05/05/2015
A mes camarades de classe des années 60...
...quand les Lumières éclairaient encore.
Après l'enseignement du grec ancien et du latin, qu'y a-t-il encore à supprimer parmi ces matières qui encombrent l'esprit de nos enfants ? Pour éviter la table rase, à l'heure où même les pacifistes ne s'opposent pas à la propagation des avions de guerre Rafale dans les états en guerre, il faudrait les réveiller un peu. Insister dans nos classes sur les crimes des armées coloniales, les répressions sanglantes des populations africaines, ces sujets rencontrent un certain succès parmi les élèves issus de ces contrées. Pour ajouter à leur plaisir, on se dispensera d'aborder le fait religieux en général, car on sait maintenant qu'il n'y a qu'un fait en matière de religion: le musulman. On évitera les sujets qui fâchent, les crimes contre l'humanité, les tortures et l'esclavage quand ils sont l'oeuvre d'états africains ou orientaux, les crimes contre l'humanité quand il s'agit de la Shoah ou du génocide arménien, mais surtout, surtout, alors là j'insiste. NE PAS ABORDER DE QUELQUE FACON QUE CE SOIT LA LECTURE DES OEUVRES DES PHILOSOPHES DU SIECLE DES LUMIERES au risque de jeter le trouble dans les esprits et de mettre en cause la belle idée du Vivre ensemble.
Retirez donc des bibliothèques, loin du regard de nos enfants ces brûlots des encyclopédistes, paroles génératrices de haine des mécréants Diderot, Bayle, Voltaire :
"...le meilleur remède contre le fanatisme et la superstition serait de s'en tenir à une religion qui, prescrivant au coeur une morale pure, ne commanderait point à l'esprit une créance aveugle des dogmes qu'il ne comprend pas..." (Diderot, article Christianisme de l'Encyclopédie)
"C'est en revêtant cet extérieur imposant, c'est en tombant dans ces convulsions surprenantes, regardées par le peuple comme l'effet d'un pouvoir surnaturel, c'est en lui présentant l'appas d'un songe ridicule que l'imposteur de La Mecque osa tenter la foi des crédules humains, et qu'il éblouit les esprits qu'il avait su charmer, en excitant leur admiration et captivant leur confiance." (Diderot, article Christianisme de l'Encyclopédie)
"...l'ignorance d'un premier Etre Créateur et Conservateur du Monde n'empêcherait pas les membres de cette Société (une société d'athées) d'être sensibles à la gloire et au mépris, à la récompense et à la peine, et à toutes les passions qui se voient dans les autres hommes, et n'étoufferait pas toutes les lumières de la raison, on verrait parmi eux des gens qui auraient de la bonne foi dans le commerce (les relations sociales), qui assisteraient les pauvres, qui s'opposeraient à l'injustice, qui mépriseraient les injures, qui renonceraient aux voluptés du corps, qui ne feraient tort à personne... Il s'y ferait des crimes de toutes les espèces, je n'en doute point; mais il ne s'y ferait pas plus que dans les sectes idolâtres..." (Pierre Bayle, Pensées sur la comète)
"Comparez un peu les manières de plusieurs Nations qui professent le christianisme,...vous verrez que ce qui passe pour malhonnête dans un pays ne l'est point du tout ailleurs. Il faut donc que les idées d'honnêteté qui sont parmi les chrétiens ne viennent pas de la religion qu'ils professent...Avouons donc qu'il y a des idées d'honneur parmi les hommes qui sont un pur ouvrage de la Nature, c'est-à-dire de la Providence générale." (Pierre Bayle, Pensées sur la comète)
"Je voyais arriver à droite et à gauche des troupes de fakirs, de talapoins (moines siamois), de bonzes, de moines blancs, noirs et gris, qui s'étaient tous imaginé que, pour faire leur cour à l'Etre Suprême, il fallait ou chanter, ou se fouetter, ou marcher tout nu. J'entendis une voix terrible qui leur demanda: Quel bien avez-vous fait aux hommes ? A cette voix succéda un morne silence; aucun n'osa répondre, et ils furent tous conduits aux Petites-Maisons (asiles de fous) de l'univers: c'est un des plus grands bâtiments qu'on puisse imaginer." (Voltaire, article Dogmes de l'Encyclopédie)
Il suffit pour lire ces belles pages d'ouvrir le Lagarde et Michard, recueil de textes des penseurs du XVIII° siècle, philosophes qui nous ont appris le rire, rire de la bêtise, de l'obscurantisme, de toutes les formes d'absolutisme. Nos professeurs nous les ont fait découvrir et aimer. Nous avons eu cette chance, comme l'ont eue les personnes qui aujourd'hui décident des programmes d'enseignement. Souhaitent-elles que leurs propres enfants soient dispensés de cet éclairage ? Ce serait un signe inquiétant que l'enseignement des Lumières ne tienne plus la place que l'école de la République lui avait accordée.
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07:20 Publié dans Belles pages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire, diderot, bayle, lumières, enseignement