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23/04/2011

850 euros

 

 Ce matin j’ai une pensée pour les familles d’agriculteurs qui s’épuisent pour rien ou quelques centaines d’euros. Le plus beau travail, vital pour l’humanité, celui sans lequel ceux qui gouvernent et ceux qui n’attendent que ça perdraient quelques kilos et plus encore.  

 Pour les pêcheurs qui risquent leur vie en mer pour respecter des quotas fixés par des écologistes de bureau protecteurs des espèces animales. 

 J’ai une pensée pour ces travailleurs des champs et de la mer qui n’en peuvent plus d’être oubliés, méprisés. 

 Une pensée pour ceux qui n’étaient ni en mer ni dans les champs, mais qui ont inhalé pendant quarante ans fumées et poussières de l’usine, qui en sont morts ou qui vivotent avec une retraite ridicule sans réclamer ni se plaindre. 

 Une pensée aussi pour les femmes de Moulinex disparues corps et âmes des chaînes de radio et de télévision, que des patrons ont mises à la rue en remerciement d’années de travail. 

 Une pensée pour les chômeurs, les vrais : les travailleurs sans emploi. 

 Le Travail, parlons-en. Un président nous en avait dressé un tableau idyllique. Il fallait remettre cette grande chose à sa place, en distribuer les fruits selon le mérite. Une belle idée, la plus belle peut-être en ce siècle. Mais allez ! Oublié tout cela. Un politicien de la pire espèce propose d’accorder un salaire qu’il qualifie de citoyen à des personnes qu’il dit sans ressources. Huit cent cinquante euros. Pour des individus payés à ne rien foutre. L’autre là, en bas de chez moi, qui passe son temps à procréer et à manipuler son nintendo, qui touche le chômage, les allocations familiales, et qui bouffe les produits de gens qui marnent en mer, dans les champs et les étables, celui-là toucherait l’argent des impôts de ceux qui travaillent ? Honte ! 

 Et combien d’hommes et de femmes seraient bien contents, après un mois d’activité bien souvent peu gratifiante sous la pression de chefs eux-mêmes sous la pression de chefs, après un mois passé dans des trains bondés ou dans les embouteillages, une fois payés leur carburant ou leur carte de transport, combien d’hommes et de femmes seraient bien contents de se voir distribuer 850 euros ? 

 Encore une fois, c’est la paresse et la magouille qui seraient récompensées. Rien d’étonnant dans cette proposition d’un candidat à la candidature suprême. C’est dans l’air du temps. Les bourgeois pratiquent la charité et le crient bien haut. Il faut faire plaisir à tout le monde, même à ceux qui n’attendent que cela, qui vivent sans souci du lendemain dans l’assistanat professionnel. Car bien que ne travaillant pas, ce sont des pros. Ils savent à qui s’adresser pour assurer leur avenir, connaissent les lois, les adresses des bureaux d’aide sociale, des associations humanitaires, savent comment faire le plein en matière d’allocations, de primes et de ristournes. La société entretient ce genre d’individus, et méprise ceux qui les font vivre. Je n’emploie jamais ce mot, mais aujourd’hui, je l’ai à la bouche : écoeurant.



02/02/2010

Les hommes politiques s'ennuient

 

 En France, il y a de moins en moins de boulot. Là où il y en a encore, les usines ferment, les patrons licencient et déménagent le matériel loin d'ici dans des contrées où un dollar permet de vivre une journée de plus. Les étudiants, les chercheurs s'expatrient, des laboratoires équipés les attendent dans des contrées où l'on a décidé que la science avait un avenir. Des gens qui n'ont plus de ressources, s'occupent à de petits travaux en cachette, car dans ce pays où les travailleurs sont chassés de leurs ateliers, c'est le travail tout court qui est interdit. Les nouvelles générations l'ont bien compris, questionnez les maîtres, ils vous diront à quel point tout effort est vécu par la jeunesse comme une punition, une torture, une atteinte aux libertés individuelles.

