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28/09/2009

Pour mémoire (suite) Les années 1942-43

 

Plus qu’aux analyses, aux longues explications, il est utile de s’en remettre aux textes, lois, décrets, ordonnances promulguées par les responsables de l’Etat français entre 1940 et 1944. Voici donc la suite du dossier concernant cette fois les années 42-43. 

 

§

 

Sixième ordonnance du 7 février 1942

Relative aux mesures contre les Juifs.

(Journal officiel des ordonnances du Gouverneur militaire pour les territoires occupés du 11 février 1942)

 

 En vertu des pleins pouvoirs qui m’ont été accordés par le Führer und Oberster Befehlshaber der Wehrmacht, j’ordonne ce qui suit :

 

§1. Limitation des heures de sortie. Il est interdit aux Juifs d’être hors de leurs logements entre 20 et 6 heures.

§2. Interdiction du changement de résidence. Il est interdit aux Juifs de changer le lieu de leur résidence actuelle.

§3. Dispositions pénales. Celui qui contreviendra aux dispositions de la présente ordonnance sera puni d’emprisonnement et d’amende, ou d’une de ces peines. En outre, le coupable pourra être interné dans un camp de Juifs.

§4. Entrée en vigueur. La présente ordonnance entre en vigueur dès sa publication.

 

Loi du 21 mars 1942

Pour faire face à ses charges exceptionnelles l’U.G.I.F. pourra exercer des prélèvements.

 

  1. Sur le produit des réalisations des administrateurs provisoires de biens juifs.
  2. Sur les titres.
  3. Sur les actions.
  4. Sur les sommes déposées entre les mains de tiers appartenant à des personnes physiques juives.
  5. Sur les créances.
  6. Sur la vente de meubles, d’immeubles, etc.

 

Septième ordonnance du 24 mars 1942

 

Concernant :

  1. Critère de la « personne » juive.
  2. Confiscation des postes de T.S.F. détenus par les Juifs.
  3. Interdiction d’exercer certaines activités économiques ainsi que d’employer des Juifs.
  4. Non paiement de l’indemnité de licenciement à un Juif.

 

Huitième ordonnance du 29 mai 1942

 

 Signe distinctif pour les Juifs

 

  1. Les Juifs doivent se présenter au Commissariat de police pour y recevoir les insignes en forme d’étoile. Chaque Juif recevra trois insignes et devra donner en échange un point de sa carte de textile.
  2. Il est interdit aux Juifs dès l’âge de six ans révolus de paraître en public sans porter l’étoile juive.
  3. L’étoile juive est une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d’une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte en caractères noirs l’inscription « JUIF ». Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine solidement cousue sur le vêtement. (1) (2)

 

§

 

PREFECTURE  DE  POLICE

Direction de la Police Municipale

 

Etat-major

1° Bureau B

 

Paris, le 12 juillet 1942.

 

CONSIGNES  POUR  LES  EQUIPES  CHARGEES  DES  ARRESTATIONS

(source : La persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’ouest présentée par la France à Nuremberg, recueil de documents publié sous la direction de Henri Monneray, substitut au Tribunal militaire international, Paris, 1947, p.145 ; cité par Marrus et Paxton, Vichy et les Juifs)

 

1°) Les gardiens et inspecteurs, après avoir vérifié l’identité des Juifs qu’ils ont mission d’arrêter, n’ont pas à discuter les différentes observations qui peuvent être formulées par eux.

 En cas de doute, ils les conduisent de toute façon au Centre, dont l’adresse leur sera donnée par le Commissaire de Voie Publique, et en s’assurant qu’ils ont bien pris les objets indiqués pluis loin ? Seul, le Commissaire de Voie Publique est qualifié pour examiner les situations. Pour les cas douteux, les gardiens mettent sur la fiche la mention « à revoir ».

 

2°) Ils n’ont pas à discuter non plus sur l’état de santé. Tout Juif à arrêter doit être conduit au Centre primaire.

 

3°) Les agents chargés de l’arrestation s’assurent, lorsque tous les occupants du logement sont à emmener, que les compteurs à gaz, de l’électricité et de l’eau sont bien fermés. Les animaux sont confiés au concierge.

 

4°) Lorsque tous les occupants du logement sont emmenés, les clés sont remises au concierge (s’il n’en existe pas, au plus proche voisin) en signalant que ce dernier est considéré comme responsable de la conservation des meubles, objets et effets restés dans le logement ? Dans les deux cas il sera mentionné, comme il sera indiqué plus loin, les nom et adresse de la personne dépositaire des clés.

