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24/05/2017

Fachophobie

 



 On critique beaucoup le Front National. Ce qu’on oublie de dire, c’est qu’il accorde à peu de frais une bonne conscience à nombre de ses détracteurs. A peu de frais, car il suffit d’apparaître quelques minutes sur les pavés de Paris, d’élever la voix autour d’une table ou de cliquer au bas d’une pétition pour se donner des airs de combattant anti-fasciste.

 On réside à vingt lieues des zones de non droit, mais on clame autour du barbecue que tout le monde est très gentil, ou presque. Les femmes et les honnêtes gens se verraient interdire l’accès dans les commerces, les cafés et les quartiers qu’on les tiendrait pour menteurs ou identitaires.

 Bon, critiquer l’extrême droite est bon pour le moral du bourgeois tranquille dans son jardin. Il ne croit que ce qu’il voit, et comme il est loin de tout, à cent lieues du chômage, de la misère, de la détresse et de l’injustice, il est un révolté contenu, un insurgé rentré. S’il lui arrive d’être extrême, c’est dans la modération. Ses virulences sont rares mais démonstratives. Au-delà des idées, des convictions, plus forte que toutes les indignations, la bonne conscience écrase tout sur son passage à commencer par la conscience.

 Le fachophobe d’aujourd’hui est à l’anti-fasciste réel ce que le héros de Cervantès est au combattant anti-franquiste de 1936.

 


§

09/12/2015

La censure idéologique toujours bien vivace


(publié ici le 17 janvier 2011)


« Il existe toutes sortes de censure (…) mais on a rarement prêté attention à une forme non officielle de censure, d’autant plus redoutable qu’elle est sincère, se croit honnête et n’a pas conscience d’être censure : c’est la censure idéologique (…) Elle consiste, non pas à empêcher la diffusion des œuvres et des idées , puisqu’elle n’en a pas le pouvoir légal, mais à dissuader le public d’en prendre connaissance. Le lecteur, l’électeur ne sont pas invités à juger par eux-mêmes des arguments d’un auteur, mais à s’en détourner comme on se détourne du péché. Censure prophylactique, consistant à déconsidérer les auteurs dangereux pour la Foi, au lieu de les discuter ; à les mettre à l’index au lieu de les réfuter ; à fanatiser le lecteur au lieu de l’éclairer. »

 Voilà ce qu’écrivait Jean-François Revel en 1977 (1). Y aurait-il une phrase, un mot à enlever ? Non, si l’auteur de ces lignes était encore vivant, il aurait pu les écrire ce matin.

 L’auteur observe la politique française dans les années 60 et 70. Un exemple : afin de préserver l’Union de la gauche, la critique du totalitarisme soviétique était bannie dans les milieux socialistes. Pas vraiment une interdiction, mais un empêchement, avec la menace pour le téméraire de se voir accuser de complicité avec le diable, en l’occurrence le capitalisme international. Inutile de rappeler que vous étiez montré du doigt, et que si vous aviez l’audace d’en rajouter, on ne vous écoutait pas, mieux : on vous jugeait avant de vous entendre. Le voilà l’esprit totalitaire : juger avant d’entendre. Qui est-il celui-là ? D’où parle-t-il ? D’où vient-il ? Premières questions inquisitrices, questions qui à peu de chose près sont celles du fasciste. L’esprit totalitaire prend naissance dans un dogme. Il est donc pour lui inconcevable que l’ingénu qui pose des questions soit un esprit libre, car pour lui la liberté est obéissance à la doctrine. On fait taire ou on liquide. Staline appliquait les deux méthodes. Et une troisième, sans discussion la plus efficace : extorquer des aveux. On fait passer les personnes les plus respectables pour des ennemis du peuple, du même coup on consolide le pouvoir, on confirme la doctrine.
Pour revenir à la France, les étudiants qui en 1968 manifestaient leur désapprobation de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie étaient systématiquement accusés d’être des complices de l’impérialisme américain, si ce n’est des agents de la CIA. Cela m’est arrivé.

 Mais pourquoi rappeler ce passé ?

 Si les interlocuteurs ont changé, si le parti communiste ne recueille plus que quelques pour cent des voix, dans les milieux de « gauche », il est toujours malvenu d’aborder certains sujets, même benoîtement. Le parti s’est déplumé, mais l’esprit demeure. Allez déclarer vos idées de droite ou même seulement votre neutralité ou vos doutes dans certains milieux professionnels, vous aurez la vie dure. Autant garder cela pour vous. De toute façon, vous ne convaincrez personne, car l’ordre règne. Osez dire qu’il y a des prisons à Cuba, on vous parlera de Guantanamo. Aucun dialogue possible. Alors imaginez le sort du naïf qui avoue être séduit par une remarque de Marine Lepen : silence dans les rangs, c’est un fasciste.

 Je devine confusément chez certains de mes lecteurs l’esquisse d’un questionnement : l’auteur de ces lignes se rapproche du Front National. Voilà, confirmation de ce que j’écrivais plus haut, aucun dialogue possible. Heureusement, il y a dans ce pays des personnes qui n’ont pas besoin d’un parti (pris) pour avoir de la jugeote. J’en ai des exemples –très peu dans les radios et les télés- mais sur Internet, sur le trottoir ou en faisant mes courses, bref dans la vraie vie. Ouf ! Que cela fait du bien de respirer un peu l’air du pays, du vrai, des gens qui travaillent ou qui n’y ont plus droit, loin des médias, des cliques et des nomenclatures. Des gens qui ne sortent pas « couverts ». Des gens qui ne prennent pas mille précautions et ne consultent aucun bureau politique avant de dire ce qu’ils pensent. Oh que ça fait du bien !

