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01/09/2010

Juger les gens pour ce qu'ils font, non pour ce qu'ils sont

 

 D’abord l’indignation, puis la révolte, voilà comment un être humain peut réagir face à l’acte odieux commis par le pouvoir qui consiste à chasser des personnes dans le seul but de ramener à lui des milliers d’électeurs qui ne supportent pas la présence des gens du voyage sur leur territoire.

 

 Quelle lâcheté aussi ! Car il est facile de s’en prendre aux Roms qui n’ont pas d’attache, ne viennent de nulle part, provoquant depuis toujours la méfiance « des gens du terroir, des gens du cru », comme disait le poète. Facile pour un pouvoir de flatter le bon peuple « de souche » en lui chantant, mais sans l’humour de Brassens, la ballade des gens qui sont nés quelque part. Et ne parlez pas de la Roumanie qui n’est pas pour eux, loin s’en faut, une terre d’accueil. Il y a soixante-dix ans, les gens « du cru » ont su quoi faire de ces êtres vite catalogués comme asociaux. Errants, venant de partout et de nulle part, ils ressemblaient à s’y méprendre aux juifs, considérés aussi par les brutes nazies et la milice comme des parasites, des ennemis de l’intérieur.

 

  Doit-on pour autant approuver les propos tenus entre autres par des prélats, qui comparent le sort réservé aujourd’hui aux gens du voyage avec celui des tziganes et des juifs il y a soixante-dix ans. Halte là Messeigneurs ! Comparaison n’est pas raison. Surtout venant de l’église catholique, quand on sait le silence coupable qui a été le sien avant, pendant et après le génocide nazi. Le populisme du pouvoir actuel est encore compatible –malheureusement certes- avec les institutions et ne peut être comparé avec le national-socialisme qui programma, planifia et organisa l’extermination des peuples juif et tzigane. (Pas plus que je ne m’associe à ces prétendus défenseurs de la cause palestinienne qui parlent de génocide en Palestine, faisant des victimes d’hier les bourreaux d’aujourd’hui. Force est de constater ici des relents d’antisémitisme, qui n’ont rien à voir avec la critique de la politique des autorités israéliennes.)

 

 Maintenant parlons franc. Comme je le disais au début, je comprends l’indignation et la révolte de ceux qui voient dans l’expulsion des Roms un racisme à peine déguisé, compatible avec le sentiment d’une grande partie de la population qui en est encore à considérer les Roms comme des voleurs de poules. Sans parler de l’hygiène, de la saleté, des ordures, ma pauvre dame, et puis de quoi vivent-ils ? Bonne question ! Et ces voitures, ces caravanes de luxe, avec quel argent les ont-ils gagnées ? Alors que nous, bons français, gagnons difficilement notre pain, sans parler du chômage, des délocalisations, de la mobilité forcée, ne sommes-nous pas nous-mêmes devenus malgré nous des gens du voyage ?

 

 Bons français ! Parlons-en de l’hygiène, du tri des déchets, de la pollution automobile… Que celui qui n’a jamais jeté une machine à laver en forêt, un paquet de cigarette par la portière, que celui qui ne douche pas son enfant une fois par jour, qui ne se lave pas les mains en sortant des toilettes, que celui qui ne contribue pas au recyclage de ses déchets, qui jettent ses piles à la poubelle, que l’estivant qui laisse des emballages plastique sur la plage et autres seringues et détritus à risque, que les parents qui n’apprennent pas à leurs enfants le respect des lieux publics, à commencer par les toilettes des écoles, que tous ceux-là, français du haut du crâne jusqu’à la pointe des pieds, jettent la première pierre à ces gens qui déversent leurs ordures sur les talus d’autoroutes.

