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06/06/2013

Où sont donc passés les défenseurs de la langue française ?

 

 Mon fils me rappelle à l’ordre. Je m’endormais. Il faudra que les jeunes se rendent à l’évidence : l’âge pèse sur le corps. Mais le pire ce sont les neurones, tout là-haut : ils ont une fâcheuse tendance à se faire rares. Dès qu’on a une idée à faire partager, il faut sauter sur le calepin ou le papier qu’on n’a pas sous la main, pas de crayon non plus, ou alors on est au volant, ou les deux mains prises par les sacs des courses, ou dans une file d’attente, ou chez le dentiste à la roulette, bref il y a des situations où le vieillissement de la mémoire vous ferait vous taper la tête contre les murs, mais il ne faut pas, ce serait pire. 

 Bon, où en étais-je…je parlais de mon fils…oui, il remarquait l’apparition du mot « bombasse » dans le dictionnaire. Peu de réactions dans le camp féminin, aucune dans le public lettré de notre pays. Par contre, levée de boucliers quand il est question d’enseigner en anglais dans les universités. La belle langue française est sacrée mais pas dans tous les cas. On peut faire dix fautes par ligne, ne pas savoir conjuguer un verbe et donner par écrit son avis sur tout et n’importe quoi. On peut enseigner le breton à l’ouest, le basque en Aquitaine et le corse dans les îles, cela ne choque personne. D’autant plus que ces langues sont des armes décisives dans la lutte que nous menons contre le chômage des jeunes. Elles leur seront bien utiles pour rendre à la France la place qui est la sienne sur le plan du commerce international. Le jeune  diplômé sachant parler et surtout écrire le breton le basque ou le corse –éventuellement le picard ou le berrichon ancien- se sentira parfaitement à l’aise sur la place Tienanmen de Pékin, d’autant plus à l’aise que les autorités toujours sourcilleuses ne craindront pas la subversion s’il s’aventure à parler en public. 

 Bien inutiles par contre sont les langues anciennes, et je me limiterai au grec et au latin, mettant de côté le linéaire B. Langues dont les insuffisances du vocabulaire rendraient improbable la vente de dentifrice, d’ipades, de crème à bronzer (et pourtant le soleil de Crète…), d’automobiles bourrées d’électronique, bref, sans faire le procès des Socrate, Héraclite d’Ephèse, Epicure et Lucrèce, ces gens étaient sans doute admirables mais savaient peu de chose. Socrate lui-même le reconnaissait qui avouait : la seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien. On en sait dix fois plus aujourd’hui, même en n’allant pas assidûment à l’école. Et oui, le temps passe. Le grec et le latin ne font pas vendre, et n’alimentent pas les conversations. Leur seule utilité, outre la lecture des auteurs anciens, c’est de mieux comprendre, parler et écrire la langue française. Par exemple « bombasse » vient du latin « bombus » qui signifiait : bourdonnement, bruit sourd. D’où l’idée est venue de nommer ainsi un projectile bruyant, auquel la forme arrondie (boulet, ogive) est attachée. La bombe volcanique est renflée en son milieu, la bombe glacée est de forme conique, en pyramide, le petit Robert évoque même le vase sphérique en verre. De fil en aiguille, en ne retenant que la forme, on en vient à la femme, avec ce petit plus dans la terminaison qu’on retrouve dans « pétasse », « connasse », une délicatesse qui, outre les auteurs de la dernière édition du dictionnaire, doit réjouir ceux qui méprisent la moitié de l’humanité. 

 

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