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08/02/2013

Tisserons-nous un jour le linceul du vieux monde ?

 

 

Vous souvenez-vous ? Mais si ! Vous avez la musique en tête… 

Pour chanter veni creator

Il faut porter chasuble d’or 

C’est nous les canuts

Nous sommes tout nus 

 Les canuts n’existent plus mais l’injustice persiste. Certes la pauvreté ne crève pas les yeux dans les rues. On peut disposer d’une automobile et manquer de tout. Jouer sur ordinateur, avaler les programmes télé et se nourrir comme on peut. Cacher sa misère. Quand des sommes colossales sont versées aux actionnaires des grandes entreprises, sont livrés au chômage des travailleurs sans lesquels actionnaires, entreprises et bénéfices n’existeraient pas. 

Nous tisserons le linceul du vieux monde

Car on entend déjà la révolte qui gronde 

 On peut ne pas partager les paroles outrancières et parfois menaçantes des délégués syndicaux des entreprises qui ferment, mais au moins eux, on les écoute. Ils savent de quoi ils parlent. Quand des artisans, des commerces, des cafés, des villes entières n’ont plus de grain à moudre, c’est la vie qui s’en va. J’ai vu dans ces belles régions du nord, oui ces belles régions du nord mais ça il ne faut pas le dire, pour l’opinion le nord c’est pas beau… j’ai vu dans ces belles régions du nord des quartiers entiers à vendre, des zones, des espaces inhabités, personne pas un gosse dans les rues, des cartons aux fenêtres, des portes entrebâillées sur rien, comme si tout le monde venait de partir. Quand j’ai vu cela, j’ai pensé aux canuts, à la révolte qu’ils annonçaient et qui ne gronde plus. Plus d’un siècle après les premiers combats ouvriers, la chasuble d’or pour certains et la nudité pour d’autres.  

 Pas vraiment la nudité, n’en déplaise aux fondamentalistes politiques, la classe ouvrière n’est plus ce qu’elle était, au moins ici. Elle est partie sous d’autres cieux, sur d’autres continents. Là où, comme aux siècles derniers en France, même les enfants travaillent dans des conditions très dures. L’ouvrier français sans emploi, la petite solidarité des associations peut lui venir en aide, il aura de quoi se nourrir, un toit ce n’est pas sûr, et ses enfants, l’avenir de ses enfants ? La société imbécile tire un trait sur le savoir-faire, l’inventivité, la créativité, l’intelligence. Il faut être Monsieur Jourdain pour croire que l’ouvrier travaille avec ses mains. Non mais regardez-les ces intellectuels d’opérette qui, derrière leurs verres fumés, toisent le  travailleur des rues, pensant par devers eux que finalement chacun est à sa place. Il n’y a pas de travail méprisable, s’il n’était que manuel, les tâches les plus difficiles pourraient être l’œuvre de robots. Nous sommes tous des êtres pensants, sauf peut-être ici ou là quelques bourgeois parisiens à qui l’école n’a pas livré ce qui leur était dû. 

 Je dis société imbécile car ce sont les gens les plus précieux qu’on sacrifie, ceux qui font, qui fabriquent, qui produisent les richesses. Mon père était fraiseur outilleur en usine automobile. Il avait son certificat d’études et un CAP d’ouvrier qualifié. Le travail qu’on lui demandait était d’une précision inouïe, car il lui fallait ajuster les outils qui servaient à donner les formes lors de l’emboutissage des tôles de carrosserie. Mon père qui était d’une maladresse qui nous faisait rire était dans son métier d’une compétence reconnue. Savoir faire. A l’époque ils étaient 30000 dans l’usine. Aujourd’hui je ne connais pas le chiffre exact, mais je crois trois ou quatre mille. Certes il y a les robots. Mais à nos enfants les robots ne transmettront rien. On dit que nos jeunes n’ont pas le goût de l’effort, mais la société qu’on leur présente n’ambitionne plus que le farniente, le loisir et l’inactivité. Dans cet environnement, ce n’est plus l’intelligence et l’effort qui sont récompensés. Mais la paresse et son corollaire la ruse, peut-être aussi la délinquance.  

 Et quel horrible mot celui de reclassement !  A trente ans quand on a peu d’expérience et la vie devant soi, on peut faire un effort pour s’adapter. Quand on a trente ans de maison, le savoir et la compétence et qu’on vous dit la bouche en cœur qu’on va faire de vous un autre homme, il y a des claques qui se perdent. D’ailleurs les claques se perdent de plus en plus, ce n’est pourtant pas les têtes qui manquent.

 

C’est nous les canuts

Nous sommes tout nus.

 

§

 

 

 

 

 

06/10/2011

L'humanisme des beaux quartiers

 

 

 « "Le coeur du problème de Clichy-Montfermeil est l'emploi", résument les chercheurs, avant de mentionner le problème de l'enclavement de l'agglomération et le décalage entre les compétences requises par les entreprises qui s'installent en Seine-Saint-Denis et la formation des jeunes de Clichy-Montfermeil. »  Orange actualités 03 octobre 

 Je lis et relis cette phrase, et je me demande si c’est le rôle des entreprises de se mettre à la portée de jeunes sans formation, ou si c’est aux jeunes de faire l’effort d’acquérir une formation professionnelle. Je penche pour la deuxième option. A force d’assister les gens, on ricane quand on entend le mot « effort ». Oui, il faut que les jeunes et leurs parents comprennent que si l’état fait un pas dans leur direction, ils doivent aussi faire preuve de leur volonté et de leurs capacités. Sinon où va-t-on ? Vers une démission collective parents, enseignants, état. L’état qui –d’après la même étude- a déboursé 600 millions d’euros pour la rénovation urbaine de la zone étudiée : Clichy-sous-bois ! 

