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18/10/2019

Sur deux mots à la mode: crispation et stigmatisation

 

 

 Selon le Petit Robert, la crispation est « un mouvement d’agacement, d’impatience, d’irritation ». Tel qu’il est employé, « senti » par nos commentateurs radiophoniques, le mot a un sens différent et mérite qu’on s’y arrête. Crispé, crispation. J’écoutais un reportage sur les conditions de travail dans les entreprises, et plus précisément, comme rien n’est plus important aujourd’hui que le problème (il faut dire problématique...) religieux, celui des prières sur le lieu de travail. Bref, on prend son tapis, on s’installe quelque part en évitant un couloir pour ne gêner personne, on s’oriente vers La Mecque, et le tour est joué ? Oh que non ! Il y a des patrons pour qui religion et boulot sont incompatibles. La prière vous la faîtes chez vous, religion affaire privée et tout et tout. La commentatrice s’indigne, avec le sourire car nous sommes en radio publique où les pires méchancetés se disent la bouche en cul de poule : Oui, chers auditeurs, il y a encore des patrons qui restent crispés sur la vieille idée qu’ils se font de la laïcité.

 On voit que la crispation n’est pas réductible ici à un mouvement d’agacement, d’impatience, d’irritation. La journaliste ne s’adresse pas exclusivement aux patrons désignés. Elle vise plus loin, ceux pour qui la pratique de la religion est un droit inaliénable, à la condition qu’il n’empiète pas sur la vie des autres. En gros, les défenseurs ratatinés, recroquevillés, rabougris, racornis de la laïcité sont, comme des huîtres collées au rocher, accrochés, rivés, menottés, scotchés, attachés à des idées qui ont fait leur temps. Allez, vieux grognards de la république, circulez ! La modernité aujourd’hui, c’est d’accepter le fait religieux même si parfois quelques abus très minoritaires… Et voyez un peu la richesse que ces croyants venus d’ailleurs nous apportent, détendez-vous, pliez les genoux, faîtes semblant de croire comme disait George, et bientôt vous croirez.

 Mais surtout, il ne faut stigmatiser personne et surtout pas les religieux. C’est correct politiquement de condamner les sectes, sauf quand elles regroupent plusieurs millions de personnes sur le sol national. Elles deviennent alors tout à fait respectables. Et gare à celui qui leur refuserait le droit d’exister, de se manifester, de pavoiser, de recruter. De celui-ci, on dit qu’il stigmatise. En voilà un mot à la mode. De la stigmatisation, on ferait presque un délit, une attitude proche du racisme, consistant à désigner à la vindicte publique une catégorie d’individus. On a vu de tels monstres au siècle passé, qui étaient fort navrés que l’apparence de ceux qu’ils voulaient anéantir ne se distingue pas de celle du commun des mortels. Ils leur faisaient alors porter un signe distinctif afin que chacun puisse les reconnaître, le signe devenant à son tour celui d’une culpabilité. Honteuse stigmatisation qui eut comme conséquence le pire des crimes contre l’humanité.

 J’ai l’impression que ceux qu’on stigmatise aujourd’hui ne sont pas ceux qu’on croit. Il est de plus en plus correct politiquement d’assimiler les libres penseurs aux identitaires racistes de l’extrême droite. Qui veut noyer son chien…

 Pour les démocrates que nous sommes, l’amalgame est insupportable. Et puis les islamistes dans leur accoutrement n’ont pas besoin qu’on les stigmatise, ils le font tout seuls.


§

21/04/2013

Des mots

 

 Selon le Petit Robert, c’est « un mouvement d’agacement, d’impatience, d’irritation ». Tel qu’il est employé, « senti » par nos commentateurs radiophoniques, le mot a un sens différent et mérite qu’on s’y arrête. Crispé, crispation. J’écoutais un reportage sur les conditions de travail dans les entreprises, et plus précisément, comme rien n’est plus important aujourd’hui que le problème (il faut dire problématique) religieux, celui des prières sur le lieu de travail. Bref, on prend son tapis, on s’installe quelque part en évitant un couloir pour ne gêner personne, on s’oriente vers La Mecque, et le tour est joué ? Oh que non ! Il y a des patrons pour qui religion et boulot sont incompatibles. La prière vous la faîtes chez vous, religion affaire privée et tout et tout. La commentatrice s’indigne, avec le sourire car nous sommes en radio publique où les pires méchancetés se disent la bouche en cul de poule : Oui, chers auditeurs, il y a encore des patrons qui restent crispés sur la vieille idée qu’ils se font de la laïcité 

 On voit que la crispation n’est pas réductible ici à un mouvement d’agacement, d’impatience, d’irritation. La journaliste ne s’adresse pas exclusivement aux patrons désignés. Elle vise plus loin, ceux pour qui la pratique de la religion est un droit inaliénable, à la condition qu’il n’empiète pas sur la vie des autres. En gros, les défenseurs ratatinés, recroquevillés, rabougris, racornis de la laïcité sont, comme des huîtres collées au rocher, accrochés, rivés, menottés, scotchés, attachés à des idées qui ont fait leur temps. Allez, vieux grognards de la république, circulez ! La modernité aujourd’hui, c’est d’accepter le fait religieux même si parfois quelques abus très minoritaires… Et voyez un peu la richesse que ces croyants venus d’ailleurs nous apportent, détendez-vous, pliez les genoux, faîtes semblant de croire, et bientôt vous croirez (1).  

 Mais surtout, il ne faut stigmatiser personne et surtout pas les religieux. C’est correct politiquement de condamner les sectes, sauf quand elles regroupent plusieurs millions de personnes sur le sol national. Elles deviennent alors tout à fait respectables. Et gare à celui qui leur refuserait le droit d’exister, de se manifester, de pavoiser, de recruter. De celui-ci, on dit qu’il stigmatise. En voilà un mot à la mode. De la stigmatisation, on ferait presque un délit, une attitude proche du racisme, consistant à désigner à la vindicte publique une catégorie d’individus. On a vu de tels monstres au siècle passé, qui étaient fort navrés que l’apparence de ceux qu’ils voulaient anéantir ne se distingue pas de celle du commun des mortels. Ils leur faisaient alors porter un signe distinctif afin que chacun puisse les reconnaître, le signe devenant à son tour celui d’une culpabilité. Honteuse stigmatisation qui eut comme conséquence le pire des crimes contre l’humanité. 

 J’ai l’impression que ceux qu’on stigmatise aujourd’hui ne sont pas ceux qu’on croit. Il est de plus en plus correct politiquement d’assimiler les libres penseurs aux identitaires racistes de l’extrême droite. Qui veut noyer son chien… 

 Pour les démocrates que nous sommes, l’amalgame est insupportable. Et puis les islamistes dans leur accoutrement n’ont pas besoin qu’on les stigmatise, ils le font tout seuls.  

 

§

(1) Georges Brassens, "Le mécréant"