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29/05/2014

Le séisme n'est pas d'aujourd'hui

 

 

 Les bobos qui s'affolent -ou font semblant- en voyant l'extrême droite devenue premier parti de France ont la mémoire courte. Ce n'est pas un, mais des séismes qui ont fait trembler notre pays, et depuis des dizaines d'années. Un mouvement ouvrier décimé, des centaines de milliers de mineurs du nord et de Lorraine jetés à la rue dans les années soixante et suivantes, des régions dévastées, des villes à vendre, des enfants sans avenir, des ouvriers de l'industrie promis au même sort, des agriculteurs et des pêcheurs harcelés par des normes fixées par des anonymes qui n'ont jamais fréquenté que des bureaux, des femmes et des hommes d'une quarantaine d'années qui survivent dans la rue parce qu'ils ont tout perdu emploi, maison, famille, raison de vivre, et au-dessus de toute cette misère, de cette injustice, des bureaucrates de partis et de syndicats qui se foutent de tout sauf de leur carrière, et pour les moins malhonnêtes, qui feignent de croire encore que demain tout ira mieux, en défilant ici ou là avec des calicots, en hurlant des slogans ravageurs. 

Il y a ceux qui profitent, les milliardaires pour qui la misère des autres est bien triste. Et les autres, les pauvres qui ont leur carte sur eux, qui la promènent partout, à la sécu, chez le médecin, à la mairie, dans tout ce que la république bonne mère a prévu pour eux de secours sociaux, ces professionnels de la débrouille qui baladent leur indigence au gré des associations charitables, ces pauvres à carte qui n'ont pas besoin de travailler, puisque les autres le font pour eux, les autres qui vivent difficilement, sans assistance, contraints de sacrifier leur vie de famille pour qu'une entreprise qui un jour les oubliera puisse survivre encore quelques années, quelques mois, peut-être quelques jours. Ces pauvres là, les vrais, qu'ils soient dans les villes sur les mers ou dans les champs, sont les victimes d'un système impitoyable dont les valets ont tous les pouvoirs, en particulier celui de perdurer.

 Séisme? Mais la terre tremble depuis un demi-siècle! Il n'y a personne à ce jour pour l'apaiser. Personne. Même pas un parti qui, n'ayant jamais exercé le pouvoir, brille comme un sou neuf, et peut sans réserve débiter des balivernes.

 

 

§

 

 

08/02/2013

Tisserons-nous un jour le linceul du vieux monde ?

 

 

Vous souvenez-vous ? Mais si ! Vous avez la musique en tête… 

Pour chanter veni creator

Il faut porter chasuble d’or 

C’est nous les canuts

Nous sommes tout nus 

 Les canuts n’existent plus mais l’injustice persiste. Certes la pauvreté ne crève pas les yeux dans les rues. On peut disposer d’une automobile et manquer de tout. Jouer sur ordinateur, avaler les programmes télé et se nourrir comme on peut. Cacher sa misère. Quand des sommes colossales sont versées aux actionnaires des grandes entreprises, sont livrés au chômage des travailleurs sans lesquels actionnaires, entreprises et bénéfices n’existeraient pas. 

Nous tisserons le linceul du vieux monde

Car on entend déjà la révolte qui gronde 

 On peut ne pas partager les paroles outrancières et parfois menaçantes des délégués syndicaux des entreprises qui ferment, mais au moins eux, on les écoute. Ils savent de quoi ils parlent. Quand des artisans, des commerces, des cafés, des villes entières n’ont plus de grain à moudre, c’est la vie qui s’en va. J’ai vu dans ces belles régions du nord, oui ces belles régions du nord mais ça il ne faut pas le dire, pour l’opinion le nord c’est pas beau… j’ai vu dans ces belles régions du nord des quartiers entiers à vendre, des zones, des espaces inhabités, personne pas un gosse dans les rues, des cartons aux fenêtres, des portes entrebâillées sur rien, comme si tout le monde venait de partir. Quand j’ai vu cela, j’ai pensé aux canuts, à la révolte qu’ils annonçaient et qui ne gronde plus. Plus d’un siècle après les premiers combats ouvriers, la chasuble d’or pour certains et la nudité pour d’autres.  

 Pas vraiment la nudité, n’en déplaise aux fondamentalistes politiques, la classe ouvrière n’est plus ce qu’elle était, au moins ici. Elle est partie sous d’autres cieux, sur d’autres continents. Là où, comme aux siècles derniers en France, même les enfants travaillent dans des conditions très dures. L’ouvrier français sans emploi, la petite solidarité des associations peut lui venir en aide, il aura de quoi se nourrir, un toit ce n’est pas sûr, et ses enfants, l’avenir de ses enfants ? La société imbécile tire un trait sur le savoir-faire, l’inventivité, la créativité, l’intelligence. Il faut être Monsieur Jourdain pour croire que l’ouvrier travaille avec ses mains. Non mais regardez-les ces intellectuels d’opérette qui, derrière leurs verres fumés, toisent le  travailleur des rues, pensant par devers eux que finalement chacun est à sa place. Il n’y a pas de travail méprisable, s’il n’était que manuel, les tâches les plus difficiles pourraient être l’œuvre de robots. Nous sommes tous des êtres pensants, sauf peut-être ici ou là quelques bourgeois parisiens à qui l’école n’a pas livré ce qui leur était dû. 

 Je dis société imbécile car ce sont les gens les plus précieux qu’on sacrifie, ceux qui font, qui fabriquent, qui produisent les richesses. Mon père était fraiseur outilleur en usine automobile. Il avait son certificat d’études et un CAP d’ouvrier qualifié. Le travail qu’on lui demandait était d’une précision inouïe, car il lui fallait ajuster les outils qui servaient à donner les formes lors de l’emboutissage des tôles de carrosserie. Mon père qui était d’une maladresse qui nous faisait rire était dans son métier d’une compétence reconnue. Savoir faire. A l’époque ils étaient 30000 dans l’usine. Aujourd’hui je ne connais pas le chiffre exact, mais je crois trois ou quatre mille. Certes il y a les robots. Mais à nos enfants les robots ne transmettront rien. On dit que nos jeunes n’ont pas le goût de l’effort, mais la société qu’on leur présente n’ambitionne plus que le farniente, le loisir et l’inactivité. Dans cet environnement, ce n’est plus l’intelligence et l’effort qui sont récompensés. Mais la paresse et son corollaire la ruse, peut-être aussi la délinquance.  

 Et quel horrible mot celui de reclassement !  A trente ans quand on a peu d’expérience et la vie devant soi, on peut faire un effort pour s’adapter. Quand on a trente ans de maison, le savoir et la compétence et qu’on vous dit la bouche en cœur qu’on va faire de vous un autre homme, il y a des claques qui se perdent. D’ailleurs les claques se perdent de plus en plus, ce n’est pourtant pas les têtes qui manquent.

 

C’est nous les canuts

Nous sommes tout nus.

 

§