21/05/2014
Partir oui mais où ?
Ségeste en Sicile est un site que les agences de voyages connaissent bien, qui fait partie des circuits touristiques classiques. Au même titre que Sélinonte, Agrigente sur l’île et Paestum sur le continent, on vous présente des monuments parfois bien conservés qui en imposent par leurs dimensions certes mais surtout par leur âge. Ils ont été édifiés il y a en gros vingt six siècles par les anciens Grecs dont le territoire s’étirait assez loin autour de la mer Méditerranée, en Italie et en Sicile. Ce sont des temples doriques massifs remarquables autant par leur architecture que par le lieu qu’ils occupent, à Agrigente parmi des oliviers majestueux dont certains vieux de trois mille ans ah s’ils pouvaient parler ! A Ségeste le temple et les vestiges du théâtre sur l’acropole sont au bord de la mer dans un paysage méditerranéen, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Et c’est justement cela qui est extraordinaire, assis là-haut sur ce qui reste de gradins, c’est à vous qu’il appartient de découvrir ce trésor à peine caché, ce lieu unique, havre pour l’imaginaire, suscité par la lumière, la brise marine et le temps qui passe, vous vivrez là un moment d’éternité. Si un jour vous avez l’idée de refaire le monde mais tout seul pas avec des copains, rendez vous à Ségeste le soir avant la tombée de la nuit après le départ des cars de tourisme, vous allez vous retrouver face à vous-même, à mille lieues des petits soucis quotidiens et même bien à l’écart des cours sur l’histoire des Grecs anciens.
cliché M.Pourny
A mille lieues des voyages à thème qui permettent d’apprendre ou de vérifier des connaissances sur le tas, des fois le tas est énorme, mausolées, pyramides d’Egypte, muraille de Chine... pour un retour à l’école en compagnie de personnes qu’on se demande ce qu’elles font là puisqu’elles savent déjà tout et le font remarquer à l’entour, allant même jusqu’à interrompre la conférencière d’un ton faussement modeste : « Ah bon je pensais plutôt que… ». Si vous n’avez pu éviter le piège du circuit organisé à thème, et qu’on vous pose la question inévitable de ce que vous faîtes dans la vie, dîtes surtout haut et fort que vous n’avez pas continué vos études, on vous foutra la paix jusqu’à la fin du voyage. A fuir, même et surtout pour celle ou celui qui part pour briser sa solitude et aller à la rencontre de quelqu’un ou quelqu’une sauf si son désir est de s’unir pour la vie avec un jesaistout, mais alors dans ce cas on ne peut rien pour elle, on ne peut rien pour lui.
Dans les croisières, les choses se présentent différemment, non pas qu’on ait affaire à des ignorants, des gens savants prennent parfois le bateau, pour un délassement, pour oublier les tourments de la vie terrestre. Ce qu’on y cherche avant tout, mais oui j’exagère, c’est étaler sa richesse, celle qui se voit par le costume, les bijoux et la robe. On navigue aussi pour la gastronomie, surtout pas celle des pays qu’on ne visite d’ailleurs pas sinon le temps d’une photo, pour les soirées entre gens bien qui partagent la même vision du monde, les mêmes soucis, bref c’est comme à la maison, mais au lieu d’être en pyjama, on s’habille.
