13/10/2023
Attitudes honteuses, mais non surprenantes
Depuis quelques décennies l’extrême gauche a compris qu’elle avait définitivement perdu ce qui lui restait de faveur du côté de la classe ouvrière. Celle-ci en effet est partie vers d’autres horizons. Trop de blablas, de trahisons, de mensonges dont le plus grave a été de faire croire aux travailleurs qu’un avenir radieux se profilait à l’est.
Alors, s’il n’y a plus de classe ouvrière sur qui compter pour exister, autant s’en inventer une autre, un nouveau prolétariat, de substitution. L’islamisme des banlieues peut jouer ce rôle, il remplit parfaitement le cahier des charges: antioccidental, anticapitaliste (dans les mots), critique radicale du monde judéo-chrétien, héritier idéologique des mouvements de décolonisation... L’islamisme présente aussi des caractéristiques qui conviennent à l’extrême gauche d’aujourd’hui: la haine de la démocratie et de la liberté d’expression, le recours à la violence contre tout ce qui représente l’autorité: la police, l’état, l’armée.
Il y a aussi entre l’extrême gauche et l’islamisme une convergence que l’un et l’autre parviennent de moins en moins à dissimuler: la désignation d’Israël comme symbole d’un monde libre à maudire.
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08/08/2023
Antisémitisme toujours vivant
Tous les prétextes sont bons pour faire du juif le responsable de tous les malheurs du monde. Accusé de tout et de son contraire : propagateur de la peste noire (1), usurier, détenteur du capital, apôtre du communisme, responsable du chômage, dissimulateur, errant, il est nulle part et partout, cosmopolite, comploteur (2), il porte un nom bizarre en tous cas pas de chez nous. C’est en Allemagne dans les années trente qu’il fut le plus représenté. Je veux dire: en images, avec un nez crochu, des griffes au bout des doigts qui enserraient le monde. C’étaient des caricatures bien sûr, qui curieusement, à l’époque n’ont pas indigné grand monde. Le personnage a rendu bien des services à plein de gens : aux dirigeants et actionnaires des groupes industriels, surtout ceux qui produisaient le matériel de guerre, producteurs aussi de fil de fer barbelé et de produits chimiques, aux politiciens d’alors qui s’appelaient « nationaux-socialistes » et qui avaient à cœur de rendre leur patrie aux âmes bien nées, aux gens du terroir, aux gens du cru (3). Bref, si le juif n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer.
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé : des millions de gens, d’enfants surtout, ont appris qu’ils étaient juifs. Des gens qui n’avaient jamais posé le pied dans une synagogue apprenaient qu’ils étaient juifs. Des gens qui ne savaient pas ce que c’était apprenaient qu’ils l’étaient. Les autorités d’alors se montrèrent sur ce sujet extrêmement minutieuses, jusqu’à effectuer des recherches généalogiques compliquées. Quand je dis « les autorités », j’entends des deux côtés du Rhin. Voyez, on critique toujours la nonchalance des Français en montrant l’exemple allemand, sa rigueur, son goût pour l’ordre et les choses bien faites. Le « Made in France » existait dans les années trente et quarante. Il se manifeste encore, bien vivant, ici en France aux deux extrémités de l’éventail politique.
Le ministre de l’intérieur a demandé à ses services “d’instruire la dissolution” d’une association dont le représentant a tenu des propos violemment antisémites. Mon souhait est que cette “instruction” aboutisse. Mais surtout que cette sage décision du ministre soit approuvée par soixante millions de français.
(1) De 1347 à 1350 la peste noire faucha plus d’un tiers de la population de l’Europe.
Les esprits s’interrogeaient, pourquoi ce fléau ?
