Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/01/2015

Au nom de qui alors ?

 

Depuis des lustres on nous disait que le terrorisme et son frère de sang l'islamisme étaient les enfants de la misère sociale. L'extrême gauche et une partie de la gauche étaient à la manœuvre. L'ennemi désigné: le capitalisme, et les concepts apparentés: monde occidental, monde de l'argent, des finances, impérialisme -autant que possible américain, un bouc émissaire désigné ne fait jamais de mal, exploitons les instincts primaires xénophobes-, concepts en forme de slogans ramassés adaptables aux calicots, s'élevant parfois haut très haut au-dessus des analyses économiques tranchées, confinant à la morale, condamnant ce monde en déliquescence, dégénéré, qui sombre corps et âme dans le plaisir et la jouissance, quand d'autres hémisphères -il y en a autant que d'associations caritatives- souffrent de tous les maux, de la faim, des épidémies, des dictatures et de la guerre. On nous disait un peu la même chose du féminisme: combat inutile, la femme sera l'égale de l'homme dans la société finale, après la chute du capitalisme et l'extinction de l'état, il fallait que nos copines attendent le Grand Soir, elles pourraient jusqu'alors employer leur temps à combattre aux côtés de la classe ouvrière qui comme on le sait (dans les livres) a toujours été sensible aux revendications féminines. 

Et voilà pourquoi aujourd'hui le terrorisme frappe: le Grand Soir se fait attendre... on ne va pas pleurer vu ce qu'il a engendré quand il a eu lieu. Trève de plaisanterie. Ces illuminés, prophètes de l'apocalypse ont mis un bémol à leur antienne. On les entend moins, ou alors en sourdine. Ils condamnent fermement les actes terroristes qui les ont horrifiés. Mazette! Ils y vont fort! Puis silence ou alors simplement: "je suis Charlie". A l'époque, quand Philippe Val au nom de Charlie hebdo était face au tribunal correctionnel, les mêmes faisaient la fine bouche, marmonnant que la publication des caricatures de Mahomet était inopportune, que c'était aller trop loin, que cela contribuait à mettre de l'huile sur le feu, qu'on ne pouvait pas rire de tout -j'entends la même chose aujourd'hui, mais cela vient des musulmans de France, ceux qui sont solubles dans la république. Et c'étaient des révolutionnaires, ces gugusses qui laissèrent Charlie se débrouiller seul face aux religieux? Pour être juste, je me rappelle aussi ces personnalités de gauche et de droite qui se sont déplacées à l'époque, faisant preuve d'un certain courage, car l'opinion n'était pas franchement du côté du droit républicain. Ce n'était pas comme aujourd'hui, Charlie hebdo a envahi les rues, on se balade avec lui sous le bras, les dogmes ne nous ont jamais autant fait rire, disons le tout net, la France a renoué avec ses héros, Voltaire, Montesquieu, Diderot, rétabli le lien avec ses maîtres laïques, à ce qu'on dit...mouais... hum, je tousse. 

Donc, nos révolutionnaires se calment peu à peu. Ne rêvons pas. Ils ont encore du grain à moudre. Le capitalisme toujours alerte a d'immenses ressources dans tous les domaines: injustice sociale, chômage, misère en métropole, exploitation des richesses au détriment des peuples, au-delà. Le révolutionnaire aujourd'hui, par rapport au citoyen lambda est un peu dans la situation du petit qui est sage trois jours avant noël. Eux, c'est trois jours après les attentats. Ils ont tellement accepté le règne de la violence dans le passé, allant même jusqu'à faire l'apologie de certaines dictatures qu'il leur est difficile, un siècle après, de condamner absolument, définitivement des actes qui visent qui? qui visent quoi? Ce monde occidental qu'ils abominent eux-mêmes. 

Seulement voilà: l'idée selon laquelle la misère sociale est mère du terrorisme et du fanatisme religieux a du plomb dans l'aile. On ne peut plus tenir en 2015 le discours fondé sur la seule analyse économico-sociale. Des millions de personnes vivent misérablement dans ce monde sans plonger dans le terrorisme. Les usines qui ferment, les mines, les villes et villages désertés, les familles victimes du chômage, les commerces fermés, la poste, les écoles qui disparaissent, est-ce que tout cela explique le terrorisme et le fanatisme? Non. Ceux qui s'en tiennent à ce discours le font pour éviter d'affronter le vrai problème, car celui-là est encore plus difficile à résoudre. 

Dans sa lettre ouverte au monde musulman, le philosophe Abdennour Bidar écrit: 

"Ce problème est celui des racines du mal. D'où viennent les crimes de ce soi-disant "Etat islamique"? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c'est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd'hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre -et il en surgira autant d'autres monstres pires encore que celui-ci tant que tu tarderas à admettre ta maladie, pour attaquer enfin cette racine du mal!

Même les intellectuels occidentaux ont de la difficulté à le voir: pour la plupart ils ont tellement oublié ce qu'est la puissance de la religion -en bien et en mal, sur la vie et sur la mort- qu'ils me disent "Non le problème du monde musulman n'est pas l'islam, pas la religion, mais la politique, l'histoire, l'économie, etc.". Ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le coeur de réacteur d'une civilisation humaine!" 

Les intellectuels occidentaux, comme A.Bidar les appelle, sont dans leur majorité prisonniers d'un principe, on peut dire d'un axiome qui a son origine dans la philosophie matérialiste allemande du XIX° siècle, et qui a été formulé magistralement par Marx, que ce n'est pas la conscience qui détermine notre être, mais l'être social qui détermine la conscience. Voulez-vous en finir avec les illusions, croyances et religions? Finissez-en avec l'exploitation de l'homme par l'homme, changez le monde et vous verrez les dieux quitter leur trône! C'est ce même principe qui disculpe les criminels, quand à la barre du tribunal l'être social revient à la surface et que les avocats par milliers, associations et partis cédant à une sociologie séduisante déclarent: le coupable, le seul et le vrai, c'est la société. Une vaste entreprise de déresponsabilisation de l'individu, une machination aux conséquences désastreuses pour les victimes, mais aussi pour les sociétés humaines. 

Qu'il soit chômeur ou actif, jeune ou vieux, français de souche ou d'ailleurs, celui qui ne respecte pas la loi est un délinquant, et doit être jugé comme tel. Quant à la religion, de crime en crime, d'atteinte aux libertés fondamentales en pressions idéologiques quotidiennes, la religion reste ce qu'elle est, encore et toujours un opium pour les peuples, et personne en ce jour ne peut plus affirmer qu'elle ne produit pas elle-même ses propres terroristes. 

"Pas en notre nom": ces quatre mots auront un sens quand les musulmans d'ici respecteront les lois d'ici, quand leurs édifices cultuels ne bénéficieront plus des deniers publics, qu'ils respecteront la laïcité dans les écoles et lors des sorties éducatives, quand leurs filles assisteront aux cours d'éducation physique, quand ils ne décideront plus des menus dans les cantines, ni des horaires d'ouverture des piscines, quand ils éduqueront leurs enfants dans l'esprit du Vivre Ensemble, en leur expliquant que la démocratie a ses minutes de silence. 

 

§

 

Les commentaires sont fermés.