Il y a enfin les voyages pour les empêcheurs de tourner en rond, les êtres normaux, les gens de tous les jours. Voyages dans la tête pour ceux qui n’ont pas le sou ou qui en ont assez vu, pour qui l’univers n’est pas assez vaste, qui rêvent d’un autre monde au-delà des kilomètres, bien plus haut que le ciel, pour un voyage intégral, spirituel vraiment sans dieux sans idoles, seulement spirituel. Des voyages sidérants par delà l’espace, sans limite dans le temps, envolées que les agences même pour très cher ne proposeront jamais, billet de première classe pour une promenade à l’intérieur de soi …Il suffit de peu de chose, un déclic pour partir, cela n’arrive pas tous les jours, un chant d’oiseau à peine audible, premier appel timide d’un petit matin de printemps, alors qu’on est encore au lit et qu’on rêvasse. D’un coup le monde vient à vous, je me rappelle maman qui pour me faire rire imitait le chant des oiseaux jusqu’à s’égosiller, elle est partie pour un long très long voyage, peut-être que c’est elle ce petit oiseau du matin ma parole tu dors encore, il est l’heure d’aller à l’école. Mais je ne ris plus, des millions d’images me viennent tellement présentes, nettes et en couleur. Un rien suffit pour que le rideau s’ouvre, que le passé de ma vie franchisse la porte du souvenir, que les deux pieds montés sur des échasses je continue à jouer l’équilibriste pour étonner ma petite sœur. C’est dans cette foutue tête là-haut que nous transportent les plus grands voyages. Pas les plus beaux, ça non, ce sont même les plus douloureux. Les plus grands, les plus longs sans moyen de transport autre que les circonvolutions de l’esprit. Contrairement aux beaux voyages, léchés, organisés, minutés, localisés, ils nous mènent souvent là où nous n’avions aucune idée d’aller. Vous savez comme ces gens qui vous disent : Ah ? c’est là que tu as passé tes vacances ? C’est marrant, moi ce n’est pas mon truc. Jamais je n’irai mettre les pieds là-bas, il pleut tout le temps, on y mange mal, on n’y parle pas français. Moi je peux vous dire que dans ma tête, quand dans le demi-sommeil je suis en mode diaporama, les personnes qui me parlent sans que j’ai rien demandé le font toutes en français, même ceux que j’aurais aimé ne plus entendre. C’est l’inconvénient du voyage sur place : vous ne choisissez pas la destination. Ce n’est pas pour autant la liberté totale, car dans ce trajet à rebours c’est le poids d’une vie entière qui vous tombe dessus, sans sélection possible, sans « favoris », sans « corbeille » pour effacer définitivement les moments que par votre faute vous avez mal vécus, que vous avez sur la conscience et qui vous ont pourri la vie. Sans possibilité non plus de faire taire le nombre incalculable de gens qui vous ont pompé l’air. Ah le rêve ! Dans un génocide rétroactif, les trucider un à un, une sorte de grande purge à la Staline, sans risque pour moi, la plupart sont déjà morts, et ceux qui nuisent encore ne me traîneront pas en justice puisqu’ils sont encore vivants.
J’ai rencontré des gens extraordinaires, j’ai déjà parlé de Peter. Peter c’est mon plus beau paysage à lui tout seul il vaut Ségeste. Si les agences de voyage étaient plus soucieuses de leurs clients, si elles osaient sortir de l’ordinaire, elles proposeraient un tour en Irlande avec une rencontre avec Peter, c’est trop tard maintenant il est mort. Elles feraient la pub pour le camping de Fourmies –horreur c’est dans le nord loin du soleil et de la mer et sans piscine- où un homme m’avait dit en montrant son mobil home arrangé avec une délicatesse à vous faire oublier une vie au fond de la mine, avec des fleurs autour : « C’est mon coin de paradis ».
Je plaisante bien sûr, je ne veux aucun mal aux gens bien. Je ne souhaite qu’une chose, que les agences laissent tranquilles les petits villages irlandais et le terrain de camping de Fourmies, puisque là-bas il ne fait jamais beau, que sur place on a rarement le nécessaire, qu’il n’y a rien à visiter.
§
09:26 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ségeste, fourmies, peter, rencontre
04/07/2013
Partir
Revenant des courses, passant dans la galerie commerciale, inévitablement je pose mes sacs. Il y en a pour tous les goûts. De l’Amérique, du Canada, de l’Australie, du Pérou, de partout. Les deux dames sont assises chacune derrière un bureau, je ne vois que leurs yeux, le reste est mangé par l’ordinateur. Par moments, l’une se penche de côté pour dire un mot à l’interlocuteur, celui qui va partir. Il attend, pendant qu’elle tape, le nez en l’air il regarde les affiches elles sont toutes bleues, du bleu profond de la mer par beau temps, pas de vagues ou alors de celles qui viennent doucement s’épuiser au pied des belles dames allongées à l’ombre d’un palmier de hasard. Il pianote aussi sur le bord du bureau, pour passer le temps, il sait que ce sera long, pensez : on communique avec le bout du bout du monde, un voyage d’une telle ampleur, cela ne s’improvise pas. Il faut être perpétuellement à l'affût, savoir attendre la promotion, éviter les pièges, penser à tout, assurance, hébergement sur place, chambre avec vue sur quoi, l’option « découverte » qu’on ne signe pas comme ça sur un coup de tête, le raid en 4x4 pour aller plus loin, avec bivouac dans le désert, sans compter les régions à éviter, volcans, risques de tsunamis, terrorisme, ça pour ça, commander un voyage, c’est déjà l’aventure.
