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23/09/2009

Pour mémoire: les années 1940-41

 

 

 Les causes en sont diverses (nous nous efforçons sur ce blog de les déterminer) mais toute personne de bonne foi et qui ne se contente pas de s’informer aux journaux de 20 heures observe depuis quelques années une progression de l’antisémitisme, phénomène qui n’est pas –loin de là-  limité à la France. Mais nous sommes en France.

 Feuilletant un manuel d’histoire destiné aux élèves de troisième des collèges, je constate que deux pages sont consacrées à la vie des Français sous l’occupation, au régime de Vichy, aux mesures prises contre les juifs sur le sol français, à la spoliation de leurs biens, à leur déportation. Certes, nous faisons confiance aux professeurs, nous savons qu’ils n’hésitent pas à rétablir l’équilibre et à informer notre jeunesse sur l’idéologie, les hommes politiques, les acteurs, les tortionnaires sans lesquels la France n’aurait pu apporter sa contribution à la « solution finale » voulue par les nazis.

 Plus qu’aux analyses, aux longues explications, il est utile de s’en remettre aux textes, lois, décrets, ordonnances promulguées par les responsables de l’Etat français entre 1940 et 1944. C’est tout l’objectif de ce dossier limité pour l’instant aux années 40 et 41.

 

Sources :

 

-  Journaux officiels,

- La persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’ouest présentée par la France à Nuremberg, recueil de documents publié sous la direction de Henri Monneray, substitut au Tribunal militaire international, Paris, 1947,

- Marrus et Paxton.- Vichy et les juifs, Calmann-Lévy 1981,

- Philippe Ganier Raymond.- Une certaine France, l’antisémitisme 40-44.

 

 

Le 3 octobre 1940

 

Nous, Maréchal de France,  chef de l’Etat français,

Le conseil des ministres entendu,

 

Décrétons :

 

Article 1°. Est regardé comme juif, pour l’application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif.

 

Article 2. L’accès et l’exercice des fonctions publiques et mandats énumérés ci-après sont interdits aux juifs :

 

  1. Chef de l’Etat, membre du Gouvernement, Conseil d’Etat, conseil de l’ordre national de la Légion d’honneur, cour de cassation, cour des comptes, corps des mines, corps des ponts et chaussées, inspection générale des finances, cours d’appel, tribunaux de première instance, justices de paix, toutes juridictions d’ordre professionnel et toutes assemblées issues de l’élection.
  2. Agents relevant du département des affaires étrangères, secrétaires généraux des départements ministériels, directeurs généraux, directeurs des administrations centrales des ministères, préfets, sous-préfets, secrétaires généraux des préfectures, inspecteurs généraux des services administratifs, au ministère de l’intérieur, fonctionnaires de tous grades attachés à tous services de police.
  3. Résidents généraux, gouverneurs généraux, gouverneurs et secrétaires généraux des colonies, inspecteurs des colonies.
  4. Membres des corps enseignants.
  5. Officiers des armées de terre, de mer et de l’air.
  6. Administrateurs, directeurs, secrétaires généraux dans les entreprises bénéficiaires de concessions ou de subventions accordées par une collectivité publique, postes à la nomination du gouvernement dans les entreprises d’intérêt général.

 

Article 3. L’accès et l’exercice de toutes les fonctions publiques autres que celles énumérées à l’article 2 ne sont ouverts aux juifs que s’ils peuvent exciper de l’une des conditions suivantes :

a/ être titulaire de la carte de combattant 1914-1918 ou avoir été cité au cours de la campagne 1914-1918 ;

b/ avoir été cité à l’ordre du jour au cours de la campagne 1939-1940 ;

c/ être décoré de la Légion d’honneur à titre militaire ou de la médaille militaire;

 

Article 4. L’accès et l’exercice des professions libérales, des professions libres, des fonctions dévolues aux officiers ministériels et à tous auxiliaires de la justice sont permis aux juifs, à moins que des règlements d’administration publique n’aient fixé pour eux une proportion déterminée ? Dans ce cas, les mêmes règlements détermineront les conditions dans lesquelles aura lieu l’élimination des juifs en surnombre.

 

Article 5. Les juifs ne pourront, sans condition ni réserve, exercer l’une quelconque des professions suivantes :

Directeurs, gérants, rédacteurs de journaux, revues agences ou périodiques, à l’exception de publications de caractère strictement scientifique.

