03/01/2012
Un téléphone, avec un homme au bout
Qu’il voyage dans le train ou dans son automobile, il est l’homme du vingt et unième siècle. Il est perpétuellement connecté, relié au monde par un minuscule émetteur-récepteur collé à l’oreille. C’est une sorte de téléphone qui, comme son nom l’indique, relie l’opérateur au monde lointain. Cet appareil a pour effet de couper toute relation avec le monde qui l’entoure. Ce qui peut présenter des avantages quand l’environnement est bruyant ou déplaisant. Des inconvénients aussi, pour les passagers du train, car l’homme peut venir à parler, et parfois très fort de choses qui n’intéressent personne dans le compartiment, peut-être même pas son interlocuteur. Au volant, son attention n’est pas totalement concentrée sur les problèmes de la circulation, il manque de prudence et tente des dépassements audacieux tout en demandant à untel ou une telle des nouvelles et autres choses d’importance qui provoquent chez lui des réactions imprévisibles, imprévisibles surtout pour les autres usagers de la route. Toutefois il ne craint pas les contraventions. Grâce à des dispositifs sophistiqués, il a ce qu’il faut dans la voiture pour éviter les flashes des radars. La vitesse de sa béhème plonge à l’approche des appareils qui lui font une guerre sans merci, guerre dont il sort toujours vainqueur, car sa technologie à lui a des années d’avance sur celle de l’état.
Chez lui il n’y a pas de livres. Où trouverait-il le temps d’apprendre des choses qui n’ont plus cours aujourd’hui, ne sont d’aucune utilité ? Au lieu des livres, sur les murs il y a des écrans. Des images défilent, fugitives. Elles sont accompagnées de sons qui font penser à de la musique, surtout par le rythme, une sorte de boléro de Ravel interminable, mais joué sans instrument si ce n’est le tambour. Des voix humaines parviennent tant bien que mal à se faire entendre entre les coups, elles déclament plus qu’elles ne chantent des mots qu’on ne comprend pas. On m’a dit, je dis bien on m’a dit, que c’est très bien ainsi, car tout n’est pas bon à entendre. Une chose est certaine, il n’est jamais question d’amour. Le sujet est un peu dépassé aujourd’hui, on s’intéresse à la vie sous tous ses aspects, la culture de la rue, l’identité, le vivre ensemble, l’apport inespéré que constitue pour la république les mœurs et les coutumes venus du fond des âges, qui ont l’avantage de remettre bien des choses à leur vraie place.
Il n’est pas resté longtemps sur les bancs de l’école. D’autres l’ont fait avant lui, à qui cela n’a rien apporté. Il l’a bien et vite compris. L’école c’est trop long pour un champion qui fait rapidement le tour des questions et surfe sur tout ce qui bouge. Deux trois copains par-ci, deux trois copains par-là, rien de plus facile que de monter une start-up import-export dans le domaine informatique. C’est tout l’avantage de la chose, le client ne sait pas ce qu’il achète, car en informatique, on ne voit rien, on ne comprend rien, on ne répare rien. Tout est dans des circuits qui ne sont pas visibles à l’œil nu. En cas de panne, on se déplace. Il débranche ses antennes et vous écoute. Pas longtemps. Vous aviez posé un pied dans la boutique, qu’il avait fait le tour du problème. C’est Argus, il a des yeux partout, tous ses circuits sont toujours en alerte, et opérationnels. Vous n’avez pas dit un mot, il sait qui vous êtes, votre âge, celui d’avant l’invention des puces. Il parle doucement, prend un air désolé, avec une pincée de condescendance. L’usure du temps. Votre appareil en est victime, et encore vous avez eu bien de la chance pendant ces trois longs mois. Bien d’autres rendent l’âme dans leur première enfance. Il vous montre celui-ci, il vous montre celui-là qui ne valent pas un pet de lapin, Homo Connexus a du vocabulaire, des clients lui apprennent les finesses de la langue. Résultat, vous devrez à nouveau dépenser une fortune dans une télé, un ordinateur, un appareil numérique pour les photos, un i-quelque chose, fortune qui fera le bonheur de notre homme, et qui explique le côté caverne d’Ali Baba de son espace vital.