 

 Et puis ces bons bourgeois de gauche et de droite qui hurlent aujourd’hui leur indignation, où vivent-ils ? Bien au chaud au centre des villes, à l’abri des rixes de banlieue et des camps de Roms. Sont-elles prêtes ces bonnes âmes à accepter près de chez elles l’installation de gens du voyage ? Quand elles mettront leurs actes en accord avec leurs paroles, peut-être le peuple pourra-t-il les entendre. Et puis et puis cette critique du populisme d’un gouvernement en recherche de suffrages venant de démocrates d’occasion n’ayant pour objectif que leur retour au pouvoir ferait sourire si le problème n’était aussi grave. Quand on sait que pendant des années les mêmes ont laissé pourrir une situation qui fait de l’insécurité un problème majeur dans le pays.

 

 Je sais l’effort que font certaines municipalités pour accueillir les gens du voyage. L’effort des écoles aussi, des enseignants. Ce qu’il faut ? De l’eau, des raccordements, des ramassages, sur des terrains où je ne craindrais pas de planter ma tente, et puis la scolarisation des enfants, et puis du travail… mais ça, rien n’est facile ! A moins de considérer ces personnes malfaisantes par nature, vous voyez, vous, d’autre solution que de garder sur notre sol ceux qui y sont, et de les aider à vivre parmi nous ?

 

 Qu’on condamne ceux qui brûlent le drapeau d’un pays qui les héberge, ceux qui sifflent l’hymne national, ceux qui pratiquent la polygamie, ceux qui battent leur femme, ceux qui tiennent publiquement des discours contre les libertés et la démocratie, ceux qui appellent en chanson au meurtre des policiers, ceux qui profitent du travail des autres et des dizaines d’années de cotisations de travailleurs à la sécurité sociale, ceux qui profanent les cimetières et les lieux de culte, ceux qui s’en prennent violemment aux enseignants, aux pompiers, aux policiers, ceux qui inscrivent des insanités sur les tombes des soldats étrangers morts pour la France, ceux qui jettent des parpaings sur la cabine des TGV, ceux qui profitent grassement du trafic des armes et de la drogue dans les cités, que ces gens soient jugés et condamnés, d’accord. Qu’enfin la république se donne les moyens de faire régner la paix et la justice, d’accord. Mais cela n’autorise personne à désigner et expulser des femmes, des hommes et des enfants pour la seule raison qu’ils sont nés.

  

07/10/2009

X- Ce n'est plus une arche, c'est la tour de Babel

 

Cher ami,

 

quelques précisions à propos des questions posées par Zhu dans son journal…

 

 D’où viennent-ils ces voyageurs ? Quelqu’un pourra-t-il un jour répondre à cette question ? Sur leurs origines nous savons peu de choses, les seuls documents dont nous disposons proviennent d’autres peuples. Pour la plupart, ces témoignages sont négatifs. Les Roms n’écrivent pas. Nous, les Gadjé, nous sommes des paysans, des gens du cru, attachés à leur jardin, leur rue, leur banque, leur clocher, leur village, leur terroir, leur nation, nous pouvons difficilement comprendre ce peuple sans terre, sans attache, sans histoire. Car les Gens du Voyage n’ont pas d’histoire. Ils ont et ils racontent des histoires qu’ils transmettent par des paroles et des chansons. Ils sont un peuple de traditions et de légendes. Et s’ils n’écrivent ni ne lisent, il n’est pas interdit de penser qu’ils disposent d’autres moyens de communication. Une sensibilité extrême, la faculté de sentir, de pressentir sans l’aide d’autres moyens que ceux qui leur ont été accordés par la nature.

 

 Zhu se demande pourquoi ces gens sont-ils venus ? Te rappelles-tu les propos de la belle Iris ? (1)

 

« D’où revenaient-ils ces gens volant au secours des Terriens ? Il est temps de vous le demander. Il est temps de vous interroger sur ce long silence imposé pendant des millénaires. Il est temps de diriger votre regard sur votre propre passé, sur votre histoire. Il est temps de porter votre attention sur le monde qui vous entoure, sur les Autres. »

 

 Zhu écrivait que la première Arche s’était positionnée à l’aplomb du delta du Danube. Est-ce un hasard si cette région abrite traditionnellement depuis des siècles une importante population Rom ? Est-il interdit d’imaginer un appel au secours lancé par ces habitants des rives de ce que les Anciens appelaient la Mer Noire ? Un appel lancé à leurs frères d’Ailleurs, ces enfants, petits enfants, et arrière-petits-enfants de peuplades sans attache, sans terre, sans histoire qui, un beau jour mais il y a très longtemps, décidèrent de lever définitivement le camp, de quitter la Terre, pour aller chanter et danser plus loin, dans les étoiles ?

