Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/10/2024

Sur l’art de se taire

 

 

 

 Il ne participa pas à la marche contre l’antisémitisme qui réunit 180.000 personnes quelques jours après le pogrom du 7 octobre 2023. Absence pour ne pas diviser ? Mais ceux qui divisent ne sont-ils pas ceux qui ne supportent pas l’existence de l’autre ? L’antisémitisme est un suprême instigateur de haine et de discorde.

 Il qualifie les bombardements israéliens sur Gaza et le Liban d’actes de barbarie, alors que chacun sait (lui le premier) que les terroristes islamistes du Hamas et du Hezbollah utilisent les populations comme bouclier humain.

 En réduisant la naissance de l’état d’Israël à une décision de l’ONU, il falsifie l’histoire, tirant un trait sur les persécutions des communautés juives en Russie tsariste et en Europe de l’est, et le vœu des juifs de créer enfin leur propre état, vœu des pionniers du sionisme, formulé en 1917 par le ministre Balfour.

 Faut-il rappeler à cet homme qu’il s’est passé quelque chose dans les années trente et quarante en Allemagne et en Europe, et que cette chose abominable a conduit les survivants à fonder leur propre pays ?

 Il y a quelques jours un garçon a été violemment agressé parce qu’il était gay et juif. Des passants courageux sont intervenus et lui ont peut-être sauvé la vie. Par contre l’émotion n’a pas submergé les ondes de nos radios. Quant au président, il n’a rien dit. N’était-ce pas son rôle de condamner des actes qui, en agressant les homosexuels et les juifs, s’en prennent l’humanité tout entière ?

 

§

15/06/2024

La mémoire qui flanche

 

 

 Les propos antisémites de Jean-Marie Le Pen prononcés il y a trente ans il ne faut pas les oublier. Par contre, on peut tirer un trait sur ceux dits et répétés depuis le 7 octobre par plusieurs membres de la mouvance « insoumise ». Quelques jours auront suffi pour oublier les jeux de mots sur les camps, les « meurtres » (je ne peux évoquer le terme exact, c’est trop dur) de bébés dont seul Israël serait coupable, les flèches pointées sur des personnes de confession ou d’origine juives, l’absence assumée à la manifestation contre l’antisémitisme…

 Comme au temps de la parution de « L’archipel du Goulag », quand, pour éviter de faire exploser l’union de la gauche, il ne fallait pas évoquer les crimes du communisme, aujourd’hui au nom de la même union de la gauche, tout peut s’oublier.

 Comment un citoyen de ce pays peut-il apporter quelque crédit à des gens de si peu de foi ? Qui n’agissent qu’en fonction de leur propre avenir politique ?

08/08/2023

Antisémitisme toujours vivant

 

 

Tous les prétextes sont bons pour faire du juif le responsable de tous les malheurs du monde. Accusé de tout et de son contraire : propagateur de la peste noire (1), usurier, détenteur du capital, apôtre du communisme, responsable du chômage, dissimulateur, errant, il est nulle part et partout, cosmopolite, comploteur (2), il porte un nom bizarre en tous cas pas de chez nous. C’est en Allemagne dans les années trente qu’il fut le plus représenté. Je veux dire: en images, avec un nez crochu, des griffes au bout des doigts qui enserraient le monde. C’étaient des caricatures bien sûr, qui curieusement, à l’époque n’ont pas indigné grand monde. Le personnage a rendu bien des services à plein de gens : aux dirigeants et actionnaires des groupes industriels, surtout ceux qui produisaient le matériel de guerre, producteurs aussi de fil de fer barbelé et de produits chimiques, aux politiciens d’alors qui s’appelaient « nationaux-socialistes » et qui avaient à cœur de rendre leur patrie aux âmes bien nées, aux gens du terroir, aux gens du cru (3). Bref, si le juif n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé : des millions de gens, d’enfants surtout, ont appris qu’ils étaient juifs. Des gens qui n’avaient jamais posé le pied dans une synagogue apprenaient qu’ils étaient juifs. Des gens qui ne savaient pas ce que c’était apprenaient qu’ils l’étaient. Les autorités d’alors se montrèrent sur ce sujet extrêmement minutieuses, jusqu’à effectuer des recherches généalogiques compliquées. Quand je dis « les autorités », j’entends des deux côtés du Rhin. Voyez, on critique toujours la nonchalance des Français en montrant l’exemple allemand, sa rigueur, son goût pour l’ordre et les choses bien faites. Le « Made in France » existait dans les années trente et quarante. Il se manifeste encore, bien vivant, ici en France aux deux extrémités de l’éventail politique.

Le ministre de l’intérieur a demandé à ses services “d’instruire la dissolution” d’une association dont le représentant a tenu des propos violemment antisémites. Mon souhait est que cette “instruction” aboutisse. Mais surtout que cette sage décision du ministre soit approuvée par soixante millions de français.



(1) De 1347 à 1350 la peste noire faucha plus d’un tiers de la population de l’Europe.

Les esprits s’interrogeaient, pourquoi ce fléau ?

« Il s’agissait soit d’un châtiment divin, soit des maléfices de Satan, soit de l’un et des autres à la fois, Dieu ayant donné licence entière à son antagoniste pour châtier la Chrétienté. Satan, dans ces conditions, opérait suivant son habitude à l’aide d’agents qui polluaient les eaux et empoisonnaient les airs, et où pouvait-il les recruter sinon au sein de la lie de l’humanité, parmi les miséreux de toute espèce, les lépreux –et surtout parmi les juifs, peuple de Dieu et peuple du Diable à la fois ? Les voici promus, à grande échelle, à leur rôle de boucs émissaires… » (Poliakov)

S’ensuivirent expulsions, pillages, massacres, à tel point écrit l’auteur, que dans certaines villes où les juifs étaient rares ou absents, « des chrétiens qu’on supposait d’origine juive furent, semble-t-il, massacrés à leur place. »

 

(Léon Poliakov .-Histoire de l’antisémitisme, tome 1, L’âge de la foi, éd. Calmann-Lévy, 1981, pp. 290-294 de la coll. Pluriel)

 

(2) le thème du « complot juif mondial » n’en est pas resté aux traditionnels Protocoles des Sages de Sion :

« La désastreuse puissance du sionisme juif ne vise pas seulement l’occupation de la Palestine, mais occupe en fait tous les pays de l’Occident, l’économie mondiale, les médias et les organisations internationales et régionales. Il est possible que les sionistes entreprennent de judaïser le christianisme. Cette judaïsation a commencé avec Saint-Paul et s’est poursuivie avec certains papes judaïsés. Aujourd’hui nous sommes arrivés à une situation où le chef de l’Eglise de France est un juif appelé Lustiger. »

 

(Ahmed Rami, in Al-Shaab du 6 février 1998, cité par Goetz Nordbruch .-La négation de la Shoah dans les pays arabes, in Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman : la dérive)

 

(3) Brassens : La ballade des gens qui sont nés quelque part ;

 

§