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16/03/2009

L'ennemi est anglo-saxon

Dialogue entre Jacques, Rachid et Olivier-  d’après  « à 100.000 années des Lumières »

 

 

Jacques : Je sais que je vais choquer certains d’entre nous, peut-être même tout le monde. Toi, moi, elle ou lui là-bas, bref : le citoyen français n’a jamais vraiment accepté d’avoir été libéré par un autre. La honte d’avoir été incapable de s’en sortir par soi-même s’est muée en dépit au fil des années. On est passé de la honte à la haine. On me dira «  mais cela fait soixante ans, c’est du passé ». Ah oui, vraiment ? Le passé, parlons-en : le nationalisme, c’est du passé. Jeanne d’Arc, c’est du passé, et pourtant, dans le cœur de l’extrême droite elle n’est pas oubliée, dans le cœur des Français non plus. Les Gaulois, c’est du passé, regardez le succès d’Astérix quand il résiste fièrement à l’envahisseur étranger. Le Premier Empire c’est du passé, la dictature, les guerres sanglantes aussi, et pourtant, pour notre Hugo national, même la retraite de Russie fut admirable, sondez les gens autour de vous… On retient les prouesses. On oublie les cadavres.

 

 Alors soixante ans, comparés aux siècles des siècles… Non seulement le nationalisme n’est pas mort, mais il a fait des dégâts collatéraux. Entre autres, la xénophobie sous ses formes multiples et changeantes.

 

 Imaginez un être absolument étranger à tout ce qui se passe ici-bas, non pas un dieu, n’introduisons pas la religion dans nos affaires, c’est déjà assez compliqué comme ça. Un observateur impartial. Il regarde la France. On lui dit : voilà ce qui s’est passé au vingtième siècle, en dressant la liste de tous les drames qui ont frappé le pays, les guerres en premier lieu, bien sûr. On lui demande : Quels sont les étrangers les moins aimés ? Notre juge répondra : les Allemands. Il aura tort, certes dans certains milieux on les appelle encore les boches, il s’agit là d’une petite haine tout à fait supportable entre voisins de palier. Grave erreur de jugement, car la xénophobie touche principalement l’Anglo-saxon, sous ses formes américaine et britannique. Est-ce le fait du hasard si ce sont les deux peuples à qui l’on doit la libération de la France et de l’Europe?

 

Olivier : N’oublions pas le peuple soviétique.

 

Jacques : Je corrige mes propos : les forces de l’Axe ont été vaincues grâce aux efforts des Alliés dont l’Union Soviétique faisait partie et qui, au prix d’énormes sacrifices a libéré l’est de l’Europe. Quand à la France et à l’Europe de l’ouest, la libération a été le fait des forces britanniques et américaines. C’est ce dernier point qui est au cœur de notre problème. Personne n’aime contracter une dette, surtout quand il s’agit d’une question de vie ou de mort. On peut comprendre la honte, le dépit, la jalousie, la haine même. Quand à justifier ces sentiments, non.

 

Rachid : Je remarque en passant que les Français ont la même attitude vis-à-vis de leurs libérateurs que vis-à-vis des algériens qui furent des alliés courageux de la France pendant la guerre d’indépendance. Les conditions dans lesquelles la France les a accueillis et hébergés, nous autorisent à dire que les Français méprisent les Harkis. Revenons  à l’Amérique : pour toi, Jacques, militant socialiste, est-ce que les Etats-Unis sont toujours des alliés de la France ?

 

Jacques : Oui.

 

Rachid : Est-ce que tes compagnons de lutte, est-ce que les sympathisants, les électeurs socialistes dans leur majorité, est-ce que les Français en général considèrent que les Etats-Unis sont toujours des alliés de la France ?

 

Jacques : Non.

 

Rachid : Approuves-tu l’orientation politique actuelle des autorités américaines ?

 

Jacques : Non.

 

Rachid : Est-ce que les Français –dans leur majorité- l’approuvent ?

 

Jacques : Non.

 

Rachid : Contrairement à la majorité des Français, ton jugement n’est pas le même selon qu’on t’interroge sur les Etats-Unis, ou sur les autorités de ce pays…

 

Jacques : Exact.