 Les auteurs de l’étude mettent en rapport le chômage de ces jeunes et l’intensification de l’identité musulmane dans ces quartiers. Ces enfants en viennent à rejeter radicalement « la France et les valeurs qui lui sont prêtées ». Vieille équation toujours à la mode : chômage = délinquance = rejet des lois de la république. Formule pratique cultivée à outrance par ceux pour qui personne n’est responsable, sauf le système, la société, le pouvoir. On pique votre portefeuille, c’est la faute de la société. Il n’y a plus de délinquants, il n’y a que des jeunes en mal d’être. Quelle éducation, mes amis !

  Les enfants des gens qui parlent ainsi ne connaissent pas ces problèmes. Dans leurs beaux quartiers, ils fréquentent les écoles bien, privées ou publiques, ils ont un papa et une maman qui leur paieront de longues études et un studio à proximité, loin du bruit et de la fureur. 

  Moi, l’école ce dont à laquelle vous parlez, elle ne m’interpelle pas, Père m’a inscrit en bas de chez moi boulevard Exelmans à Sainte Mère de tous les Saints. Pour le soutien en grec et en latin, cela se passe en notre demeure balnéaire de Deauville le samedi après-midi. Je vous entends parler de cancres et délinquants, ma parole vos enfants fréquentent l’école du diable ! Allons, mes amis, ces enfants après tout sont nos frères, ne sombrez pas dans l’intolérance, et ces parents dont vous parlez, qui démissionnent, pensez qu’eux-mêmes n’ont pas vécu l’enfance qu’ils auraient méritée, pardonnez-leur ce laisser aller, ils ne savent pas ce qu’ils font. Bon, je vous quitte, j’aperçois devant la grille du parc mon maître d’équitation qui s’impatiente. A bientôt !  

 

§

23/04/2011

850 euros

 

 Ce matin j’ai une pensée pour les familles d’agriculteurs qui s’épuisent pour rien ou quelques centaines d’euros. Le plus beau travail, vital pour l’humanité, celui sans lequel ceux qui gouvernent et ceux qui n’attendent que ça perdraient quelques kilos et plus encore.  

 Pour les pêcheurs qui risquent leur vie en mer pour respecter des quotas fixés par des écologistes de bureau protecteurs des espèces animales. 

 J’ai une pensée pour ces travailleurs des champs et de la mer qui n’en peuvent plus d’être oubliés, méprisés. 

 Une pensée pour ceux qui n’étaient ni en mer ni dans les champs, mais qui ont inhalé pendant quarante ans fumées et poussières de l’usine, qui en sont morts ou qui vivotent avec une retraite ridicule sans réclamer ni se plaindre. 

 Une pensée aussi pour les femmes de Moulinex disparues corps et âmes des chaînes de radio et de télévision, que des patrons ont mises à la rue en remerciement d’années de travail. 

 Une pensée pour les chômeurs, les vrais : les travailleurs sans emploi. 

 Le Travail, parlons-en. Un président nous en avait dressé un tableau idyllique. Il fallait remettre cette grande chose à sa place, en distribuer les fruits selon le mérite. Une belle idée, la plus belle peut-être en ce siècle. Mais allez ! Oublié tout cela. Un politicien de la pire espèce propose d’accorder un salaire qu’il qualifie de citoyen à des personnes qu’il dit sans ressources. Huit cent cinquante euros. Pour des individus payés à ne rien foutre. L’autre là, en bas de chez moi, qui passe son temps à procréer et à manipuler son nintendo, qui touche le chômage, les allocations familiales, et qui bouffe les produits de gens qui marnent en mer, dans les champs et les étables, celui-là toucherait l’argent des impôts de ceux qui travaillent ? Honte ! 

 Et combien d’hommes et de femmes seraient bien contents, après un mois d’activité bien souvent peu gratifiante sous la pression de chefs eux-mêmes sous la pression de chefs, après un mois passé dans des trains bondés ou dans les embouteillages, une fois payés leur carburant ou leur carte de transport, combien d’hommes et de femmes seraient bien contents de se voir distribuer 850 euros ? 

 Encore une fois, c’est la paresse et la magouille qui seraient récompensées. Rien d’étonnant dans cette proposition d’un candidat à la candidature suprême. C’est dans l’air du temps. Les bourgeois pratiquent la charité et le crient bien haut. Il faut faire plaisir à tout le monde, même à ceux qui n’attendent que cela, qui vivent sans souci du lendemain dans l’assistanat professionnel. Car bien que ne travaillant pas, ce sont des pros. Ils savent à qui s’adresser pour assurer leur avenir, connaissent les lois, les adresses des bureaux d’aide sociale, des associations humanitaires, savent comment faire le plein en matière d’allocations, de primes et de ristournes. La société entretient ce genre d’individus, et méprise ceux qui les font vivre. Je n’emploie jamais ce mot, mais aujourd’hui, je l’ai à la bouche : écoeurant.