Sur le présentoir -à l’extérieur donc ça n’engage à rien- les brochures sont toutes plus alléchantes les unes que les autres, et gratuites. J’en aurais bien pris une ou deux, mais elles sont épaisses, surtout celles qui parlent des pays lointains, donc lourdes, et c’est le mauvais jour, celui du pack d’eau, des fruits, du pain et du produit lessive, je suis à pied, un kilomètre et demi, on verra la prochaine fois. Je reprends mes sacs, et sur le chemin du retour je rumine ces belles paroles de Marc Walter :
« Le voyage pour moi, ce n’est pas arriver : c’est partir. C’est l’imprévu de la prochaine escale, c’est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c’est la curiosité de confronter ses rêves avec le monde, c’est demain, éternellement demain. »
Partir, c’est quitter un lieu, s’en aller. Oui, plutôt s’en aller. S’éclipser. Quand ma petite fille a les yeux dans le vague, on dit qu’elle est partie. Le corps est là parmi nous, l’esprit ailleurs, en Rêverie. Un continent que jamais n’atteindront les explorateurs les plus téméraires. Plus que les jambes, les ailes, les roues et tous les moyens de transport, l’esprit est un voyageur infatigable. Il ne connaît pas de limite. Frontières, murs, marécages, océans même et tempêtes, il les traverse sans même les voir. Enfermez-le dans le cachot le plus sombre à l’écart du monde, il voyage encore, et plus loin au-delà du visible, car le noir stimule, comme l’étoile qui ne brille que la nuit.
J’aimerais aller loin, longtemps, dans un pays qui me fera tout oublier, les gros et les petits soucis, attention demain il sera trop tard, bon dieu combien de temps reste-t-il à vivre ? En voilà une question qui n’a pas de réponse. Si j’avais un sursis, disons d’un mois, mais en pleine santé, bon avec un peu d’arthrose, des taches dans l’œil et quelques insomnies, partir oui. Mais où ?
Il y aurait bien Ségeste avec son temple antique et plus haut, l’acropole sauvage envahie par les herbes, le théâtre qui domine le pays de Sicile. Il y aurait ce camping bondé, ma tente plantée entre deux arbres décharnés en face d’un type qui démonte sa skoda pièce par pièce, ce camping tchèque où j’ai rencontré un homme exceptionnel venu d’Allemagne qui m’a tout dit de lui, son pays, les deux dictatures qui ont marqué sa vie, devant un schnaps jusque tard dans la nuit. Et puis… et puis, il y a…
…le sifflement du vent, la mer partout, loin par-delà les Cheviots et le mur de l’empereur, le soir encore clair sur les Highlands. L’Ecosse c’est mon Amérique à moi. Ah comme j’aimerais la revoir un jour sous les rafales et pleurer sur place toutes les larmes de mon corps. Comme j’aurais voulu qu’il y eût un monstre dans le loch, qui aurait tout dévoré, la bêtise humaine et la laideur du monde. Les scientifiques et Sonar m’ont dit que non. Il n’y a plus d’espoir. Le loch est vide jusqu’au fond.
Mais l’Ecosse ce n’est pas assez loin. Le monde est trop petit, vous en avez vite fait le tour. Avez-vous déjà observé une carte du ciel ? A l’échelle de notre galaxie, la terre est déjà insignifiante. A l’échelle de l’univers dans son immensité, un Très-Haut ne pourrait concevoir l’existence de cette planète ridicule. Parlez-moi de Sirius, du Centaure, et encore, avec l’espoir d’y faire des rencontres. Non, pour voyager, l’espace ne me vaut rien. Et ça coûte. Je voudrais me promener là où aucun véhicule ne peut s’aventurer. Remonter le plus loin que je peux, dans les années que j’aime.
