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31/10/2009

Salauds de flics !

 

Un jeune motocycliste se tue en moto. Les journaux titrent :

 

LA  POLICE  EST  HORS  DE  CAUSE.

 

Erreur, grave erreur. La victime, car il faut bien appeler les choses par leur nom, la victime était en fuite pour échapper à un contrôle routier. La voilà la vérité, simple et limpide. La police n’est donc pas hors de cause, elle est même à l’origine du drame. Salauds de flics !

 

S’il n’y avait pas eu contrôle routier, le jeune homme serait encore vivant.

Et c’est une leçon pour la société.

 

 S’il n’y avait pas de banques, il n’y aurait pas de hold-up.

 S’il n’y avait pas de verrous, il n’y aurait pas d’effractions.

 S’il n’y avait pas d’argent, il n’y aurait pas de vols.

 S’il n’y avait pas de femmes seules le soir dans le RER, il n’y aurait pas de viols.

 

 S’il n’y avait pas de petits enfants, il n’y aurait pas de pédophiles.

 S’il n’y avait pas de lois, il n’y aurait pas de hors-la-loi.

 S’il n’y avait pas de hors-la-loi,  il n’y aurait pas de tribunaux.

 S’il n’y avait pas de tribunaux, il n’y aurait pas de prisons.

 

 S’il n’y avait pas d’armes, il n’y aurait pas de meurtres,

ça c’est moins sûr.

 S’il n’y avait pas de bénitiers, il n’y aurait pas de grenouilles,

ça c’est hors sujet mais ça fait toujours plaisir.

 S’il n’y avait pas d’alcool, il n’y aurait pas d’alcoolémie et surtout il y aurait moins de voiturettes sans permis pour nous emmerder dans les côtes.

 

 Bref, sans les contrôles routiers, les banques, les verrous, l’argent, les femmes seules, les enfants, les lois, les hors-la-loi, les tribunaux, les prisons, les grenouilles et l’alcool au volant, on serait pénards. Ou presque. Car il reste les hommes, et même sans armes, ils font encore du moto-cross dans la rue à onze heures du soir.

 

§

  

 

Un mot encore. Au cours des flashes d’information le lendemain du drame, et avant l’hommage rendu à un innocent lors de la manifestation silencieuse contre la violence policière, les commentateurs reprennent en boucle le refrain :

 

« La police est définitivement hors de cause, car aucune trace d’éraflure due à un choc avec la voiture de police n’a été relevée sur la moto. »

 

 Ce qui veut dire en clair : si une trace avait été relevée, la police aurait été rendue responsable de la mort du jeune homme. Très éducatif tout ça :

Ne vous arrêtez pas en cas de contrôle routier, sauvez-vous !

 

Vous aurez la famille, les amis, les associations du coin et même les journalistes pour vous défendre. Et en cas de coup dur, ils seront présents pour pleurer le jour de vos funérailles.

 

§

27/10/2009

XII- L'extra-terrestre, sujet tabou

 

Jeudi :

 

 D’habitude, à cette heure matinale tout le monde est debout. Nous sommes plus d’un million dans cette ville flottante et seulement une poignée à arpenter le long couloir qui fait le tour du secteur « Thüringerwald ». J’y retournerai tout à l’heure. Dans la cabine, Jennifer et les enfants dorment profondément. Je ne me sens pas bien. J’écrirai plus tard. Par le hublot c’est noir on ne voit plus rien je vais m’allonger

 

 

Cher ami,

 

 Les quatre lignes que tu viens de lire sont les dernières écrites par Zhu depuis la Terre. Ou plutôt depuis le vaisseau Sesostris qui s’envola il y a cent vingt mille ans (1), emportant par milliers les habitants d’une province de l’Empire, la Saxe. Zhu ne comprit sans doute pas pourquoi plus rien n’était visible par le hublot de sa cabine. Collé contre la vitre aux côtés de sa compagne, il s’émerveillait quelques jours plus tôt en contemplant la planète bleue « havre de l’humanité depuis des millions d’années ». Ils ne savaient pas que plus jamais ils ne la reverraient.

 On sait pourquoi maintenant. Le voyage vers d’autres cieux n’est pas comparable à une excursion en aéroplane, ou même en navette spatiale. La fusée la plus performante, produit de la technologie de l’époque, aurait mis 43 200 ans pour atteindre la région habitable la plus proche du système solaire. Certes, ses occupants auraient eu le temps d’admirer le paysage, de voir leur bonne vieille Terre s’éloigner…

 Je peux te confier que dans quelques dizaines d’années - peut-être en seras-tu le témoin- les astrophysiciens enverront une sonde propulsée grâce à la fusion nucléaire contrôlée. Au terme d’un voyage de cinquante ans à la vitesse moyenne de trente mille kilomètres par seconde, elle passera à proximité d’Alpha du Centaure et enverra des informations aux Terriens. Malheureusement, ce mode de propulsion requiert une grande quantité de combustible: trente mille tonnes d’hélium-3 et vingt mille tonnes de deutérium qu’il aura fallu extraire de l’atmosphère de Jupiter ou de Saturne (2).

 

 La suite du journal de Zhu te confirmera que les civilisations contemporaines à la tienne connaissaient d’autres moyens de déplacement autrement plus performants. La découverte essentielle fut celle du passage par trous de ver. Ce sont des raccourcis qui permettent de passer d’un point de l’espace-temps à un autre. On ne sait qui dans la galaxie est à l’origine de cette découverte. Le saura-t-on jamais ? Toujours est-il : depuis des centaines de milliers d’années (peut-être des millions ?) des civilisations originaires de notre propre galaxie ont parcouru celle-ci en long et en large, tentant même des incursions à l’intérieur du système solaire.