 

5°) Les Juifs arrêtés devront se munir :

 

a)      de leur carte d’identité d’étranger, de tous autres papiers d’identité et de famille jugés utiles ;

b)      de leur carte d’alimentation, feuilles de tickets et cartes de textile ;

c)      des effets et ustensiles suivants :

 

2 couvertures, 1 paire de chaussures, 2 paires de chaussettes, 2 chemises, 2 caleçons, 1 vêtement de travail (ou usagé), 1 tricot ou pull-over, 1 paire de draps, 1 gamelle, 1 gobelet, 1 bidon (si possible), 1 jeu de couverts pour les repas, 1 nécessaire de toilette (le rasoir est autorisé) ;

 

d)      de deux jours de vivres au moins. Ils peuvent en emporter davantage s’ils le veulent (pas plus d’une valise grandeur moyenne, ne contenant que des provisions de bouche) ;

e)      les couvertures seront portées en bandoulière, les effets et objets de la liste ci-dessus seront placés dans un seul sac ou valise ; soit au total 2 valises ou paquets, dont 1 pour...

 

6°) Les enfants vivant avec la ou les personnes arrêtées seront emmenés en même temps, si aucun membre de la famille ne reste dans le logement. Ils ne doivent pas être confiés aux voisins.

 

7°) Les gardiens et inspecteurs sont responsables de l’exécution. Les opérations doivent être effectuées avec le maximum de rapidité, sans paroles inutiles et sans aucun commentaire.

 

8°) Les gardiens et inspecteurs chargés de l’arrestation rempliront les mentions figurant au dos de chacune des fiches :

 indication de l’arrondissement ou de la circonscription du lieu d’arrestation ;

 « Arrêté par » en indiquant les noms et services de chacun des gardiens et inspecteurs ayant opéré l’arrestation ;

 le nom et l’adresse de la personne à qui les clés auront été remises ;

 au cas de non arrestation seulement de l’individu mentionné sur la fiche, les raisons pour lesquelles elle n’a pu être faite et tous renseignements succins utiles ;

 et selon le tableau ci-après :

 

SERVICE :

 

Agents capteurs :

 

Nom……………………………… Service…………………………………..

Nom……………………………… Service…………………………………..

 

Clés remises à M………………………………………………………………

N°……………. rue…………………………………………………………..

Renseignements en cas de non arrestation :

……………………………………………………………………………….

……………………………………………………………………………….

 

Le Directeur de la Police Municipale

 

Signé : Hennequin (3)

 

§

 

Arrêté du 13 octobre 1942

(Belgique, Nord et Pas-de-Calais)

 

Concernant la déclaration des objets appartenant à des Juifs et gardés actuellement par une tierce personne.

 

  1. Les personnes doivent remettre ces objets à la Kreiskommandantur.
  2. Cet arrêté n’est pas applicable aux administrateurs de biens juifs.

 

Loi du 9 novembre 1942

 

Par mesure de sécurité intérieure, tout étranger juif est astreint à résider sur le territoire de la commune où il a sa résidence habituelle et ne peut en sortir que muni d’un titre de circulation régulier, d’un sauf-conduit, ou d’une carte de circulation temporaire.

 

 

Loi n°1077 du 11 décembre 1942

relative à l’apposition de la mention « JUIF » sur les titres d’identité délivrés aux Israélites français et étrangers.

(source : Journal officiel, 12 décembre 1942, p.4058)

 

Le Chef du Gouvernement,

Vu les actes constitutionnels 12 et 12bis ;

Le conseil de cabinet entendu,

 

Décrétons :

 

Article 1°. Toute personne de race juive aux termes de la loi du 2 juin 1941 est tenue de se présenter dans un délai d’un mois à dater de la promulgation de la présente loi, au commissariat de police de sa résidence ou à défaut à la brigade de gendarmerie pour faire apposer la mention « juif » sur la carte d’identité dont elle est titulaire ou sur le titre en tenant lieu et sur la carte individuelle d’alimentation.

 

Article 2. Les infractions aux dispositions de l’article 1° de la présente loi seront punies d’une peine d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de 100 à 10000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice du droit pour l’autorité administrative de prononcer l’internement du délinquant.

 Toute fausse déclaration ayant eu pour objet de dissimuler l’appartenance à la race juive sera punie des mêmes peines.

 

Article 3. Le présent décret sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’Etat.

 

 Fait à Vichy le 11 décembre 1942.

 

Pierre Laval.

 

§

 

Arrêté du 11 mai 1943

 

 Les contributions volontaires des Juifs à l’U.G.I.F. pourront être prélevées sur leurs comptes bloqués.

 Pour faire face à l’insuffisance des contributions volontaires, les taxations suivantes sont imposées à la communauté.

 Tous les Juifs de 18 ans au moins doivent payer 120 F en zone occupée et 360 F en zone non occupée par an.

 Le paiement de la cotisation sera constaté par l’apposition d’une vignette sur une carte spéciale.

 Les versements peuvent être trimestriels ou semestriels.

 La carte spéciale doit être jointe à la carte d’identité et présentée à toute réquisition.

