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08/08/2013

Nauséabond

 

 Si peu de réactions ! Trop peu, c’est cela le plus révoltant. Les propos honteux de ce politicien pour qui Hitler n’en a pas assez tué ne font qu’attiser la haine, alimenter les bas instincts. Les gens du voyage, quelle cible facile ! Ces personnes qui n’ont pas le nez plongé dans le terroir, qui ne sont de nulle part du moins c’est ce qu’on colporte, qui n’habitent ni dans un pavillon en parpaings bien de chez nous, ni dans une tour de béton élevée en quartier « défavorisé », oui ces personnes sont bien gênantes. Cible facile car elles n’ont pas plusieurs millions de co-religionnaires derrière elles, ce qui veut dire aussi : peu d’associations et d’âmes charitables pour les défendre. Qu’un policier verbalise –ou tente de le faire- une femme au visage caché, cela soulève des protestations, des rassemblements et des commentaires à n’en plus finir réclamant la tolérance et condamnant la violence (sic) policière. Mais qu’on accable « ces gens venus de l’est de l’Europe » (c’est le nouveau terme choisi par les médias), qu’on les désigne comme des êtres nuisibles menaçant la paix de nos villages, cela n’indigne personne ou presque. Quand il s’agit des gens du voyage, on oublie tout, la tolérance, les droits de l’homme, le « vivre ensemble », le droit à la différence, bref tout le monde est d’extrême droite !

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02/11/2012

Vivre ensemble... qu'ils disent !

 

 On interdit à nos enfants de s’en prendre aux plus petits. On leur dispense mille explications quand ils demandent pourquoi d’autres, croisés dans la rue n’ont pas leur couleur de peau, ou se déplacent dans un fauteuil, ou s’avancent aidés d’une canne blanche. On leur explique afin que leur regard s’humanise, et que plus tard… On souhaite que plus tard nos enfants deviennent des femmes et des hommes à part entière, ouverts, agissant en bonne intelligence avec leurs frères humains. De grands mots ? 

 Oui de grands mots qui j’espère ne font sourire personne. Mais voilà… Des mots que l’on a trop entendus, des formules ressassées, de la récitation pour citoyens de seconde zone. Des discours politiques corrects. Du flan. De la bouillie pour les chats. Des voix pour se faire élire. Des sentences sorties de la bouche de ministres dépassés par la crise. Des mots pour ne rien faire. Du bruit. Ronflements d’une démocratie assoupie. 

 Car au petit matin, la maréchaussée a ceinturé le camp. Les femmes, les enfants sortent des caravanes. Des hommes résistent. Pas longtemps. La force est en uniforme, solide, violente et il le faut. Il en faut de la violence, il en faut de la haine elles vont ensemble, pour sortir de leur lit des petits enfants qui n’ont rien fait que d’être nés. Et les femmes qui crient. 

 Ca je l’ai su plus tard. Car le jour du drame, j’étais sur ma chaise et j’écoutais la radio. Dans quelques coins de France, des Rom(1) qui vivaient dans des conditions innommables au milieu des ordures et gênaient les habitants du quartier, ont été expulsés par la police « afin d’être relogés ailleurs ». Il est vrai, disait la commentatrice, qu’il est difficile de laisser perdurer l’existence de ces bidonvilles insalubres. C’est une appréciation généralement admise par le corps politique dans son ensemble, mais aussi et c’est ce qui me choque, par la majorité du peuple. Et ce qui me choque encore plus : par moi. Comme des millions de français, je ne souhaite pas que des gens vivant dans des habitations de fortune, sans électricité, sans bloc sanitaire avec douches et toilettes, sans eau courante, viennent s’installer près de chez moi. Au nom de quoi donnerais-je des leçons de morale à ceux qui, non contents de vivre dans un quartier déshérité, doivent accepter cette situation ? Il faudrait rendre un hommage particulier aux maires qui ont agi courageusement, en aménageant des espaces viabilisés afin que les gens du voyage puissent vivre dans des conditions d’hygiène normales, tout en restant des nomades. 

