07/10/2010
Cette étrange faculté d'oubli
Sur Orange actualités on pouvait lire, à l’occasion du retour de Bertrand Cantat sur scène :
« La toile s’enflamme pour Bertrand Cantat »
« L’ovation du public est à la hauteur de l’absence du chanteur »
« …salle comble et électrisée par sa réapparition »
Après tout, cet homme a purgé sa peine. Pourquoi ne reprendrait-il pas son métier ?
Ce qui me choque, c’est l’enthousiasme débordant affiché par le public venu assister à son retour sur scène. Je dis : enthousiasme « débordant », je pourrais dire : « démesuré ». Je ne sais pas si les parents de la victime ont accordé leur pardon à cet homme, mais je suis bien certain qu’ils n’ont pas oublié les conséquences de son acte (1). Et comment même, s’il a un cœur, le plus fanatique de tous ses fans pourrait-il oublier ? Dans la société aujourd’hui, notre faculté d’oubli est sans limites. Je lisais sur la même page, dans les commentaires à propos de la triste commémoration de l’attentat de la rue Copernic, qu’il fallait tourner la page, laisser les morts en paix. La même antienne revient régulièrement lors des commémorations de la rafle du vélodrome d’hiver ou de la libération du camp d’Auschwitz :
« C’est du passé, tournons la page ! »
Même si la dimension des événements n’est pas comparable, on est bien obligé de constater qu’il devient de plus en plus facile d’oublier. Curieuse attitude, à une époque où plus que jamais le passé a bonne presse quand il s’agit de faire des sous, ou simplement de se faire plaisir, regardez la mode rétro, le succès des meubles ou des objets d’époque, les défilés des voitures des années 30, l’affluence dans les brocantes et vide-greniers… La voiture d’Hitler serait en vente qu’elle se vendrait des millions. Nous sommes un peu comme ces personnes atteintes de cette terrible maladie qui leur fait tout oublier, mais qui savent dans quel placard se trouve le chocolat.
Et pourquoi ne pas faire l’économie du cours d’histoire dans les écoles, allez hop, c’est du passé, tournons la page ! Par contre, enseigner l’histoire des religions qui ont toutes entre mille et deux mille ans, c’est vachement important, sans trop s’étaler cependant sur les tortures, meurtres et génocides qu’elles ont générés…
Oui, il vaut mieux prendre ces imbécillités avec le sourire, mais c’est dur, de plus en plus dur de vivre dans une société qui avance, les bras tendus, les yeux fermés, sans savoir où elle va, parce qu’elle refuse de savoir d’où elle vient. Qu’il chante donc Bertrand Cantat, il n’est qu’un détail de l’histoire.
(1) « Rapatriée en France le 31 juillet 2003 en état de mort cérébrale, à la suite d'un œdème cérébral suivi d'un coma profond provoqué par les coups portés par son compagnon Bertrand Cantat au cours d'une dispute, dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003 au sujet d'un message adressé par son ancien compagnon Samuel Benchetrit (alors qu'elle tournait le téléfilm Colette, une femme libre à Vilnius en Lituanie), elle meurt le lendemain, 1er août 2003, à Neuilly-sur-Seine. Bertrand Cantat et Marie Trintignant avaient eu une relation durant 18 mois. Les secours ne furent prévenus que sept heures après les faits, alors que l'actrice était entourée de son frère et de Bertrand Cantat ».(extrait de l’article Marie Trintignant sur Wikipedia)
20:17 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cantat, mémoire, oubli, histoire, passé