 Je ne t’apprendrai rien en te disant que les Terriens ne leur ont pas toujours fait bon accueil. On est même allé jusqu’à qualifier d’illuminés les témoins d’apparitions de véhicules spatiaux extra-terrestres. Vous avez cru voir des étoiles, des avions, une aurore boréale, un ballon sonde, leur disait-on. Quand on ne les accusait pas d’avoir été victimes d’hallucinations, d’avoir trop bu, ou d’être sous l’effet de tranquillisants. Des pilotes expérimentés d’avions commerciaux ou militaires, dont les observations d’objets volants étranges se déplaçant à des vitesses extraordinaires et changeant brusquement de direction avaient été confirmées au sol par des radars, ont vu leurs témoignages rangés soigneusement dans des placards, classés « secret défense ». Les questions relatives à l’éventualité d’une vie extra-terrestre étaient soulevées parfois dans les médias, mais rarement par des scientifiques ou des personnalités politiques. Ces gens-là sont trop sérieux. Ils ne parlent que de ce qu’ils connaissent, c’est du moins ce qu’on attend d’eux. Désespérément. Le problème des extra-terrestres était limité aux réunions de famille ou entre copains. Domaine privé. Et encore, le premier qui abordait ce sujet frisait le ridicule. On l’écoutait un peu, avec le sourire.

 Il serait trop facile d’imputer ce black-out exclusivement aux religions et aux militaires. Certes, ni le dogme des uns, ni la soif de pouvoir des autres ne supportaient l’idée que l’humanité ne fût plus au centre, ni même seule, au monde. Sujet tabou aussi chez les philosophes, les politiques, les syndicalistes, il y avait tant d’autres problèmes dont l’importance le disputait à l’urgence. Il n’y avait guère qu’artistes et poètes pour vous entendre, et encore, pas tous. Bon. Revers de la médaille, Zhu l’a bien relevé dans son journal :

 

« Ces chiens de garde des vérités officielles … rendus muets par la peur et la honte… sauvent leur peau, emportés dans des objets volants qu’ils s’étaient toujours interdit d’identifier. »

 

§

 

 

(1) Il y a cent vingt mille ans… pour Tchang ! voir chronologie

(2) Heidmann, Vidal-Madjar, Pranzos, Reeves : Sommes-nous seuls dans l’univers ?

 

 

 

 

XI- L'Homme avait déjà été victime d'un accident nucléaire

Cher ami,

 

 Je relis ce que je t’écrivais. Je ne te connais pas. Je suis dans la situation du romancier après la publication de son livre : il ne sait rien de ses lecteurs. Du moins, je l’espère. S’il les connaît, il écrit pour eux, il répond à leur attente, comme un prestataire de services. Il y a ainsi des écrivains pour enfants, pour vacanciers, pour public d’initiés, des écrivains populaires (très mal vus dans les milieux dits intellectuels), des écrivains à la mode, des écrivains qui parlent plus qu’ils n’écrivent, bref il y a de tout. Je préfère les gens qui ignorent quel sera le destin de leurs histoires. Ils sont libres. Quant à moi, où en étais-je ? Oui, je relis ce que je t’écrivais.

 

 J’ignore qui tu es. Et je suis embarrassé. Avant tout, j’espère que tu n’es ni scientifique ni philosophe. Car ces gens de ton siècle se prennent pour des savants. Il est difficile de leur faire admettre l’impossible. Or, les milliers d’années qui nous séparent nous ont enseigné la modestie. Comment avons-nous un jour osé comprendre quoi que ce soit ? Nos ancêtres ont avalé ce que leur proposaient les pires marchands de soupe: sorciers, chamans, mages, prophètes, fabulateurs, magiciens, prêtres et prélats, avant de se ranger à l’avis autorisé de nouveaux propriétaires de compétences, ambassadeurs de la Raison auprès du peuple. Pour ceux-ci, tout s’explique. Ils se mettent en quatre pour nous hisser jusqu’à leur conception du monde. Puis un jour survient un événement inattendu qui remet tout en cause. Et nos doctes s’effacent (au moins les plus malins). Quelquefois, ils mettent plus d’un siècle pour s’effacer. Il y en a encore à ton époque qui croient à la création divine, à la résurrection, à un dessein intelligent qui guiderait l’humanité comme on manipule une marionnette ! Oh ! J’espère que tu n’es pas de ceux-là !

 

 Alors bien sûr, je suis embarrassé par le contenu de ma dernière lettre. Il n’était pas facile de t’annoncer que l’Homme avait déjà été victime d’un accident planétaire quarante mille ans avant toi (1). Une catastrophe qui interrompit la première évolution d’Homo sapiens. Il fallut à celui-ci trente-cinq millénaires pour réinventer l’écriture, reconstituer des sociétés, rétablir des législations, reconquérir le monde. Bref, pour reprendre à zéro le cours de son histoire. Mais je me rassure en me disant que des gens qui croient à la création divine et à la résurrection des morts ne feront aucune difficulté pour admettre que des humains très évolués se sont envolés dans des vaisseaux interplanétaires à la suite d’une explosion nucléaire, trente huit mille ans avant la dite Résurrection.

 

 Pour la deuxième catastrophe -celle dont Zhu a été le témoin- qui interviendra au XXVII° siècle de ton calendrier, aucun de tes contemporains ne pourra me contredire.

 

Tu recevras dans quelques jours la suite du journal de Zhu.

 

Amicalement,

 

Tchang

 

(1) voir Chronologie …

 

§