Directeurs, administrateurs, gérants d’entreprises ayant pour objet la fabrication, l’impression, la distribution, la présentation de films cinématographiques ; metteurs en scène et directeurs de prises de vues, compositeurs de scénarios, directeurs, administrateurs, gérants de salles de théâtres ou de cinématographie, entrepreneurs de spectacles, directeurs, administrateurs, gérants de toutes entreprises se rapportant à la radiodiffusion.

 Des règlements d’administration publique fixeront, pour chaque catégorie, les conditions dans lesquelles les autorités publiques pourront s’assurer du respect, par les intéressés des interdictions prononcées au présent article, ainsi que les sanctions attachées à ces interdictions.

 

Article 6. En aucun cas les juifs ne peuvent faire partie des organismes chargés de représenter les progressions visées aux articles 4 et 5 de la présente loi ou d’en assurer la discipline.

 

Article 7. Les fonctionnaires juifs visés aux articles 2 et 3 cesseront d’exercer leurs fonctions dans les deux mois qui suivront la promulgation de la présente loi. Ils seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite s’ils remplissent les conditions de durée de service ; à une retraite proportionnelle s’ils ont au moins quinze ans de service ; ceux ne pouvant exciper d’aucune de ces conditions recevront leur traitement pendant une durée qui sera fixée, pour chaque catégorie, par un règlement d’administration publique.

 

Article 8. Par décret individuel pris en conseil d’Etat et dûment motivé, les juifs qui, dans les domaines littéraire, scientifique, artistique, ont rendu des services exceptionnels à l’Etat français, pourront être relevés des interdictions prévues par la présente loi.

 Ces décrets et les motifs qui les justifient seront publiés au Journal officiel.

 

Article 9. La présente loi est applicable à l’Algérie, aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat.

 

Article 10. Le présent acte sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’Etat.

 

Fait à Vichy, le 3 octobre 1940

 

Ph. Pétain

 

Par le Maréchal de France, chef de l’Etat français :

 

Le vice-président du conseil,

Pierre Laval.

 

Le garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice,

Le ministre secrétaire d’Etat à l’intérieur,

Le ministre secrétaire d’Etat aux affaires étrangères,

Le ministre secrétaire d’Etat à la guerre,

Le ministre secrétaire d’Etat aux finances,

Le ministre secrétaire d’Etat à la marine,

Le ministre secrétaire d’Etat à la production industrielle et au travail,

Le ministre secrétaire d’Etat à l’agriculture…

§

 

 Le 4 octobre 1940

 

Nous, Maréchal de France,  chef de l’Etat français,

Le conseil des ministres entendu,

 

Décrétons :

 

Article 1°. Les ressortissants étrangers de race juive pourront, à dater de la promulgation de la présente loi, être internés dans des camps spéciaux par décision du préfet du département de leur résidence.

 

Article 2. Il est constitué auprès du ministre secrétaire d’Etat à l’intérieur une commission chargée de l’organisation et de l’administration de ces camps.

 Cette commission comprend :

 Un inspecteur général des services administratifs ;

 Le directeur de la police du territoire et des étrangers ou son représentant ;

 Un représentant du ministère des finances.

 

Article 3. Les ressortissants étrangers de race juive pourront en tout temps se voir assigner une résidence forcée par le préfet du département de leur résidence.

 

Article 4. Le présent décret sera piblié au Journal officiel pour être observé comme loi de l’Etat.

 

Fait à Vichy, le 4 octobre 1940.

 

Ph. Pétain.

 

Par le Maréchal de France, chef de l’Etat français :

Le ministre secrétaire d’Etat à l’intérieur,

Le ministre secrétaire d’Etat aux finances,

Le garde des sceaux, ministre secrétaire d’Etat à la justice…

 

§

 

Loi du 07 octobre 1940 :

 

(…)

2. Les droits politiques des Juifs indigènes d’Algérie sont réglés par les textes qui fixent les droits des musulmans algériens.

 

3. Les droits civils réels et personnels des Juifs indigènes restent réglés par la loi française.

 

4. Les Juifs indigènes d’Algérie ayant obtenu le Légion d’honneur à titre militaire, la Crois de guerre ou la Médaille militaire conservent le statut politique français.