 

Rachid : Le mode de vie des Américains du nord, la recherche sempiternelle du profit, la consommation sous toutes ses formes et sans limites, la méconnaissance des problèmes du monde, y compris sa géographie, la malnutrition et ses ravages dans le domaine de la santé, bref la société américaine ne t’effraie pas ?

 

Jacques : Recherche du profit, consommation sans limites, méconnaissance du monde, malnutrition, ravages, voilà bien des mots qui m’effraient. Je les entends décliner chaque matin sur toutes les radios par les commentateurs, repris aussitôt avec complaisance par les humoristes, je les relève dans les quotidiens du soir et du matin, je les entends répéter avec insistance dans les réunions de famille, sur mon lieu de travail, dans les petits commerces de mon quartier, je les ai même entendus à la terrasse d’un MacDonald, jetés comme ça entre deux frites. C’est surtout cela qui m’effraie. Les mots. Les mots sans contenus. Répétés. Surtout quand c’est à la télé qu’on les entend, à l’heure de la becquée, des mots dits par un journaliste de grande audience sur un ton entendu, lui aussi. Des mots relayés par des images venues d’Amérique montrant des personnes obèses, disgracieuses, un gros cigare dans la bouche, et peut-être aussi manipulant des dollars. C’est surtout cela qui m’effraie. La manipulation calculée, préméditée des informations. Images à la Goebbels. On savait depuis longtemps tout le savoir faire de l’extrême droite dans ce domaine. Ce qui est insupportable aujourd’hui, c’est le colportage par des médias qui ont toutes les apparences de la respectabilité, le colportage et l’amplification, la mise en sons et en images des sentiments les plus primaires des individus.

 

 Un professeur me disait : avant de juger le discours, demandez-vous d’où il vient. Il faut renverser le proverbe qui dit que quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. Quand l’imbécile montre la lune, c’est l’imbécile qu’il faut regarder. Quand le journaliste tout sourire nous montre les horreurs au-delà de nos frontières, c’est sur le métier de journaliste qu’il faudrait s’interroger. Pas si bête que ça d’ailleurs, le commentateur : en tapant sur l’étranger, il loue la France, flatte l’auditeur et élargit son audience. Calomniez, en profitant de l’ignorance des gens, il en restera toujours quelque chose, d’autant plus que ce que vous assénez sur son crâne, l’auditeur en est déjà convaincu. Le pauvre ne s’est jamais rendu au Royaume-Uni, mais il sait qu’on y mange mal. On y mange forcément mal pour deux raisons. Une, il n’y a qu’en France qu’on mange bien. Deux, les anglais ont brûlé Jeanne d’Arc.(1) Aucun rapport selon vous ? Vous pensez trop. Les sentiments primaires n’ont rien à voir avec la pensée. Ils ne jugent pas, ils condamnent. Croyez-vous que le xénophobe de base juge la gastronomie britannique en analysant le contenu de l’assiette ? Le dit contenu, il ne s’est jamais mis dans la situation d’en apprécier la qualité. Pour ça, il aurait fallu poser le pied en Angleterre, chose impossible, il y pleut en permanence, on n’y voit rien à cause du brouillard, et on y parle anglais.

 Vois-tu Rachid, ce qui m’effraie, ce n’est ni la société américaine, ni le brouillard londonien, mais la rencontre -riche de tous les dangers- d’Ignorance et de Bourrage de crâne. Pour les dissocier ces deux-là, ça ne sera pas du gâteau.

 

§

 

 

(1) Il serait intéressant de savoir quelle est la part du religieux dans l’anglophobie à la française. N’oublions pas que les britanniques sont majoritairement sous l’influence de la Réforme… et le catholicisme a la dent dure. 

15/03/2009

Coupe de France

-         Dino Morandini passe la balle à Fernando Hernandez qui drible et renvoie sur l’aile pour Mohammed Bensoussan… qui évite la touche. Quel match ! Toufik Hezlaoui et Farid Zetlaoui se replient avec toute la défense girondine. Mais dans les cages, Hartmann est là, qui guette et qui attend… et qui bloque en catastrophe. Long dégagement. Battini. Panatos. Orlando. Ben Saïd, qui franchit la surface de séparation. Battini, toujours lui, Brnstshetz, Bakundé, Ko Aoundé très dangereux de la tête… Oh la la ! L’efficacité bordelaise en contre-attaque. Tir !… au-dessus, de toute façon Rachid Baïkila était à la parade. La foule exulte :

 

-         Rachid ! Rachid ! Rachid !

