées dans le marbre et inapplicables, des peuples massacrés, une cruauté sans bornes et pourtant voulue par le Créateur, des miracles à tire-larigot, un homme mort et qui ressuscite. Historiens et scientifiques accordent avec le sourire que ce sont là de beaux contes. L’Eglise bien obligée de se mettre au diapason de la science retient ce qui ne peut pas être contredit : le mystère, l’inconnaissable, elle se bat avec des armes redoutables, ses martyrs et ses saints, la foi inébranlable de millions d’hommes et de femmes en un dieu qui sauvera le monde. Mais la Bible ? Ses livres qui montrent tout ce dont l’homme et la femme sont capables dans le pire et le meilleur ? Leçons d’amour et de fraternité, manigances et trahisons, hypocrisie des prêtres, exaltation des religieux installés, extraordinaires paraboles de Jésus, que l’on croie ou que l’on ne croie pas il est dommage que cette richesse reste inaccessible aujourd’hui, en particulier à nos enfants.
Si ce n’était que la Bible ! Mais le sourire des historiens et scientifiques cités plus haut éclaire aussi le visage des personnes à qui on évoque les préceptes des Anciens ou la morale de Kant. Que nos actions soient guidées par un impératif catégorique, quelle horreur aujourd’hui ! Allez donc enseigner qu’il faut agir de telle façon que l’action de chacun puisse être érigée en règle universelle, vous allez provoquer les quolibets, même un président ne pourrait pas le dire. Des millions de tablettes et d’ipades colporteraient aussitôt la nouvelle, des milliers d’individus rompus au déclenchement et à l’entretien des rumeurs iraient fouiller dans le passé et montrer que les actes ne sont pas en rapport avec les bons principes philosophiques.
Un philosophe s’aventurerait à estimer que la maladie de notre société vient de l’oubli ou du mépris de principes et d’obligations qui réglaient hier les rapports entre les gens, on lui rétorquerait que c’était loin d’être mieux hier en lui rappelant les crimes et les guerres et qu’aujourd’hui le pire des attentats ne fait que quelques centaines de morts. Ne versez surtout pas dans la nostalgie, c’est démodé, désuet, ringard. Ne dites jamais que c’était mieux hier, non pas parce que c’est faux, mais parce qu’il faut vivre avec son temps, sans réfléchir, sans se mettre en cause, sans prendre le moindre recul par rapport à « ce qui se fait », sans lever -ne serait-ce que le temps de monter dans le train- le nez de son téléphone portable qui diffuse toutes les « infos » disponibles. Informations tronquées non seulement par le pouvoir politique, mais par tous les pouvoirs à commencer par moi-même qui ne veut pas voir les choses en face.
Ne pas voir c’était plus difficile AVANT. Quand il n’y avait pas d’écran et qu’on regardait le paysage. On était moins distrait. On lisait ce qu’on décidait de lire. Les racistes et les antisémites pullulaient, on savait qui ils étaient, dans quels brûlots ils écrivaient. Aujourd’hui vous demandez à des élèves de faire une recherche sur l’univers concentrationnaire, ils vous impriment des textes négationnistes sans le savoir car on peut diffuser toutes les sornettes possibles sans être contraint d’apposer sa signature au bas d’une déclaration. L’anonymat convient parfaitement à ces nouveaux modes d’expression qui circulent dans tous les tuyaux comme une eau qu’on empoisonnerait en secret. Impunément.
On a renversé le « c’était mieux hier » en affirmant que « c’est mieux maintenant ». Cela s’accompagne d’un mépris non seulement pour le passé, mais pour tout ce qui le rappelle. On respecte le patrimoine pour en faire une pièce de musée. La langue, l’orthographe, la grammaire, la calligraphie, les majuscules, allez, à la poubelle ! Le latin et le grec sont-ils encore utiles quand on communique par SMS, comme si notre histoire tournait en boucle pour revenir peut-être un jour aux signaux de fumée.
Les chefs d’œuvre des inventeurs du cinéma doivent faire sourire quand les effets spéciaux d’aujourd’hui renvoient Méliès dans les cinémathèques. On ne dit plus « trucage » mais « image virtuelle ». La technologie rend la virtualité tellement vraisemblable qu’on la confond avec la réalité. Par hologramme un orateur peut s’adresser aux foules à deux endroits différents. On se demande même si bientôt la même foule pourra défiler dans les rues de deux villes différentes. Et pourquoi seulement deux ? Un million de personnes manifestant simultanément à Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux et Lille cela ne ferait jamais qu’un million en tout, mais hormis la poudre aux yeux, par rapport à l’époque où les manifestants étaient de chair et d’os, le compte n’y serait pas. On pourra même faire défiler dans mon village un million de personnes derrière un calicot exigeant le rétablissement du bureau de poste.
Quand les belles choses ne sont plus enseignées, plus vues, plus écoutées, la musique n’émeut plus personne. L’appassionata, une messe de Bach, la Symphonie pathétique, le gospel et le blues ne parviennent pas aux oreilles des enfants. Ils sont pourtant élèves de collège et de lycée.
Comme je voudrais qu’un jour on se retrouve quelque part avec les petits, sans téléphone, sans tablette. Que nous. Et que, sur un disque qui grésille, on écoute une chanson.
Il nous faut regarder
Ce qu’il y a de beau
Le ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l'eau
§
11:56 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bible, principes, kant, désuétude, nostalgie, mépris
02/01/2018
Une femme, policière...
couchée à terre, frappée à coups de pieds et de poings.
Où sont passées les féministes? Les avez-vous entendues?
09:28 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (2)