« Il s’agissait soit d’un châtiment divin, soit des maléfices de Satan, soit de l’un et des autres à la fois, Dieu ayant donné licence entière à son antagoniste pour châtier la Chrétienté. Satan, dans ces conditions, opérait suivant son habitude à l’aide d’agents qui polluaient les eaux et empoisonnaient les airs, et où pouvait-il les recruter sinon au sein de la lie de l’humanité, parmi les miséreux de toute espèce, les lépreux –et surtout parmi les juifs, peuple de Dieu et peuple du Diable à la fois ? Les voici promus, à grande échelle, à leur rôle de boucs émissaires… » (Poliakov)
S’ensuivirent expulsions, pillages, massacres, à tel point écrit l’auteur, que dans certaines villes où les juifs étaient rares ou absents, « des chrétiens qu’on supposait d’origine juive furent, semble-t-il, massacrés à leur place. »
(Léon Poliakov .-Histoire de l’antisémitisme, tome 1, L’âge de la foi, éd. Calmann-Lévy, 1981, pp. 290-294 de la coll. Pluriel)
(2) le thème du « complot juif mondial » n’en est pas resté aux traditionnels Protocoles des Sages de Sion :
« La désastreuse puissance du sionisme juif ne vise pas seulement l’occupation de la Palestine, mais occupe en fait tous les pays de l’Occident, l’économie mondiale, les médias et les organisations internationales et régionales. Il est possible que les sionistes entreprennent de judaïser le christianisme. Cette judaïsation a commencé avec Saint-Paul et s’est poursuivie avec certains papes judaïsés. Aujourd’hui nous sommes arrivés à une situation où le chef de l’Eglise de France est un juif appelé Lustiger. »
(Ahmed Rami, in Al-Shaab du 6 février 1998, cité par Goetz Nordbruch .-La négation de la Shoah dans les pays arabes, in Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman : la dérive)
(3) Brassens : La ballade des gens qui sont nés quelque part ;
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06/11/2017
When the blossom comes to bloom
Pour écrire des notes de voyages, tenir un journal, il ne faut pas que l’émotion soit trop forte. Beaucoup de choses peuvent être racontées, anecdotes, pas toujours amusantes sur le coup d’ailleurs, mais comme le temps passé –surtout en vacances- est toujours joli, il est plaisant de faire partager aux proches et aux amis les épisodes d’une aventure même si elle est un million de fois moins spectaculaire que l’ascension du Mont Blanc sur un seul pied en fermant un œil, expérience non encore tentée mais cela ne saurait tarder au train où vont les choses. Vous rendez-vous compte ? Raconter son voyage dans un pays européen dont les habitants souffrent d’une baisse du pouvoir d’achat, alors que des journalistes intrépides risquent leur vie dans des pays en guerre sans pouvoir toujours rapporter ce qu’ils ont vu ! Jamais je n’oserai.
Seulement voilà : ce pays rongé par la crise sociale mais dont les habitants vivent librement et en paix depuis presque trente ans, ce pays qui connaît autant de problèmes et même plus que la France, ce pays est la Pologne. A Cracovie après la visite du château Wavel, après avoir admiré de là-haut le méandre de la Vistule, après avoir flâné autour du Rynek et pris en photo l’alignement des arcades de la Halle aux draps, après avoir dégusté une pleine assiette de pilorgi, on franchit le fleuve pour se trouver place Bohaterow Getta au milieu des chaises vides. Elles sont en bronze et symbolisent l’absence des personnes qui étaient rassemblées ici lors de la liquidation du ghetto en 1943, avant leur transport vers les camps d’extermination.
C’est ici que le voyage commence, le vrai, celui qui vous transporte. Au-delà de tout, des kilomètres d’autoroute, des plaisirs de la table, de la bière du pays, des temples de la paix de Jawor et Swidnica, des trésors des églises, des promenades le long de l’Oder à Wroclaw jusqu’au Raclawice, cette toile qui raconte sur 120 mètres et 360° l’insurrection de Kosciuszko de 1794, au-delà des Carpates et plus en profondeur que les 125 mètres du sous-niveau Kazanow de la mine de sel de Wieliczka où l’on pouvait déguster la choucroute polonaise après avoir contemplé le bas-relief de la Fuite en Egypte sculpté par les mineurs dans le sel. A Podgorze sur la place Bohaterow Getta nous sommes loin, très loin de l’histoire et de la géologie. Nous sommes loin de tout, cela m’a été confirmé par un professeur qui avait lu beaucoup de livres : il m’a dit que c’était loin tout ça, qu’il fallait passer à autre chose.
Ici le passé a fermé ses portes. Passé le pont Powstancow Slaskich sur la Vistule les professeurs d’histoire, même agrégés, sont condamnés au silence. Nous sommes à des années lumière de Kosciuszko et de la lutte d’un pays pour son indépendance. Ici il n’y a pas de champ de bataille car n’y eut pas de lutte. Les fresques historiques et les livres sont inutiles car les événements qui eurent lieu sur cette place sont indicibles. On peut donner des dates, oser des chiffres, et même prendre des airs sérieux, compatissants, outrés. Mais toujours on restera en deçà de ce que le cœur humain pourrait exprimer s’il avait la parole. Ce ne sont ni des ennemis ni des hors-la-loi qui ont été emportés, mais des gens qui étaient nés.
A little garden,
Fragrant and full of roses.
The path is narrow
And a little boy walks along it.
A little boy, a sweet boy,
Like that growing blossom.
When the blossom comes to bloom
The little boy will be no more.
Écrit par Frantisek Bass, né le 04 septembre 1930, mort à Auschwitz le 28 octobre 1944.
(poème exposé au musée du camp de Theresienstadt à Terezin en République tchèque)
19:11 Publié dans Antisémitisme | Lien permanent | Commentaires (0)