 

 

Loi du 29 mars 1941 :

 

Il est créé pour l’ensemble du Territoire national un Commissariat général aux Questions juives :

 

Celui-ci :

1. Prépare et propose au Chef de l’Etat toutes mesures législatives relatives à l’état des Juifs.

2. Fixe la date de la liquidation des biens juifs.

3. Désigne les Administrateurs-sequestres.

4. Le Commissaire général est désigné par le ministre d’Etat chargé de la vice-présidence du Conseil.

 

Loi du 19 mai 1941 :

 

Le Commissariat général aux Questions juives peut provoquer à l’égard des Juifs toutes mesures de police commandées par l’intérêt national.

 

Loi du 02 juin 1941 prescrivant le recensement des Juifs:

 

Nous, Maréchal de France,  chef de l’Etat français,

Le conseil des ministres entendu,

 

Décrétons :

 

Article 1°.  Toutes personnes qui sont juives au regard de la loi du 2 juin 1941 portant statut des Juifs doivent, dans le délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi, remettre au préfet du département ou au sous-préfet de l’arrondissement dans lequel elles ont leur domicile ou leur résidence, une déclaration écrite indiquant qu’elles sont juives au regard de la loi, et mentionnant leur état civil, leur situation de famille, leur profession et l’état de leurs biens.

 La déclaration est faite par le mari pour la femme, et par le représentant légal pour le mineur ou l’interdit.

 

Article 2. Toute infraction aux dispositions de l’article premier est punie d’un emprisonnement de un mois à un an et d’une amende de 100 à 10000F, ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice du droit pour le préfet de prononcer l’internement dans un camp spécial, même si l’intéressé est Français.

 

Article 3.  Des dispositions particulières fixeront les conditions dans lesquelles la présente loi sera appliquée en Algérie, dans les colonies, dans les pays de protectorat, en Syrie et au Liban.

 

Article 4.  Le présent décret sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’Etat.

 

Fait à Vichy le 2 juin 1941.

 

Ph. Pétain.

 

Par le Maréchal de France, chef de l’Etat français :

 

L’amiral de la flotte,

vice-président du conseil,

ministre secrétaire d’Etat à l’intérieur,

Amiral Darlan.

 

(Journal officiel, 14 juin 1941, p.2476)

 

 

Loi du 23 juin 1941

 

Le nombre des étudiants juifs admis à s’inscrire dans les établissements d’enseignement supérieur ne peut excéder 3% des étudiants non Juifs.

 Sont inscrits en priorité :

-         les orphelins des militaires morts pour la France

-         les décorés

-         les titulaires de la carte de combattant

-         les fils ou filles de décorés

-         les postulants issus de familles nombreuses et particulièrement méritants.

 

Décret du 16 juillet 1941

 

 Réglementation en ce qui concerne les Juifs de la profession d’avocat.

 Les avocats ne peuvent dépasser 2% de l’effectif total des avocats non Juifs inscrits.

 

§

 

 

Loi du 22 juillet 1941

relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux Juifs :

 

Nous, Maréchal de France,  chef de l’Etat français,

Le conseil des ministres entendu,

 

Décrétons :

 

Article 1°. En vue d’éliminer toute influence juive dans l’économie nationale, le commissaire général aux questions juives peut nommer un administrateur provisoire à :

 

1/  Toute entreprise industrielle, commerciale, immobilière ou artisanale ;

 

2/  Tout immeuble, droit immobilier ou droit au bail quelconque ;

 

3/ Tout bien meuble, valeur mobilière ou droit mobilier quelconque, lorsque ceux à qui ils appartiennent, ou qui les dirigent, ou certains d’entre eux sont Juifs.

 

 Toutefois ces dispositions ne s’appliquent pas aux valeurs émises par l’Etat français et aux obligations émises par les sociétés ou collectivités publiques françaises,

 Et, sauf exception motivée,

 Aux immeubles ou locaux servant à l’habitation personnelle des intéressés, de leurs ascendants ou descendants, ni aux meubles meublants qui garnissent lesdits immeubles ou locaux.

 

[Suivent les dispositions concernant les rôles et pouvoirs des administrateurs provisoires, publiées au Journal officiel du 26 août 1941, p.3594]

 

 

Décret du 11 août 1941

 

 Réglementation en ce qui concerne les Juifs de la profession de médecin.