 

 On dirait qu'un pays entier survit sur l'inertie, par la grâce de l'habitude. Tout continue, comme avant, et parce qu'il y eut un avant. Oh oui ! Ici tout le monde s'occupait. La paresse était l'exception. On la montrait du doigt. Le travail était une vertu, comme le courage, la volonté. A neuf heures du matin, il n'y avait plus personne dans les rues. Et ceux qui traînaient encore, on les suivait, l'œil mauvais car l'humanité n'était pas pour autant meilleure qu'aujourd'hui. Quand les sous, avec parcimonie étaient libérés par le patron, ils servaient au nécessaire, à l'alimentation, au bien-être des enfants, à assurer l'avenir de la famille. Quand pour une sortie éducative dans le cadre scolaire, il était demandé quelques sous, le maître ne posait jamais la question en classe. Il savait que personne n'aurait levé la main. La solidarité se faisait dignement. Rarement. Les pauvres étaient les plus fiers, c'était un honneur pour eux de voir leur fils, leur fille se rendre dans un lieu qu'eux-mêmes de leur vie ne fréquenteraient jamais : le théâtre, le musée, le château.

 

 Aujourd'hui, sur les ondes, tout le monde est solidaire de tout le monde. A se demander pourquoi tant de malheureux à la rue font l'aumône. Non seulement trouver du travail est un exploit, mais on encourage les gens à ne pas travailler. On cultive l'oisiveté. La liste des allocations versées aux inactifs est vertigineuse. Il faut vraiment être naïf ... ou animé d'un courage héroïque pour bosser à deux heures de chez soi comme vigile, technicien de surface ou manutentionnaire en CDD pour un salaire de misère, quand le gros plouc d'à côté pose dix heures par jour ses cent kilos devant ses jeux vidéos en attendant ses ASSEDIC, ses allocations familiales et que ses enfants bénéficient gratuitement de la cantine scolaire et des vacances en colonie offertes par la municipalité. J'ai oublié un détail : sa femme quitte son domicile à sept heures du matin, prépare, habille les enfants, les mène à la crèche, court à la gare puis dans la cohue des transports, après une heure ou plus de suffocation, se rend sur son lieu de travail, un bureau dont elle fait briller les surfaces. Car, il faut bien l'avouer, l'oisiveté n'est pas toujours répartie également entre les sexes. Tout le monde ne s'ennuie pas, certains s'occupent.

 

 Mais beaucoup s'ennuient. Les premières victimes sont les responsables, ceux qui portent le pays sur leurs épaules : le personnel politique. Franchement, je n'échangerais pas ma place contre la leur. Certes, persifler président, ministres, députés, sénateurs, et la cohorte des élus de la république est devenu en France un sport national. On en entend de belles et de pas mûres, qu'ils sont coupés du peuple, qu'ils ne tiennent pas leurs promesses (ce n'est pas toujours un défaut, NDLR) on leur reproche aussi d'être payés à ne rien foutre. Alors là, je dis : critique en lèse-majesté.

 

 Je pose une question : Que voulez-vous qu'ils fassent ? Nos gouvernants partagent le sort de millions de leurs concitoyens. Total décide de fermer une raffinerie non rentable. On entend ici ou là de véhémentes attaques : « Ouais, le gouvernement ne fait rien pour empêcher le licenciement de centaines d'employés ! » Faux. Le ministre a prononcé un discours. Résultat, la raffinerie ne fermera pas immédiatement. Mais peut-on faire plus ? Non. Se rendre sur place ? Au risque de se voir injurier ou molester par des manifestants désespérés ? La crise économique mondiale rend la vie impossible à nos responsables politiques car n'ayant plus d'objectif à poursuivre ils ne sont plus crédibles: la mondialisation est irréversible, le tissu industriel du pays se décompose, le découragement gagne toutes les classes de la population y compris les plus actives et même l'opposition qui d'ailleurs, n'ayant rien d'autre à proposer hormis des discours creux, sombre également dans l'oisiveté.