C’est dans les quarante, après la guerre, pour tout refaire, point par point, étape par étape. Mes parents se seraient aimés une fois pour toutes et pour toujours. Au début, ç’aurait été dur avec les tickets et la reconstruction du pays. Mais qu’y a-t-il de plus beau que la reconstruction de quelque chose, quand tout est à espérer, tout à venir ? Mon père aurait eu du travail, mais pas trop dur qui lui aurait laissé le temps de s’instruire, de lire des livres, d’apprendre des langues, de faire des rencontres enrichissantes, et d’être le compagnon idéal d’une maîtresse d’école, s’imposant à elle comme un interlocuteur de poids. Elle aurait cessé de lui parler comme on s’adresse à des élèves, elle n’aurait pas eu réponse à tout, au scrabble et au jeu des lettres elle aurait pris une bonne claque, qui aurait été profitable à tout le monde. Ils étaient tous les deux de grands voyageurs, ma mère par le corps, mon père par l’esprit. Elle tenait des carnets de voyage sur cahier d’écolier, avec les jours, les heures et tous les détails sur les paysages, les rencontres, les hôtels, les bonnes et les mauvaises surprises, les musées, les curiosités, tout était saisi, épluché, référencé. Mon père lui, rêvassait au bout de la table, et quand il avait la parole, il s’exprimait par images, impressions et sentiments. Incapable de se rappeler le nom d’un musée, ou même parfois celui d’une ville ou d’un pays –d’ailleurs cela l’énervait qu’elle l’interrompe pour combler une lacune qui pour lui n’avait aucune importance- il était par contre extrêmement performant sur le plan émotionnel. Il ne racontait pas, mais quelques mots suffisaient pour qu’on voyage avec lui. Emu aux larmes, du Canyon du Colorado il ne disait mot, mais dressait un portrait fabuleux d’une personne qu’il y avait croisée et dont les quelques mots échangés restaient pour toujours gravés dans sa mémoire. Rouge de colère, il était d’une intolérance incroyable, comme il disait, seulement avec les cons. Mais le monde en était plein. Si cette foutue société avait donné sa chance à tout le monde, il aurait été cinéaste, ou écrivain, ou peintre ou sculpteur. Lui qui fut tellement amoureux de l’Italie, je me demande parfois si l’âme de Stendhal ne s’était pas réincarnée en lui. Je me demande aussi ce qu’il était allé faire dans le Colorado. Mon père est la seule personne –à ma connaissance- qui pouvait parcourir le monde sans quitter son fauteuil. Les personnes qu’il avait rencontrées depuis ses années d’écolier, son séjour en Allemagne et en Pologne au STO, sa carrière de fraiseur-outilleur dans l’automobile, et toutes les autres dans la famille ou le voisinage, il en dressait une galerie de portraits à étourdir le créateur du monde qui en dépit de sa toute puissance, n’aurait jamais imaginé être à l’origine d’une telle diversité. Maintenant qu’il est parti, lui qui avait les voyages organisés en horreur, je lui souhaite de ne rencontrer jusqu’à la fin des temps que des personnes de son choix, afin de trouver là-bas le bonheur dont il n’a pu jouir ici.
Oui, lui aussi aurait aimé tout reprendre. Si c’était possible ! Sûr qu’il y aurait des candidats pour emprunter le même chemin, comme les Dupont en Jeep dans le désert. Ma mère par exemple aurait tenté à nouveau le concours d’entrée à l’école normale. Elle aurait regagné sa classe avec la pile de cahier sous le bras. A part les élèves, les programmes et les cartes sur les murs, rien pour elle n’aurait changé. Vais-je m’en moquer, quand je sais qu’elle y trouvait sa raison de vivre ? Une Joconde, un Plafond de Chapelle Sixtine, un Champ de coquelicots, un Pont d’Argenteuil, un Big bang, un Déluge, une Résurrection, un Génocide, quitte à tout recommencer, autant apporter du neuf, du beau, du bon, de l’humain. On me dit que ce n’est pas possible, que c’est comme ça, qu’il faut vivre avec. Qu’il faut vivre avec, sentence terrible, mère de toutes les soumissions, une règle de mort que seules les religions sont capables de légitimer.
