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15/06/2024

La mémoire qui flanche

 

 

 Les propos antisémites de Jean-Marie Le Pen prononcés il y a trente ans il ne faut pas les oublier. Par contre, on peut tirer un trait sur ceux dits et répétés depuis le 7 octobre par plusieurs membres de la mouvance « insoumise ». Quelques jours auront suffi pour oublier les jeux de mots sur les camps, les « meurtres » (je ne peux évoquer le terme exact, c’est trop dur) de bébés dont seul Israël serait coupable, les flèches pointées sur des personnes de confession ou d’origine juives, l’absence assumée à la manifestation contre l’antisémitisme…

 Comme au temps de la parution de « L’archipel du Goulag », quand, pour éviter de faire exploser l’union de la gauche, il ne fallait pas évoquer les crimes du communisme, aujourd’hui au nom de la même union de la gauche, tout peut s’oublier.

 Comment un citoyen de ce pays peut-il apporter quelque crédit à des gens de si peu de foi ? Qui n’agissent qu’en fonction de leur propre avenir politique ?

15/01/2014

Voisin d'en face et de partout

 

 Mais qu’on le laisse un peu tranquille ! Bien sûr je lui en veux. Comment ne pas en vouloir à un homme qui fait de l’antisémitisme un sujet de rigolade ? Plus insupportables encore sont les fous rires des spectateurs. Il y a pire : mon voisin d’en face.  

 Les humoristes ont le droit de dire ce qu’ils veulent, on est en démocratie. Au fait qu’est-ce que c’est, la Shoah ? Ah, s’il fallait dresser la liste des crimes commis dans l’histoire ! Ecoutez… c’était quand ? Pendant la guerre ? Mon pauvre monsieur, c’est du passé tout ça.  

 Cet homme qui autant que je me souvienne n’a jamais donné l’impression d’avoir pensé à quelque chose, défend donc la liberté de penser. Il entame ses discours par « On peut penser ce qu’on veut, mais… ». Il dit : « Le génocide nazi qui eut lieu au siècle dernier est du passé, tournons la page ». Par contre, il baptise ses enfants et dans l’église une fois ou deux par an il se prosterne devant un homme crucifié et ressuscité d’entre les morts, vingt siècles auparavant. Il y a donc pour lui passé et passé. Un qu’il faut oublier parce qu’il y a des problèmes plus importants, en particulier l’augmentation des impôts locaux, et un autre qui bien que deux fois millénaire est toujours d’actualité, qui nous permet une fois ou deux l’an, baptême, communion, mariage, de bambocher et de boire un bon coup. 

 Ce type d’en face je l’ai en horreur. Par la façon qu’il a de cultiver son jardin, comme si sa parcelle de trois cent mètres carrés était le centre du monde. Il pourrait survenir un grand malheur du genre dictature, dragonnades, massacres, on le verrait encore sur son bout de terrain, la cisaille à la main ou appuyé sur le manche de bêche en train de parler à son chien. 

 Ce type me fait peur, bien qu’il n’habite pas en face de chez moi. Ce type n’existe pas. Il y en a des millions. Car il est plus effrayant d’entendre que le génocide nazi est du passé et qu’il faut tourner la page, si cela est murmuré par des millions, que d’entendre que le génocide n’eut jamais lieu, si c’est hurlé par quelques fous. 

 

§

 

 

 

27/03/2013

A la une

 

 C’est une page de journal, probablement la première car les titres sont énormes. Elle est très ancienne. D’abord la photo. Gigantesque, elle occupe la moitié du format. Un homme à moustache me fixe droit dans les yeux. Je dirais… non, difficile de lui donner un âge. De ces gens qui sont de tous les temps. Le journal est abîmé, il a été plié et replié des dizaines peut-être des centaines de fois, il a traîné sur les plateaux des brocanteurs, exposé à la lumière il a jauni. Je parviens à lire « édition spéciale » tout en haut. Mais surtout, en gros : Deuil pour tous les peuples. Il s’agit de l’hommage rendu à un mort. Qui expriment, dans le recueillement, leur immense amour pour et en lettres immenses : Le grand Staline. En plus petit, on apprend que la Conférence nationale du Parti Communiste Français interrompt ses travaux. Suit une longue lettre du Comité Central du Parti Communiste Français adressée au Comité Central du Parti Communiste de l’Union Soviétique. Le titre du journal est l’Humanité, la date à peine lisible, probablement 1953. Pour qu’un tel hommage lui soit rendu, ce Staline fut à n’en pas douter un grand homme.  

 Ou alors non, ce fut un dictateur et ce journal est un faux. Oui, c’est cela. Les hitléro-trotskistes passent leur temps à falsifier l’histoire. D’ailleurs, pas plus que Staline, l’Union Soviétique n’a jamais existé, le journal l’Humanité non plus. Je doute aussi de l’existence du monde. Peut-être que tout cela, vous, moi, ce blog, l’ordinateur, la matière, les planètes, le big bang sont le fruit de l’imagination d’un fou qui n’existe pas. C’était la thèse du philosophe Berkeley qui concevait l’immatérialité du monde. Mon professeur de philosophie tout sourire répondait que le grand penseur n’avait sans doute jamais porté sur son dos un sac de ciment de cinquante kilos. En Sibérie, les rails portés par les déportés devaient aussi être bien lourds. 

 Mais tout cela, c’est du passé, me disait un ami qui me regardait préparer une exposition sur la déportation et l’extermination de six millions de personnes par le régime nazi. Les millions de victimes du goulag il ne faudrait pas non plus en parler. Fini tout ça ? Certainement pas. Il faut parler, enseigner, transmettre à nos enfants. On leur inculque bien qu’il y a deux mille ans, un homme a ressuscité, pourquoi s’interdirait-on de leur dire qu’il y a moins d’un siècle des êtres humains ont souffert, sont morts, et qu’ils le sont restés. 

 J’avais à peine écrit cela, une secte néo-nazie interdite en Allemagne cherchait une salle pour réunir ses partisans en France. A l’autre extrémité de l’échiquier politique, un député européen (ou qui l’a été) prononce contre un ministre une diatribe aux accents antisémites. Oubliez le passé, vous le prendrez en pleine figure. 

 Une raison supplémentaire d’ouvrir l’œil, une rencontre avec un troisième type de totalitarisme n’est pas à exclure. Restons vigilants, n’oublions rien et parlons-en à nos enfants.