18/09/2010
Lucrèce, ce visionnaire (de malheur)!
Maintenant quelle cause a répandu parmi les peuples la croyance aux dieux, a rempli les villes d’autels, a institué ces solennités religieuses qu’on voit se déployer aujourd’hui en tant de grandes occasions, en tant de sanctuaires ? Comment les mortels restent-ils pénétrés de la sombre terreur qui leur fait élever de nouveaux temples par toute la terre et les y pousse en foule dans les jours de fête ?
…et puis ils observaient le système céleste, son ordre immuable et le retour périodique des saisons, mais sans pouvoir en pénétrer les causes. Leur seul recours était donc de tout abandonner aux dieux et d’admettre que tout est suspendu à un signe de leur tête.
…Oh race malheureuse des hommes, qui attribuèrent aux dieux ces phénomènes et qui leur prêtaient des colères cruelles ! Que de gémissements il leur en a coûté, que de blessures pour nous, quelle source de larmes pour nos descendants !
Lucrèce.- De la nature
19:56 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lucrèce, religion, crédulité, ignorance
14/09/2010
Vilain jeu de mot
Il s’en est excusé, mais ça n’empêche. Il fallait oser. Il a dû croire que le succès qui est le sien à Europe1 le matin lui permettait tout ou presque. Nicolas Canteloup à propos du champion français de judo dont j’ai oublié le nom a tenté de faire rire en évoquant « sa kiné », ceci au moment où Sakineh est fouettée dans sa cellule en Iran, et menacée des pires sévices par les ayatollahs. Dans le studio, peu de rires, et des excuses le lendemain. Dont acte.
Pierre Desproges disait qu’on pouvait rire de tout mais pas avec n’importe qui. Je n’ose pas imaginer le niveau intellectuel des gros rigolards qui ont apprécié le jeu de mot. On ne tient pas les mêmes propos sur une chaîne de radio suivie le matin par des millions d’auditeurs que dans un cercle d’amis ou une réunion de famille. Et encore, oserait-on faire rire des amis en jouant sur un nom aussi chargé de sens et de douleur ? Ce petit événement de rien du tout est révélateur d’autre chose. En France, aujourd’hui, il faut être populaire à tout prix, au risque de toujours s’en prendre aux plus faibles. N’est-ce pas honteux de plaisanter sur Sakineh quand on sait que la lutte pour sauver cette femme n’a mobilisé à Paris que quelques centaines de manifestants (1) ? A une autre échelle, le gouvernement expulse les Roms qui n’ont d’autre moyen de défense que leurs yeux pour pleurer. Ils n’ont pas, eux, une instance internationale de terrorisme pour menacer la France. Ils n’ont pas les moyens logistiques d’équiper des voitures piégées, d’enflammer les banlieues, d’exercer une pression constante et progressive sur les institutions de la république.
Et pour en revenir à notre amuseur du matin, qu’attend-il pour fignoler de jolis jeux de mots sur Tarik Ramadan qui, lui, n’est menacé de mort par personne, vit en pleine liberté dans nos démocraties et qui, il y a quelque temps à la télé, avait quasiment justifié la peine de lapidation pour les femmes adultères, peine dont est menacée Sakineh ?
(1) Le MRAP, la Ligue des droits de l’homme et SOS racisme n’ont pas remué ciel et terre sur le sujet. BHL et Ni putes ni soumises étaient bien seuls ! Bizarre…
12:07 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : canteloup, humour, sakineh, roms
12/09/2010
Larmes de crocodile
Les mesures prises en France contre les Roms sont inacceptables. Populisme et xénophobie en sont les seules causes. J’ai dit par ailleurs ce que j’en pensais, tout en ne partageant ni les propos de ces hommes d’église qui tentaient une comparaison avec le génocide nazi, ni les critiques indignées de ces bourgeois de gôche habitant les beaux quartiers pour qui il est facile de réclamer le maintien des camps de gens du voyage quand ils sont à des kilomètres de chez eux.
Mais il y a pire.
"La dernière chose à laquelle on pouvait s'attendre était cette nouvelle de l'expulsion de gitans français, victimes de la cruauté de l'extrême droite française, qui a déjà touché 7.000 d'entre eux. Ils sont victimes d'une autre espèce d'holocauste racial." a déclaré l’ex-leader cubain.
La commisération du vieux dictateur à l’égard de la situation des Roms en France ferait sourire… si à Cuba… après cinquante ans de pouvoir absolu, le peuple n’était exsangue. Bref, larmes de crocodile. Castro ferait bien de balayer devant sa porte, mais aujourd’hui c’est trop tard, le mal est fait. Les tyrans vivent vieux et les peuples qu’ils oppriment souffrent longtemps. On pense à Franco, à Pinochet, à Brejnev, bêtes immondes coriaces pour qui la retraite ne fut accordée ni à 60 ni à 62, ni même à soixante-dix ans. Ceux-là n’hésitaient devant rien pour museler l’opposition : tortures, garrot, mains coupées, traitement spéciaux en hôpitaux psychiatriques.
Castro, lui a un penchant plus marqué pour l’emprisonnement. Laissons la parole au poète, il sait de quoi il parle.
Incompréhension
A Olguita Nazario, sœur.
A Cuba
le bonheur était une sale habitude
héritée de nos ancêtres,
comme Noël
et les Rois mages. (Selon
les statistiques du Kremlin.)
« Ce vice bourgeois
de manger tous les jours
nous a été légué par les impérialistes. »
Les gens dans les rues
vont d’un coin à un autre
portant leur misère sur le dos
et la terreur sur leur visage.
La jeunesse
presse un peu le pas
méfiante
comme si elle n’avait pas l’espoir
d’atteindre
le progrès que le « leader » a promis
pour l’an 3000.
Poussés par la méfiance
beaucoup s’aventurent à traverser
l’océan
juchés sur des tonneaux
ou des carcasses d’automobiles.
-En exil on a créé un prix
pour le premier qui accostera
après une traversée dans une bassine.
Ernesto Diaz Rodriguez est l’auteur de 9 recueils de poèmes, condamné à quarante ans de prison comme opposant à la dictature, il en a fait vingt-deux, dont sept dans un isolement total, il fut aussi victime de tortures. Il faut remercier les éditions Gallimard ainsi que Reporters sans frontières et la FNAC qui ont publié les textes des poètes censurés à Cuba, dont celui reproduit ci-dessus.
(Anthologie de la poésie cubaine censurée, proposée par Zoé Valdés, Editions Gallimard, 2002)
15:20 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuba, castro, roms, exclusion, voyage