A Jesaistout sûr de lui qui m’assène qu’on ne vit qu’une fois, que c’est impossible de revenir en arrière, qu’il faut garder les pieds sur terre et vivre le présent, s’il m’écoutait je lui dirais que c’est bien d’avoir les pieds sur terre, mais juste ce qu’il faut, pas trop. On a vu des cas où des grands de ce monde avaient tellement les pieds sur terre qu’on n’en garde pas aujourd’hui un bon souvenir. A celui qui me dit qu’il faut vivre le présent, garder les pieds sur terre et aller bronzer sous les tropiques, je lui conseille de se rendre à l’agence de voyage la plus proche. Il pourra signer au bas d’un chèque, même les pauvres savent le faire, pour le prix d’un écran plat ils se délassent loin de tout dans une piscine réservée sans même pouvoir serrer la main des pauvres de là-bas.
Mais comme trop souvent, c’est Jesaistout qui est dans le vrai. Le passé est mort et bien mort, et celui qui vous parle aujourd’hui n’est qu’un doux rêveur. Alors, si la lassitude, des jambes trop lourdes, l’âge ou la fatigue rendent un départ impossible, il faut au moins que nos petits enfants mettent au plus tôt leur nez dehors. A la lumière de ces mots de Montaigne :
« …et la visite des pays estrangers…pour en raporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer nostre cervelle contre celle d’autruy. Je voudrois qu’on commençast à le promener dès sa tendre enfance, et premierement, pour faire d’une pierre deux coups, par les nations voisines où le langage est plus esloigné du nostre, et auquel, si vous ne la formez de bon’heure, la langue ne se peut façonner. »
Partir, c’est vivre beaucoup, intensément. C’est faire table rase des habitudes, des manies, du train-train. La rencontre avec des personnes d’ailleurs, qui parlent et vivent autrement, qui ont une autre histoire, permet de se regarder soi-même, de s’interroger. Un choc comparable à ce que fut pour l’humanité d’apprendre que le monde n’était qu’une planète, et qu’il y en avait des milliards de milliards. Ainsi nos tout petits ne seront pas surpris de voir, à leur retour ici, quelqu’un de différent, par l’aspect, l’accent ou la démarche. S’il coûte, le départ ouvre aussi l’esprit. Il est une source inépuisable de richesse.
§
15:56 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage, rencontre, montaigne, walter
08/11/2012
La beauté du monde
Tout à coup là-haut tout se déchire, des nuages tournent, noirs, s’éclatent, laissant le champ au bleu céleste. Les montagnes sont là et la mer. Il y a des millions de choses à voir tout autour, et cet homme, le visage pénétré, n’est-il pas magnifique dans sa robe de nuit, son regard passe, qui était-il avant qui était-il, les palmiers font des pousses comme des fruits et les boutons de rose vont s’ouvrir. Il y a des millions de choses autour à regarder, des millions. Comme tout cela est beau, et ces gens qui marchent où vont-ils on se demande la vie est un mystère.
Encore un long moment sur la terrasse, dos au soleil pour soulager les yeux, les autres sont sortis aussi, poussés dans leurs fauteuils par un jeune homme, une fille l’infirmière, ils sont heureux de prendre la bouffée d’air dans la dernière chaleur de l’automne. D’autres ronchonnent encore une façon à eux de cacher leur joie. Je ne peux détacher mes yeux de visages que l’âge a taillés à la Serpe, à la Bruegel, à la Bosch. Tout est admirable, ah ça il n’y a pas à s’ennuyer pour le visiteur que je suis. Que je suis. Même si, au tréfonds de l’intérieur, mais vraiment tout au-dedans de moi, là où pour longtemps encore un cœur bat, j’ai de la peine, infiniment de peine. Car bientôt je vais partir.
Je vais partir prendre congé m’évaporer laisser là dans une chaise roulante ce que j’ai de plus cher. Mes pensées s’échappent à nouveau je pourrais bien pleurer sur la beauté du monde, ce temple de Ségeste et le théâtre en haut sur l’acropole, jaune de soleil et du chant des cigales je les entends encore les entends-tu ?
Les Highlands et le vent en furie sur l’Ecosse, la mer partout, homme et femme fourche sur l’épaule reviennent après les travaux des champs. Je vois et revois toutes ces belles choses.
Oui le monde est plein à déborder de merveilles, elles sont des millions et même quand on ne les voit pas elles sont là. Mais toi, j’ai beau m’exciter sur ma chaise, montrer le bleu du ciel, les roses, les palmiers, parler des montagnes et de la mer, inventer même un naufrage un cataclysme un tsunami, toi tu n’a d’yeux que pour moi, maman.
§
09:46 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (5)