 

 Les médecins ne peuvent dépasser 2% de l’effectif total des médecins inscrits.

 

Loi du 1° septembre 1941

 

Portant modification de la loi du 29 mars 1941

Créant un Commissariat général aux Questions juives.

(Journal officiel du 2 septembre 1941)

 

Article 1°. Les articles 1 et 3 de la loi du 29 mars 1941 créant un Commissariat général aux Questions juives sont abrogés et remplacés par les dispositions suivantes :

 

 « Art. 1°. Il est créé pour l’ensemble du territoire national un Commissariat général aux Questions juives, rattaché au secrétariat d’Etat à l’intérieur. »

« Art. 3. Le commissaire général est nommé par arrêté du vice-président du Conseil et du secrétaire d’Etat à l’intérieur. »

 

Article 2. Le présent décret sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’Etat.

 

 

Loi du 29 novembre 1941

 

Instituant une Union Générale des Israélites de France.

 

  1. Il est institué auprès du Commissaire général aux Questions juives une Union Générale des Israélites de France.

Cette Union a pour objet d’assurer la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics.

 

  1. Tous les Juifs sont obligatoirement affiliés à l’U.G.I.F.

Toutes les associations juives existantes sont dissoutes à l’exception des associations culturelles.

 

  1. Les ressources de l’U.G.I.F.

a)      les sommes récupérées par le Commissariat aux Questions juives

b)      les biens des associations juives dissoutes

c)      les cotisations versées par les Juifs selon leur fortune.

 

  1. l’U.G.I.F est administrée par 18 Juifs de nationalité française et désignées par le Commissariat général aux Questions juives.

 

  1. Les délibérations du conseil peuvent être annulées par arrêté du Commissaire général aux Questions juives.

 

Le présent décret est exécuté comme moi de l’Etat.

 

 

Ordonnance du 17 décembre 1941

 

Concernant une amende imposée aux Juifs.

 

L’amende d’1 milliard de francs imposée aux Juifs de zone occupée par avis du « Militarbefehlshaber in Frankreich » du 14 décembre 1941, doit être répartie sur les biens juifs par l’intermédiaire de l’Union Générale des Israélites de France.

 

 

Loi du 19 décembre 1941

 

Conditions d’admission des étudiants juifs dans les établissements d’enseignement supérieur.

 

 Par dérogation, le postulant est admis à s’inscrire ou à suivre les cours si sa famille est établie en France depuis au moins 5 générations et a rendu à l’Etat français des services exceptionnels.

 

 

§

 

 

 

cliché Annick PournyDSC00865.JPG

16/03/2009

L'ennemi est anglo-saxon

Dialogue entre Jacques, Rachid et Olivier-  d’après  « à 100.000 années des Lumières »

 

 

Jacques : Je sais que je vais choquer certains d’entre nous, peut-être même tout le monde. Toi, moi, elle ou lui là-bas, bref : le citoyen français n’a jamais vraiment accepté d’avoir été libéré par un autre. La honte d’avoir été incapable de s’en sortir par soi-même s’est muée en dépit au fil des années. On est passé de la honte à la haine. On me dira «  mais cela fait soixante ans, c’est du passé ». Ah oui, vraiment ? Le passé, parlons-en : le nationalisme, c’est du passé. Jeanne d’Arc, c’est du passé, et pourtant, dans le cœur de l’extrême droite elle n’est pas oubliée, dans le cœur des Français non plus. Les Gaulois, c’est du passé, regardez le succès d’Astérix quand il résiste fièrement à l’envahisseur étranger. Le Premier Empire c’est du passé, la dictature, les guerres sanglantes aussi, et pourtant, pour notre Hugo national, même la retraite de Russie fut admirable, sondez les gens autour de vous… On retient les prouesses. On oublie les cadavres.

 

 Alors soixante ans, comparés aux siècles des siècles… Non seulement le nationalisme n’est pas mort, mais il a fait des dégâts collatéraux. Entre autres, la xénophobie sous ses formes multiples et changeantes.