 

 Alors, de gauche, de droite et du centre, nos diplômés des grandes écoles tournent en rond et s'ennuient à mourir. A mourir malheureusement non, ils débarrasseraient le plancher. Ils sont toujours là car, et c'est le nœud de la tragédie : ils ont un mandat à remplir. Quand vos enfants s'ennuient, que font-ils ? Ils se chamaillent ? C'est ce que font nos élus. L'un d'entre eux à l'occasion d'un banquet payé avec nos impôts, lâche un bon mot en présence des journalistes qui eux non plus n'ont rien d'autre à faire que de répandre des futilités. Le bon mot est souvent méchant, cela rapporte de l'audience, surtout relevé avec une pincée de racisme ou d'antisémitisme, juste ce qu'il faut pour éviter un procès et gagner un peu de popularité avant les élections. Pendant trois jours, le monde entier est épargné par les tremblements de terre, après tout on vous a assez dit et répété que les secours étaient sur place, on ne va pas en faire un fromage. Non, le plus important c'est qu'un monsieur a dit d'un autre qu'il avait une tronche pas ceci ou cela,  quelle bassesse, mon dieu quelle bassesse.  Il n'y a pas si longtemps ces affaires se réglaient dans un duel. A l'épée, devant témoins, sur la place publique. Et je m'étonne qu'aujourd'hui où l'audiovisuel occupe un place aussi importante dans les foyers, les armes ne soient pas tirées des fourreaux, devant les caméras, par des hommes à qui le peuple a fait l'honneur de déléguer ses pouvoirs, des hommes qui, d'une signature, envoient des jeunes gens risquer leur vie au milieu des barbares, quand eux-mêmes, du courage et de l'honneur ne connaissent plus que les mots.  

                                                                  §

 

 

 

 

 

13/03/2009

RMI

 

 

 

 Elle est encore jeune, un brin enveloppée et de belle humeur. Le matin à sa fenêtre, elle regarde en souriant les c… qui se rendent au boulot, mal réveillés, crispés sur le volant.

 

 Non, je plaisante. Elle n’est pas à sa fenêtre, elle est encore au lit. A côté d’elle, un hippopotame mâle ronfle à poings fermés. Les enfants chahutent dans la salle de bains, ils seront bientôt prêts. Le plus courageux  frappe à la porte de la chambre, mais se garde bien d’ouvrir, il a compris la leçon, la dernière fois ça lui a valu une torgnole.

 

-         C’est l’heure maman ! 

 

 Le pachyderme ronfle un peu plus fort, se retourne et fait craquer les lattes. La mère baille et s’étire, passe un déshabillé, peste en pataugeant dans l’eau répandue dans le couloir et suit ses enfants jusqu’à la porte d’entrée. La plus grande rattrape par la bandoulière de son sac le tout petit qui se précipitait sur le trottoir. La mère, de loin, jette un oeil sur la petite troupe qui  traverse la rue.

 

 Nul n’est censé ignorer la loi. Cette dame l’a bien compris. Ses droits, elle les connaît jusque dans les moindres détails. Pour le repas de midi, pas de problème : cantine, bons payés par la mairie. Vacances gratuites aussi pour les nombreux enfants de cette famille monoparentale, plus RMI, allocations familiales, je crois n’avoir rien oublié… Ah si, le pachyderme (pas marié) touche aussi le RMI, l’embonpoint l’oblige à se replier sur une activité sédentaire : la Playstation, il paraît que c’est un champion. Quand il s’arrête de jouer, il fait un enfant à sa compagne. Le premier qui me dit qu’ils ne sont pas heureux, je le fusille.

 

 A deux pas de là, il y en a qui ne savent pas où mettre leurs enfants avant l’ouverture de l’école car, été comme hiver, ils partent de bonne heure pour aller faire un ménage ou de la maçonnerie à l’autre bout de la ville. A la fin du mois, la République leur envoie le SMIC. Au-delà du vingtième jour du mois, ils survivent. A midi les enfants mangent des petits sandwiches. Mais quand l’instituteur demande quels sont ceux qui ne participeront pas au voyage, personne ne bronche. La fierté, sans doute.

 

 

 

 

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