 Mais comment cela fut-il possible ? Bien que ne voyant pas ton visage, je devine ta perplexité. Je vais essayer d’être clair. Ce que Zhu ne pouvait pas savoir (et que tu ignores car vivant plus de deux siècles avant lui):

 

-         40 000 ans avant Confucius, l’Humanité, après s’être répandue sur tous les continents, avait développé des techniques dans les domaines clés : électricité, aérodynamique, aviation, électronique, énergie nucléaire, astronautique. Les humains explorèrent d’abord la banlieue proche de Terre. Ils réussirent ensuite à développer de nouveaux modes de propulsion rendant possibles les voyages hors du système solaire à bord de grands vaisseaux.

-         Survint alors une catastrophe (-38 000) : peut-être à la suite d’une guerre nucléaire mondiale. Des textes sacrés parlent de…

 

« …poussière et fumée (qui) masquaient le soleil… des gaz nocifs (qui) polluaient l’atmosphère… »

 

 Dans la Chronologie de l’ère terrienne (2) que nous avions établie à la suite des révélations d’Iris, nous précisions :

 

« Quelques humains ont pu échapper à la catastrophe :

-         ceux qui étaient en voyage spatial et qui, informés par radio, trouvèrent asile ailleurs dans la galaxie ;

-         d’autres, quelques centaines, qui eurent le temps d’embarquer dans les vaisseaux avant la propagation des radiations… »

 

 Après consultation des documents de mon père, nous en savons plus. Ces gens qui « étaient en voyage spatial » étaient pour la plupart des membres de la communauté Rom qui sont –depuis les origines- d’éternels voyageurs. Et s’ils décidèrent de quitter la planète, ce n’était pas pour aller chanter et danser plus loin comme je l’écrivais plus haut, mais parce qu’ils ETAIENT DEJA plus loin, et que pour eux, revenir sur une Terre contaminée aurait été suicidaire.

 

 Sur toutes ces questions, je dispose de documents. Je mets tout ça en ordre, un travail gigantesque que mon père n’a jamais pu ou jamais voulu faire. Cela n’aurait servi à rien, car nos autorités en auraient interdit la publication. Nous vivons, 100 000 ans après toi, dans un monde qui se complaît dans l’ignorance de sa propre histoire. Difficile pour mes concitoyens de reconnaître que s’ils existent c’est parce qu’un jour d’autres les ont sauvés. Pire encore : d’autres qui sont des nomades, « à l’écart du village très loin des bonnes gens… » (3)

 

 Ci-joint la suite du journal de Zhu.

 

A bientôt,

 

Tchang

 

§

 

agenda de Zhu, suite

 

mardi :

 

 Quand je pense que pendant des années, les cerveaux de ce monde (au moins ceux adeptes et serviteurs de la pensée dominante) nous riaient au nez quand, observateurs de bonne foi nous disions avoir remarqué, observé, photographié, filmé des OVNI… Quand, complices serviles des gouvernements, des forces armées et des dogmes politiques et religieux, ils cachaient et mettaient sous scellés les témoignages des honnêtes gens !

 Je ris –jaune- car je sais que quelque part dans ces Arches venues de très loin et bien extraterrestres celles-là, ces savants sans conscience sont blottis, discrets, bien au chaud et à l’abri des émanations meurtrières qu’ils n’avaient pas su ou pas voulu envisager.  Pendant des années, que dis-je, des siècles, ces chiens de garde des vérités officielles ont fermé les yeux pour sauver leur carrière. Aujourd’hui, rendus muets par la peur et la honte, ils sauvent leur peau, emportés dans des objets volants qu’ils s’étaient toujours interdit d’identifier.