 Mais quelques jours après, c’est bien le peuple lui-même qui dans un quartier de Marseille s'en est pris, sans l’intervention de la police, à des personnes qui vivaient dans un camp à proximité d’un quartier d’habitation. De braves gens avaient été cambriolés, et c’était par les Rom. Ca ne pouvait être que par les Rom. Si on pouvait rendre les Rom responsables de la délinquance, et pourquoi pas de la dette de la France, on le ferait, drapeau tricolore en tête et Marseillaise.  

 Ah il est loin le culte de la Différence, dépassés l’émouvant appel au Vivre Ensemble, la France produit du Mélange des Cultures, le Confiteor pour les erreurs d’antan, rafles et colonisations. Salauds ! Vous exploitez le vieux fond raciste populaire contre les gens du voyage pour nous faire avaler bien des choses. Les pires méthodes rôdées par les pires des dictateurs, vous les faîtes vôtres. Vous êtes aussi des lâches. Car en matière de délinquance, d’atteinte aux lois de la République, ainsi qu’aux droits des femmes, les Rom n’ont de leçon à recevoir de personne. Mais le hic : eux n’ont pas cinq millions de coreligionnaires derrière eux. Ils sont seuls. On attend encore la réaction des fameuses associations très pointilleuses sur les affaires concernant les droits de l’homme si promptes à réagir quand un pot de peinture est déversé sur le mur d’une mosquée. Elles ont toussé pendant quelques jours. Maintenant tout est calme.  

 Sinon, aux informations, rien. Si, les violeurs en réunion de deux jeunes filles ont été relaxés. Eux sont toujours en France, et dorment sur leurs deux oreilles dans des logements en dur. 

 

§ 

 

(1) Rom (les), l’un des trois grands groupes de Tsiganes, parlant la langue romani, dite aussi tsigane, dans laquelle homme se dit rom. Ils vivaient et vivent surtout en Europe centrale, mais certains ont gagné l’Europe de l’Ouest et même l’Amérique du Nord et l’Afrique. 

© Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 

Tsiganes ou Tziganes, nomades d’origine mal connue, qui ne furent jamais ni conquérants ni pasteurs, auj. disséminés en Europe et en Amérique, plus partic. en Europe centrale. L’exode des Tsiganes aurait débuté au IXe s., de l’Inde vers l’Iran, puis, par l’Arménie et les pays caucasiens, vers la Grèce (XIVe s.), ensuite (XVe s.) la Hongrie, l’Allemagne, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre. Ils furent de grands forgerons. La musique tsigane, célèbre en Iran au Xe s., a souvent influencé celle des pays hôtes: musique instrumentale en Hongrie, vocale en Russie, flamenco en Espagne, etc. Les Tsiganes se divisent en trois grands groupes: Gitans ou Kalé (langue kalo), en Espagne surtout; Rom (langue romani), les plus traditionalistes, en Europe de l’E. (Hongrie notam.); Manouches ou Sinti (langue sinto) en Allemagne, Italie et France (où on les appelle gitans, bohémiens ou romanichels). De nombr. mesures d’expulsion ont été prises pendant des siècles dans divers pays à l’encontre des Tsiganes; l’Allemagne hitlérienne a tenté de les exterminer.  

© Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001

 

10/02/2010

XXII- J'ai l'impression d'être coupé en deux

(Suite du journal de Zhu)  

27° jour :

 Pas grand chose à écrire, rien à signaler. Les hommes sont revenus avec le tombereau chargé de bois. De quoi alimenter le feu cette nuit et demain. Vu la taille des bûches, je suppose qu'il ne leur a pas été facile de couper des troncs de cette épaisseur avec les haches en jade. Nous sommes vraiment démunis. Si seulement nous avions rapporté de là-bas une cognée, mais voilà, sur Terre cet outil était devenu parfaitement inutile, et nous ne pouvions imaginer qu'ailleurs il pût servir à quelque chose. Je pense à Robinson, lui au moins disposait d'outils et d'instruments provenant du monde civilisé, échoués en même temps que lui sur le rivage. Mais c'était à la suite d'un naufrage.