 

 Imaginez un être absolument étranger à tout ce qui se passe ici-bas, non pas un dieu, n’introduisons pas la religion dans nos affaires, c’est déjà assez compliqué comme ça. Un observateur impartial. Il regarde la France. On lui dit : voilà ce qui s’est passé au vingtième siècle, en dressant la liste de tous les drames qui ont frappé le pays, les guerres en premier lieu, bien sûr. On lui demande : Quels sont les étrangers les moins aimés ? Notre juge répondra : les Allemands. Il aura tort, certes dans certains milieux on les appelle encore les boches, il s’agit là d’une petite haine tout à fait supportable entre voisins de palier. Grave erreur de jugement, car la xénophobie touche principalement l’Anglo-saxon, sous ses formes américaine et britannique. Est-ce le fait du hasard si ce sont les deux peuples à qui l’on doit la libération de la France et de l’Europe?

 

Olivier : N’oublions pas le peuple soviétique.

 

Jacques : Je corrige mes propos : les forces de l’Axe ont été vaincues grâce aux efforts des Alliés dont l’Union Soviétique faisait partie et qui, au prix d’énormes sacrifices a libéré l’est de l’Europe. Quand à la France et à l’Europe de l’ouest, la libération a été le fait des forces britanniques et américaines. C’est ce dernier point qui est au cœur de notre problème. Personne n’aime contracter une dette, surtout quand il s’agit d’une question de vie ou de mort. On peut comprendre la honte, le dépit, la jalousie, la haine même. Quand à justifier ces sentiments, non.

 

Rachid : Je remarque en passant que les Français ont la même attitude vis-à-vis de leurs libérateurs que vis-à-vis des algériens qui furent des alliés courageux de la France pendant la guerre d’indépendance. Les conditions dans lesquelles la France les a accueillis et hébergés, nous autorisent à dire que les Français méprisent les Harkis. Revenons  à l’Amérique : pour toi, Jacques, militant socialiste, est-ce que les Etats-Unis sont toujours des alliés de la France ?

 

Jacques : Oui.

 

Rachid : Est-ce que tes compagnons de lutte, est-ce que les sympathisants, les électeurs socialistes dans leur majorité, est-ce que les Français en général considèrent que les Etats-Unis sont toujours des alliés de la France ?

 

Jacques : Non.

 

Rachid : Approuves-tu l’orientation politique actuelle des autorités américaines ?

 

Jacques : Non.

 

Rachid : Est-ce que les Français –dans leur majorité- l’approuvent ?

 

Jacques : Non.

 

Rachid : Contrairement à la majorité des Français, ton jugement n’est pas le même selon qu’on t’interroge sur les Etats-Unis, ou sur les autorités de ce pays…

 

Jacques : Exact.

 

Rachid : Le mode de vie des Américains du nord, la recherche sempiternelle du profit, la consommation sous toutes ses formes et sans limites, la méconnaissance des problèmes du monde, y compris sa géographie, la malnutrition et ses ravages dans le domaine de la santé, bref la société américaine ne t’effraie pas ?

 

Jacques : Recherche du profit, consommation sans limites, méconnaissance du monde, malnutrition, ravages, voilà bien des mots qui m’effraient. Je les entends décliner chaque matin sur toutes les radios par les commentateurs, repris aussitôt avec complaisance par les humoristes, je les relève dans les quotidiens du soir et du matin, je les entends répéter avec insistance dans les réunions de famille, sur mon lieu de travail, dans les petits commerces de mon quartier, je les ai même entendus à la terrasse d’un MacDonald, jetés comme ça entre deux frites. C’est surtout cela qui m’effraie. Les mots. Les mots sans contenus. Répétés. Surtout quand c’est à la télé qu’on les entend, à l’heure de la becquée, des mots dits par un journaliste de grande audience sur un ton entendu, lui aussi. Des mots relayés par des images venues d’Amérique montrant des personnes obèses, disgracieuses, un gros cigare dans la bouche, et peut-être aussi manipulant des dollars. C’est surtout cela qui m’effraie. La manipulation calculée, préméditée des informations. Images à la Goebbels. On savait depuis longtemps tout le savoir faire de l’extrême droite dans ce domaine. Ce qui est insupportable aujourd’hui, c’est le colportage par des médias qui ont toutes les apparences de la respectabilité, le colportage et l’amplification, la mise en sons et en images des sentiments les plus primaires des individus.