 

Ce sera tout pour ce journal aujourd’hui, car une rumeur se propage : le départ de Sesostris serait imminent.

 

mercredi :

 

 Réveillés ce matin par des aboiements. J’avais oublié ça. Des millions d’êtres humains sont en danger de mort, et ceux qui -par chance- trouvent une place dans les vaisseaux  emportent leurs animaux ! Sans les excuser pour autant, il faut reconnaître que les associations ont beaucoup protesté contre ceux qui les abandonnaient à l’occasion des vacances… on comprend qu’à la veille de ce qu’on pourrait appeler des vacances définitives, ils ne veuillent pas s’en séparer. Il faut donc s’attendre à tout, pourquoi pas des perroquets, des escargots, des furets, des lions, on en prendrait un de chaque espèce, mâle et femelle bien sûr pour préserver  et développer la faune terrienne pendant le voyage et après, quelque part dans l’immensité. Une certitude, nous n’emporterons pas d’éléphant. Le dernier est mort en Afrique, tué par des braconniers. On a eu chaud, il aurait pris la place d’une bonne dizaine d’humains.

 Bref, aboiements, bousculades, altercations entre plusieurs familles de passagers du Secteur « Thüringerwald ». Explication. Dans l’arche nous sommes répartis en « secteurs » correspondants au découpage administratif germanique… en principe. En se promenant dans les couloirs longeant nos cabines (ou dortoirs pour les moins fortunés ou les gens sans enfants), on ne devrait rencontrer que des gens originaires de Weimar, Iéna ou Erfurt. Ce n’est pas le cas, j’entends souvent parler tchèque ou polonais. Et voici la cause des démêlés auxquels j’ai assisté ce matin : des jeunes de la banlieue de Prague prétendent qu’aucun vaisseau n’a été prévu pour leur pays. Ils trouvent donc tout naturel d’embarquer dans Sesostris, plutôt que de parcourir les mille kilomètres qui les séparent du port d’embarquement pour Amménémès, l’arche qui les attend à l’aplomb de Kiev. Bien sûr, les natifs de Thuringe, surtout ceux qui n’ont pas eu droit à une cabine, comprennent mal la présence de ces étrangers. Pour ma part, je suis mal à l’aise. Certes, nous résidons à Weimar depuis des années, mon épouse participe à la vie culturelle de la cité, nos enfants fréquentent les écoles de la ville, nous payons régulièrement nos impôts, mais tout cela ne peut faire oublier mon origine asiatique, après tout je suis beaucoup plus étranger au monde germanique qu’un Tchèque ou un Polonais.  Curieusement ici, personne ne me regarde de travers. Les gens du pays doivent se dire : celui-là, il vient de trop loin pour être un problème. Il est vrai qu’il est plus facile d’être en guerre avec un voisin qu’avec un inconnu. En plus, je suis Chinois, et la Chine a conquis l’Europe. Peut-être y a-t-il une forme de considération pour  un ressortissant de la puissance occupante, un représentant de la première puissance mondiale ? Cela s’est déjà vu dans le passé.

 Bref, aux premières heures du jour, les gens s’apostrophent et s’adressent des noms d’oiseaux que les autres ne comprennent pas. Ce n’est plus une arche, c’est la tour de Babel.  Et les Roms qui passent assistent à ce triste spectacle avec le sourire. A propos de Roms, justement depuis quelques minutes, je ne les vois plus passer. Par le hublot, nous n’assistons plus à l’arrivée de navettes. Le vaisseau est peut-être au complet ?

 

 

§

 

 

(1)   Iris, messagère des dieux

(2)   Chronologie de l’ère terrienne établie par Tchang après les révélations d’Iris

(3)   Extrait d’une chanson de voyageur