 Nous autres, c'est différent : nous avons fui. Nous sommes partis précipitamment, en prenant soin de nos enfants, de nos proches, en emportant aussi richesses, bijoux, objets de valeur de petite taille, photographies de famille. Qui aurait pensé -dans la panique et la précipitation- à se munir d'outils ou d'instruments susceptibles d'assurer notre survie dans un autre monde ? Nous sommes ainsi faits, sous le diktat de l'urgence, enfermés dans le présent. Ah, des questions sur notre futur, nous nous les posions, et quand nous les adressions à nos sauveteurs, ils tenaient un langage incompréhensible accompagné de grands gestes, ou ils riaient. Ce sont des gens fondamentalement insouciants. Ils nous emportaient, c'était déjà beaucoup, et en musique. Pendant que les navettes chargeaient les Terriens dans les arches, ils chantaient, dansaient, au son des violons et des guitares. Lassés de poser des questions sans réponses, nous nous étions mis à chanter aussi en attendant le départ, mais c'était pour cacher notre angoisse. 

 Le départ ? Je devrais mettre une majuscule. Car ce n'est pas un pays, ce n'est pas même un continent que nous avons quitté. C'est notre planète, la Terre. Certes, il y a quelques siècles, cela ne fut pas facile pour les émigrants européens de tout abandonner et de se retrouver, perdus, sur le quai d'un grand port d'Amérique. Alors pensez, si c'est facile pour nous de nous savoir projetés à quatre années-lumière de chez nous ! Eh bien je vais vous étonner, ici la vie s'écoule paisiblement, j'entends des enfants qui jouent, Renfrogné est en train de bricoler je ne sais quoi dans sa hutte, deux jeunes tourtereaux reviennent à l'instant du bois, échevelés, alors qu'on avait formellement interdit de s'y engager, bref, je suis au milieu d'humains qui ont une faculté d'adaptation extraordinaire. Quand à moi, j'ai l'impression d'être coupé en deux. La disparition de Jennifer y est sans doute pour quelque chose. 

 Jenny partie, je retombe en enfance, à Pünderich, mon village. La vallée de la Moselle. Mon père monté dans les vignes par l'escalator à crémaillère, occupé à la taille ou à rien du tout, il n'était heureux que là-haut. Ma mère au sous-sol, occupée à faire goûter le Riesling à des clients, elle parlait trois langues et c'étaient souvent des touristes étrangers. Un village qui était l'enfer des cyclistes, tout en côte et les rues en pavés, mais qui attirait les peintres et les photographes. Le dimanche je m'ennuyais, car j'étais un des rares à ne pas aller au temple. Non parce que j'étais chinois, beaucoup de mes camarades d'origine asiatique s'étaient convertis au christianisme, mais parce que mes parents n'en voyaient pas l'intérêt. S'il leur avait fallu une divinité protectrice, ç'eût été Mercure le dieu du commerce, ou Dionysos celui du vin et des bonnes choses. Pour le reste, le devoir, la morale, l'éducation, que sais-je encore la sagesse, ils me servaient d'exemple et s'en remettaient sans réserve à mes maîtres. 

 Je vais à la corvée de bois. Renfrogné a amélioré le tombereau : une ridelle à l'avant, l'autre à l'arrière maintiendront les troncs. 

 Il est tard. Nous avons du bois pour cette nuit et demain. Il faut maintenir le feu. On ne sait jamais... 

 Les petits sont endormis, Qian dans les bras de sa grande sœur. 

 Un autre problème se pose : il n'a toujours pas plu, et le petit ruisseau qui nous alimentait en eau depuis l'épuisement de nos réserves n'est pas loin de se tarir. Nous filtrons l'eau à travers des linges pour faire boire les enfants. Jusqu'à quand ? Et comment font les indigènes ? 

 Bref ce soir, le moral n'est pas à la hausse. 

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