 

-         Jean-Paul ?

 

-         Oui… le studio ?

 

-         On nous appelle de Marseille, où Yakundé vient de marquer sur un centre de Kerendörffer…

 

-         Ici Marseille. Le public en délire assiste à la résurrection de son équipe, avec quel brio ! Les Strasbourgeois font ce qu’ils peuvent avec Ortega, Sottovicë et Ribanello, mais ne peuvent arrêter le raz-de-marée marseillais. Déjà trois buts grâce à Hoko Béhoué, Sonato Bellinello et l’éternel Yakundé le Magnifique.

 

-         Mais dîtes-moi, ces prouesses sont de bon augure pour la Coupe du monde ! Baïkila, Panatos, Ben Saïd et Yakundé sont d’ores et déjà assurés d’une sélection en Equipe de France ?

 

-         Ici Paris. Oui effectivement.

 

-         Même ceux qui n’ont pas leur carte de séjour ?

 

-         Le décret ne s’applique pas aux sportifs de haut niveau.

 

-         C’est logique. Le général Pétain ne la demandait pas aux tirailleurs sénégalais. Ils participaient aussi à la gloire de la France...

 

-         Excusez-moi de vous interrompre… Lille vient de marquer. Allo, Lille ?

 

-         Ici le stade vélodrome. Sur un tir de Ben Saïd, Bordeaux vient de marquer. Rachid Baïkila était sorti trop tôt, au grand désespoir des supporters qui sifflent et hurlent :

 

-         Rachid ! RE-TOUR-NE-DANS-TON-PAYS !

 

§

13/03/2009

RMI

 

 

 

 Elle est encore jeune, un brin enveloppée et de belle humeur. Le matin à sa fenêtre, elle regarde en souriant les c… qui se rendent au boulot, mal réveillés, crispés sur le volant.

 

 Non, je plaisante. Elle n’est pas à sa fenêtre, elle est encore au lit. A côté d’elle, un hippopotame mâle ronfle à poings fermés. Les enfants chahutent dans la salle de bains, ils seront bientôt prêts. Le plus courageux  frappe à la porte de la chambre, mais se garde bien d’ouvrir, il a compris la leçon, la dernière fois ça lui a valu une torgnole.

 

-         C’est l’heure maman ! 

 

 Le pachyderme ronfle un peu plus fort, se retourne et fait craquer les lattes. La mère baille et s’étire, passe un déshabillé, peste en pataugeant dans l’eau répandue dans le couloir et suit ses enfants jusqu’à la porte d’entrée. La plus grande rattrape par la bandoulière de son sac le tout petit qui se précipitait sur le trottoir. La mère, de loin, jette un oeil sur la petite troupe qui  traverse la rue.

 

 Nul n’est censé ignorer la loi. Cette dame l’a bien compris. Ses droits, elle les connaît jusque dans les moindres détails. Pour le repas de midi, pas de problème : cantine, bons payés par la mairie. Vacances gratuites aussi pour les nombreux enfants de cette famille monoparentale, plus RMI, allocations familiales, je crois n’avoir rien oublié… Ah si, le pachyderme (pas marié) touche aussi le RMI, l’embonpoint l’oblige à se replier sur une activité sédentaire : la Playstation, il paraît que c’est un champion. Quand il s’arrête de jouer, il fait un enfant à sa compagne. Le premier qui me dit qu’ils ne sont pas heureux, je le fusille.

 

 A deux pas de là, il y en a qui ne savent pas où mettre leurs enfants avant l’ouverture de l’école car, été comme hiver, ils partent de bonne heure pour aller faire un ménage ou de la maçonnerie à l’autre bout de la ville. A la fin du mois, la République leur envoie le SMIC. Au-delà du vingtième jour du mois, ils survivent. A midi les enfants mangent des petits sandwiches. Mais quand l’instituteur demande quels sont ceux qui ne participeront pas au voyage, personne ne bronche. La fierté, sans doute.

 

 

 

 

§