 

§

 

(1)     Sur le port de l’étoile : malgré les demandes insistantes des autorités allemandes et la complaisance de Darquier de Pellepoix, il ne fut jamais imposé en zone non occupée, même lorsque l’occupation militaire s’étendit à toute la France en novembre 1942. A ce signe ostensible, discriminatoire et humiliant pour les Juifs, le gouvernement de Vichy préféra ordonner, en décembre 1942 l’apposition de la mention « juif » sur les documents d’identité et la carte d’alimentation. Mesure de clémence ? Une mesure en tout cas tout aussi efficace en vue de l’objectif final : la déportation. En outre, des signes inquiétants de solidarité de la population française avec les personnes porteuses de l’étoile se manifestaient en zone nord, surtout quand il s’agissait d’enfants, de voisins, d’anciens combattants…Cela donnait à réfléchir à Vichy, et les Allemands n’insistèrent pas, préférant rester en bonne entente avec la police française… on comprend pourquoi.

 

(2) Sous le titre : L’abondance des Juifs sur les trottoirs parisiens a ouvert les yeux des plus aveugles, le journal collaborationniste « Le Matin » publiait cet article :

 

« Une promenade dominicale… Mais une promenade surprenante, stupéfiante !

 A mesure que vos pas vous conduisent vers l’Hôtel de Ville, par les vieilles rues aux noms qui sentent encore le moyen âge, vous apercevez, de-ci de-là  quelques unes des fameuses étoiles jaunes nouvellement imposées aux Juifs.

 Mais dès que vous pénétrez dans ce qu’on peut appeler le ghetto de Paris, dont l’artère principale est la rue des Rosiers, ces signes distinctifs deviennent plus nombreux. Puis, pour peu que vous persistiez dans vos allées et venues, cela devient une obsession et vous apercevez au bout de peu de temps que vous êtes, vous l’aryen qui ne portez pas l’insigne, l’objet de la curiosité générale.

 Mais quittez ce quartier et gagnez les boulevards. Là, dès les premières heures de l’après-midi, les étoiles apparaissent.

 Seuls ou par petits groupes, les Juifs de Paris se promènent. Ils marchent tous dans la même direction : celle de l’ouest, celle des Champs-Elysées.

 Leur passage devient d’instant en instant plus fréquent. Ils abondent. C’est un véritable pullulement que le vrai parisien contemple avec stupéfaction. »

 

(3)   Les 16 et 17 juillet 1942 eut lieu l’opération dite « Vent printanier » menée par la police française. Des milliers de Juifs parisiens furent arrêtés et internés au Vélodrome d’Hiver et à Drancy dans des conditions inhumaines.

 

Sous le titre « Nos enfants domestiques des Juifs » le journal collaborationniste « Le Pilori » publiait cet article le 23 juillet 1942 :

 

« Une nouvelle stupéfiante nous parvient en dernière heure. A l’instigation de la Croix-rouge française et d’accord avec M. Lamirand, sous-secrétaire d’Etat à la jeunesse, M. Hémon (adjoint de M. de Roscouet, chef du Commissariat au Travail des Jeunes) aurait donné l’ordre formel à divers Centres de Jeunesse de la région parisienne de former des équipes de jeunes gens, d’enfants de quinze ans pour se rendre en uniforme au Palais des Sports (ex Vel’d’Hiv), boulevard de Grenelle, où se trouvent parqués plusieurs milliers de Juifs, afin de procéder au nettoyage de l’immense bâtiment, enlever les ordures des Juifs, traîner les poubelles, transporter sur des civières des malades, s’il y a lieu, colporter les vivres et les ranger, etc., etc.

 Depuis deux jours ce travail honteux a déjà été effectué par quelques centres de Jeunesse. Mais la révolte est venue et aujourd’hui plusieurs chefs refusent de laisser soumettre les jeunes Français qui leur sont confiés à cet odieux servage.

 Il y aura donc du sport au Palais. »

 

 

 Les deux articles cités ci-dessus reflètent l’esprit général de la presse (officielle) de l’époque. Il y a pire. La folie antisémite, protégée par la terreur nazie, s’en donnait à cœur joie, les propos, articles, pamphlets des Céline, Brasillach, Costantini en témoignent. Le rappel de ces ignominies ferait-t-il réfléchir ceux qui, en ce début de siècle, sont tentés de faire à nouveau couler le sang d’innocents ? Certainement pas.

 

 

Mais cela réveillera peut-être ceux –trop nombreux- qui sont fatigués d’entendre ressasser un passé douloureux, ceux-là se feront-ils entendre un jour ? Quand le procès des assassins d’un Ilan Halimi n’est pas rendu public, quand un chef d’Etat prône la destruction de celui d’Israël, quand des enfants de confession juive doivent être accompagnés pour se rendre à l’école, quand des historiens, des hommes politiques ou des hommes d’église réinventent l’histoire à leur façon.

 

 Nous y reviendrons.

 

§

 

 

 

rappel des sources :

 

-  Journaux officiels,

- La persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’ouest présentée par la France à Nuremberg, recueil de documents publié sous la direction de Henri Monneray, substitut au Tribunal militaire international, Paris, 1947,

- Marrus et Paxton.- Vichy et les juifs, Calmann-Lévy 1981,

- Philippe Ganier Raymond.- Une certaine France, l’antisémitisme 40-44.

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