13/04/2012
Si la vie n'est qu'un passage
C’est la recette du bonheur. Folâtrer de gauche, de droite. Ecouter les nouvelles d’une oreille distraite. S’inquiéter de ce qu’on mettra cet hiver. Penser à inviter untel ou une telle. Changer de traiteur. Tiens, une irritation. Ce n’est pas tous les jours.
Elle ne s’emporte jamais. Immortelle ? Non. Combattues sans relâche, les rides en témoignent. Elles sillonnent le visage. Mais s’infiltrent aussi à l’intérieur, dans les circonvolutions de l’esprit. Nuit et jour elle y pense, le vieillissement est quelque chose de terrible. Pire que toutes les catastrophes que la nature nous inflige. Celles-là : pluies diluviennes, tornades, sécheresse, séismes, elle ne les craint pas.
Car elle est protégée de Dieu. Il l’a déposée dans une région calme, tempérée, sans histoires, sans violence, sans pauvres qui vous collent aux fesses, sans les soucis qui rendent la vie difficile à tant de gens qu’elle plaint, sincèrement, elle l’a fait savoir dimanche entre gens de bonne compagnie. Adhérente à toutes les associations protectrices des animaux et des hommes, elle poste des chèques qui diminuent le quota de ses impôts mais elle ne le fait pas pour ça.
Elle est chrétienne, par héritage. C’est ce qui se fait de mieux dans ces milieux, on maintient la tradition. Petit assaisonnement pour donner du peps à une vie trop imprégnée de valeurs terrestres. Elle pâlit d’abord, puis s’indigne quand, du haut-parleur de Monoprix, elle apprend qu’un homme est mort de froid dans la rue.
Pour meubler ses jours, elle se met au crochet, tout en conversant avec ses amies sur le net. On parle du SDF et de toutes nos petites misères de tous les jours. On présente devant la webcam les couleurs chatoyantes de la dernière réalisation sur canevas. D’autres montrent leur bébé, la décapotable on ne peut pas, on la verra dimanche. Et tout ce petit monde rit et s’agite, après tout on ne vit qu’une fois. Pendu au mur, un poète le dit, la vie n’est qu’un passage.
Il est tard, le quartier s’endort. Sur l’écran de télé des personnages s’animent et chantent. C’est à l’autre bout du monde. Là-bas aussi on est heureux. On voit bien que les gens s’aiment et qu’ils font bon usage de ce que le Très-Haut nous a accordé. A quoi bon toujours voir le mauvais côté des choses ?
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19:14 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : insouciance, vacuité