 

 Un professeur me disait : avant de juger le discours, demandez-vous d’où il vient. Il faut renverser le proverbe qui dit que quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. Quand l’imbécile montre la lune, c’est l’imbécile qu’il faut regarder. Quand le journaliste tout sourire nous montre les horreurs au-delà de nos frontières, c’est sur le métier de journaliste qu’il faudrait s’interroger. Pas si bête que ça d’ailleurs, le commentateur : en tapant sur l’étranger, il loue la France, flatte l’auditeur et élargit son audience. Calomniez, en profitant de l’ignorance des gens, il en restera toujours quelque chose, d’autant plus que ce que vous assénez sur son crâne, l’auditeur en est déjà convaincu. Le pauvre ne s’est jamais rendu au Royaume-Uni, mais il sait qu’on y mange mal. On y mange forcément mal pour deux raisons. Une, il n’y a qu’en France qu’on mange bien. Deux, les anglais ont brûlé Jeanne d’Arc.(1) Aucun rapport selon vous ? Vous pensez trop. Les sentiments primaires n’ont rien à voir avec la pensée. Ils ne jugent pas, ils condamnent. Croyez-vous que le xénophobe de base juge la gastronomie britannique en analysant le contenu de l’assiette ? Le dit contenu, il ne s’est jamais mis dans la situation d’en apprécier la qualité. Pour ça, il aurait fallu poser le pied en Angleterre, chose impossible, il y pleut en permanence, on n’y voit rien à cause du brouillard, et on y parle anglais.

 Vois-tu Rachid, ce qui m’effraie, ce n’est ni la société américaine, ni le brouillard londonien, mais la rencontre -riche de tous les dangers- d’Ignorance et de Bourrage de crâne. Pour les dissocier ces deux-là, ça ne sera pas du gâteau.

 

§

 

 

(1) Il serait intéressant de savoir quelle est la part du religieux dans l’anglophobie à la française. N’oublions pas que les britanniques sont majoritairement sous l’influence de la Réforme… et le catholicisme a la dent dure. 

15/03/2009

Coupe de France

-         Dino Morandini passe la balle à Fernando Hernandez qui drible et renvoie sur l’aile pour Mohammed Bensoussan… qui évite la touche. Quel match ! Toufik Hezlaoui et Farid Zetlaoui se replient avec toute la défense girondine. Mais dans les cages, Hartmann est là, qui guette et qui attend… et qui bloque en catastrophe. Long dégagement. Battini. Panatos. Orlando. Ben Saïd, qui franchit la surface de séparation. Battini, toujours lui, Brnstshetz, Bakundé, Ko Aoundé très dangereux de la tête… Oh la la ! L’efficacité bordelaise en contre-attaque. Tir !… au-dessus, de toute façon Rachid Baïkila était à la parade. La foule exulte :

 

-         Rachid ! Rachid ! Rachid !

 

-         Jean-Paul ?

 

-         Oui… le studio ?

 

-         On nous appelle de Marseille, où Yakundé vient de marquer sur un centre de Kerendörffer…

 

-         Ici Marseille. Le public en délire assiste à la résurrection de son équipe, avec quel brio ! Les Strasbourgeois font ce qu’ils peuvent avec Ortega, Sottovicë et Ribanello, mais ne peuvent arrêter le raz-de-marée marseillais. Déjà trois buts grâce à Hoko Béhoué, Sonato Bellinello et l’éternel Yakundé le Magnifique.

 

-         Mais dîtes-moi, ces prouesses sont de bon augure pour la Coupe du monde ! Baïkila, Panatos, Ben Saïd et Yakundé sont d’ores et déjà assurés d’une sélection en Equipe de France ?

 

-         Ici Paris. Oui effectivement.

 

-         Même ceux qui n’ont pas leur carte de séjour ?

 

-         Le décret ne s’applique pas aux sportifs de haut niveau.

 

-         C’est logique. Le général Pétain ne la demandait pas aux tirailleurs sénégalais. Ils participaient aussi à la gloire de la France...

 

-         Excusez-moi de vous interrompre… Lille vient de marquer. Allo, Lille ?

 

-         Ici le stade vélodrome. Sur un tir de Ben Saïd, Bordeaux vient de marquer. Rachid Baïkila était sorti trop tôt, au grand désespoir des supporters qui sifflent et hurlent :

 

-         Rachid ! RE-TOUR-NE-DANS-TON-PAYS !

 

§