 Il y a aussi la censure idéologique en chaîne : vous déclarez votre inquiétude à propos de la propagation de l’islam dans nos sociétés. D’abord, on vous dira que c’est faux, ou que c’est très exagéré. Si vous insistez –en général c’est le cas- on vous soupçonnera d’avoir une idée derrière la tête. La majorité des musulmans dans ce pays étant originaires d’Afrique du nord, vous devinez l’accusation qui vous pend au nez. Et la prochaine fois que vous prendrez la parole, on partira de là : on sait qui vous êtes, et vous pourrez avoir des milliers d’amis arabes, rien n’y fera, vous êtes étiquetés et rangés dans un tiroir. Et pour sortir de là… De la calomnie il reste toujours quelque chose. Dans l’Union soviétique des années noires vous perdiez d’abord votre emploi, les gens ne vous adressaient plus la parole, et venait le jour du grand voyage là-haut dans l’archipel, loin des vôtres et pour toujours. Heureusement aujourd’hui en France, on ne s’en prend qu’à vos idées et encore, seulement dans ces milieux où les gens ont la mémoire si courte qu’elle leur donne une vision étriquée du monde. Etriquée, mais facile à concevoir, à comprendre et à transmettre, puisque de type binaire : à gauche le bien, à droite le mal.

 Jean-François Revel juge sincère la censure idéologique. Pour ma part je ne sais pas. Peu importe, ce qu’il faut retenir, c’est qu’elle est redoutable.

 Pour revenir au Front National dont les succès électoraux se confirment de jour en jour, comme des millions de citoyens je n’y suis pour rien. Allez donc voir du côté de ces partis et associations de gauche qui depuis des années ferment les yeux face à la délinquance, au chaos dans les banlieues, au non respect des règles les plus élémentaires, quand ce n’est pas face à la maltraitance des femmes, à l’intolérance religieuse, aux violences antisémites et homophobes. Allez donc voir du côté de ces partis, de ces associations qui au nom de doctrines réactionnaires comme celle, tenace, du multiculturalisme, ne voient dans la mise en cause de la laïcité, des libertés et de la république, que les conséquences de l’inégalité sociale. Faudra-t-il attendre le Grand Soir pour mettre fin à l’intolérable ?

 En attendant, ces gens-là donnent au Front National des raisons d’espérer. A son tour, comme au ping-pong, le parti xénophobe justifie les cris de vierges effarouchées de nos angelots : « Halte au racisme, à la xénophobie, au fascisme ! » Ainsi, ils ont quelque chose à dire. Sinon rien.

 

§


(1) J-F Revel.- La nouvelle censure, un exemple de mise en place de la mentalité totalitaire, Robert Laffont, 1977 ;

29/04/2012

Incivilités

 

 La gauche avait tout fait, tout. Et quand je dis la gauche, j’englobe les partis, les syndicats, les associations, les philosophes sauf un ou deux, les psychologues, les consultants scientifiques des radios parlant depuis le CNRS, les artistes, les comédiens, les chanteurs, les humoristes, les chroniqueurs, les écrivains sauf un ou deux, les magistrats, les médias et quatre-vingt pour cent de ceux qui ont en charge l’éducation des enfants, oui la gauche avait tout fait. Tout fait pour alimenter dans ce pays le climat raciste nécessaire au renforcement de l’extrême droite. En défendant l’indéfendable : le gentil délinquant pour lequel on va chercher toutes les excuses possibles, pour condamner le méchant policier. En justifiant les petits délits et menus trafics qu’on explique en invoquant le chômage, la misère, la désespérance dans les quartiers. Bref, quand on vous pique votre portefeuille, quand on vous agresse en bas de votre immeuble, quand on brûle votre voiture, quand on s’en prend à vos biens, quand on rackette vos enfants à la sortie de l’école, c’est toujours la faute à dame Misère, prenez votre mal en patience, la gauche arrive avec elle la justice et la paix civile. Mais tout le monde n’a pas la patience, et cet air de commisération distillé par les humanistes des beaux quartiers ne vous console pas, le Front National est là qui vous ouvre les bras.

 

 L’extrême droite est fille de l’indulgence, du laisser-aller, de la démission collective, du culte de l’irresponsabilité. Et dans ce domaine, alternance ou pas, la gauche est toujours aux affaires. Mais quand on a un frère, une mère, un père au chômage, qu’on a du mal à joindre les deux bouts, celui qui vous agresse devient vite un étranger même s’il ne l’est pas. A force de dire que tout le monde est gentil sauf les représentants de l’ordre et des institutions, les humanistes à la petite semaine fabriquent de la haine et du racisme.

 

 Ce nid d’antisémites et de xénophobes pour qui l’occupation de la France par les nazis n’a pas été aussi terrible que ça, recueille au premier tour de l’élection présidentielle presque vingt pour cent des suffrages exprimés. Quasiment un électeur sur cinq. Et croyez-vous qu’ils ont fait un geste pour remercier, même seulement un sourire, un mot gentil ? Non, rien du tout. La gauche dépitée attend toujours un signe.

 

 Mais comme il faut deux pôles négatif et positif pour qu’une batterie fonctionne, le jeu du je t’aime moi non plus marche en politique. Une fois au pouvoir la gauche ne manifestera pas la moindre gratitude pour ceux qui auront largement contribué à sa victoire. 

 

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