Déploiement incroyable de richesses sur les murs. Montagne de technologie provenant des recherches menées dans les laboratoires les plus performants du monde. Produits de la recherche spatiale, de la nanotechnologie, de la physique nucléaire. Si un extra-terrestre entrait dans la boutique, il aurait sous les yeux ce que l’homme, au bout d’un cycle de dix millions d’années, au prix de mille efforts, de travail, d’espionnage aussi et de guerres, il aurait sous les yeux ce que l’homme a su réaliser pour tenter d’établir les communications, et pour devenir esclave de ses propres inventions. Je me dis que tous ces instruments, s’ils rendent parfois la vie plus facile et amusante, ne changent rien à la mentalité de ceux qui les manipulent. J’entends des mots. C’est à l’accueil du magasin. Connexus converse avec son employée, désignant du menton deux personnes qui viennent d’entrer.
Homme du vingt et unième siècle, champion de la modernité, dépositaire d’un savoir sans limite dans tous les domaines de la communication, par fil, sans fil ou par satellite, notre homme toise en ricanant deux personnes qui flânent dans le magasin. Elles se tiennent par la main. Il est homophobe.
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18:35 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : téléphone, informatique, modernité, conformisme, misère intellectuelle, préjugés, homophobie
08/08/2009
Tel à vif
Tel-Aviv (d’après Orange actualités du 02 août 2009)
« L'attaque a fait deux tués, Nir Katz (26 ans) et Liz Tarbishi (17 ans), ainsi que quinze blessés, dont trois grièvement atteints, selon les médecins. (…)
Un inconnu au visage masqué et vêtu de noir a ouvert le feu à l'arme automatique sur un groupe de jeunes de la communauté des gays et lesbiennes à l'intérieur du centre, situé à l'angle des rues Ahad Haam et Nachmani, en plein centre de Tel Aviv, avant de s'enfuir, ont raconté des témoins. (…)
"Pas étonnant qu'un crime pareil puisse être commis, vu l'incitation à la haine contre la communauté homosexuelle", a déclaré aux journalistes le président de la communauté des gays et lesbiennes à Tel Aviv, Maï Pelem. (…)
Il a fait référence aux virulentes agressions verbales des milieux religieux contre l'homosexualité. (…)
En 2005, un Juif orthodoxe avait poignardé trois participants de la Gay Pride à Jérusalem. Il avait ensuite été condamné à 12 ans de prison. » Fin de citation
Mais quand les religions vont-elles nous laisser respirer ? Comment ? Vous dîtes ? La religion n’est pas en cause ?
Des fondamentalistes ?
Des extrémistes ?
Des fous de dieux prenant les écritures à la lettre ?
Mais alors, comment faut-il les prendre les Ecritures ? Avec des pincettes ? Avec de la buée sur les carreaux ? Allons allons, les textes sacrés de ces gens-là sont des commandements, des ordres. Et quand ils n’ordonnent rien –ce qui est rare- ils présentent des modèles (tout habillés ceux-là), ils nous disent où est le bien, où est le mal. Car nous sommes des petits enfants perdus, nous péchons par ignorance, il nous faut des guides, des sorciers, des prêtres, des directeurs de conscience, des imams, des popes, des papes, des sermons, mais quelquefois, car nous sommes incorrigibles, des coups de fouets, des jets de pierre, des décapitations en public, des bûchers, des massacres à la mitraillette, des avions lancés contre des tours abritant 3000 personnes, des fillettes excisées, des femmes lapidées. Il nous faut la mort de Nir Katz (26 ans) et Liz Tarbishi (17 ans), ainsi que quinze blessés, dont trois grièvement atteints.
Voilà, c’était à Tel-Aviv. L’enquête est en cours. Le monstre était masqué et s’est enfui. Comment s’en étonner ? Courage et fanatisme sont des mots qui ne vont pas bien ensemble. A défaut de pouvoir expliquer un geste, on se cache, on s’évanouit dans sa culture, monde irrationnel, noir, uniforme, où l’autre n’existe qu’à genoux, au bout du fusil, enfin sous forme de cadavre, un monde où la raison, la pensée tout simplement ont cédé le pas à la croyance, où la prière conduit au meurtre.
Il faudra bien qu’un jour nos philosophes, nos politiques, nos journalistes cessent de présenter les religions comme des modèles de tolérance, en leur opposant le fanatisme de fondamentalistes qui n’auraient rien compris aux textes. Pas plus que la théorie scientifique de l’évolution, remise en cause par les créationnistes chrétiens américains, pas plus que les droits des femmes bafoués par les propagateurs de l’islam, l’homosexualité n’est soluble dans les dogmes religieux, quels qu’ils soient. Le judaïsme n’échappe pas à la règle.
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12:05 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : israël, homophobie, tolérance, religion, judaïsme