12/04/2009
Innocents
Après tout il est bien possible que le dessin d’une croix gammée sur le wagon et la stèle du mémorial de Drancy soit l’œuvre
d’un déséquilibré,
d’un jeune désœuvré ayant un peu bu,
d’un pauvre homme à qui des faibles esprits avaient monté le bourrichon,
d’un être inculte et ignorant l’histoire de France,
d’un adolescent en mal de vivre,
d’un chômeur en fin de droit,
d’un immigré sans papiers, sans ressources, sans toit, sans rien,
d’un désespéré s’adressant au monde et lui disant : « Moi aussi je souffre ! »,
d’un jeune homme amoureux délaissé par sa compagne,
d’un être ordinaire cherchant la célébrité sous les caméras de surveillance,
bref, il est bien possible que le dessin d’une croix gammée sur le wagon et la stèle du mémorial de Drancy soit l’œuvre d’un innocent.
Ces profanations qui se répètent et semblent s’intensifier ont toujours pour auteurs (quand ceux-ci sont identifiés et jugés) des gens
qui ne savaient pas,
qui n’avaient pas conscience de leurs actes,
qui avaient quitté trop tôt l’école,
qui avaient eu une jeunesse malheureuse,
qui avaient été battus par leur père et même pire,
qui avaient de mauvaises fréquentations,
qui étaient en mal de ceci, en mal de cela,
qui avaient passé des heures devant l’écran de leur ordinateur,
qui avaient tout confondu, image violente et violence réelle,
qui vivaient mal dans une banlieue défavorisée,
qui avaient été séduits, puis sans le savoir, enrôlés, embrigadés,
bref, ces profanations qui se répètent et semblent s’intensifier ont toujours pour auteurs des gens qui n’étaient responsables de rien, vous savez comme ces gardes-chiourmes, ces Kapos dans les camps qui, après la guerre se défendaient en disant que les ordres venaient d’en haut, qu’ils n’étaient que le dernier maillon d’une chaîne infernale, qu’ils ne pouvaient agir autrement.
Les innocents, les vrais, n’étaient plus là pour parler.
Ici-bas les commentaires vont bon train. J’ai lu des choses abominables :
« Qu’on cesse de nous casser les pieds avec le génocide. »
« Depuis des millénaires il y en a eu des milliers, pourquoi s’attarder sur celui-ci ? »
« Arrêtez de ressasser le passé, il y a d’autres problèmes plus graves qu’un dessin à la peinture sur un wagon. »
« On s’indigne pour une croix gammée, pendant ce temps il y a des milliers de Palestiniens qui sont massacrés. »
Non, je plaisante, tout ceci est le fruit de mon imagination, d’ailleurs, je n’ai pas cité mes sources…il n’y en avait pas. Personne n’oserait dire ou même penser de telles sottises.
Bon, allez, je veux bien croire que l’auteur de cette profanation ne savait pas ce qu’il faisait. Le maire a fait effacer ces offenses. Elles laisseront une trace dans la mémoire de ceux qui dans ce pays en ont une, sont allés à l’école, connaissent l’histoire et surtout, ont un cœur.
Au Mémorial de la Shoah à Paris, il y a des noms gravés sur un mur, les noms de soixante-seize mille innocents dont soixante-sept mille sont partis de Drancy.
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11:55 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antisémitisme, déportation, drancy
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