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17/03/2014

Mur des "cons" et indépendance de la justice

 

 La présidente du syndicat de la magistrature a été mise en examen le 17 février dernier, non pas suite à l’action de la garde des sceaux qui n’a pas bougé, mais suite aux plaintes de personnes qui avaient été épinglées sur le mur. Elle avait minimisé l’événement en insistant sur le fait que l’affichage avait été fait dans un lieu privé, et qu’il s’agissait d’un « défouloir », d’une action de « potache », en renvoyant à ce qu’elle nommait « l’ère Sarkozy » « où les magistrats étaient attaqués de toutes parts ». Une belle image de la magistrature, de sa conception de la justice et de son indépendance !  

 Ce que je vais dire maintenant va surprendre, on va dire que j’exagère, que j’évoque des faits qui ne sont pas comparables. Tant pis. 

 Elles sont amusantes ces moustaches griffonnées sous le nez de nos hommes (et de nos femmes !) politiques qui ornent les murs de nos villages. Vous prenez un marqueur, une bombe de peinture et de madame ou monsieur untel, maire, député ou sénateur vous faîtes un terrible dictateur, personne n’y croit, mais c’est divertissant surtout quand on connaît le personnage aux discours si ennuyeux que son pire ennemi ne pourrait le soupçonner de faire un jour de la France une tyrannie. Blague de potache bien sûr, mais comment y échapper, surtout quand on est en groupe et qu’on a envie de rigoler ? 

 A l’autre bout de l’éventail des divertissements dont les hommes sont coupables, il y eut ces femmes et ces hommes transportés dans des charrettes par les nazis, socialistes, démocrates, juifs aussi et surtout, qu’on véhiculait pour les montrer au peuple, pour les désigner comme la lie du genre humain, une façon pour les fascistes de justifier le massacre. Plus tard quand ils sont arrivés ici, on exposait en France à Paris les caricatures de ceux qu’on présentait comme la cause de tous les malheurs, on ouvrait même un musée, une façon de préparer l’extermination de 70000 français.  

 Comparaison exagérée certes, mais… 

 Au syndicat de la magistrature, si des têtes ont été affichées, aucune n’a été mise à prix. On peut même accorder qu’il n’y eut pas la volonté de rendre le « mur » public. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a intolérance, et volonté d’en découdre. Sinon à quoi bon désigner l’ennemi ? Le geste lui-même, celui d’épingler un portrait, n’est-il pas déjà une atteinte aux droits de l’homme ? Et quand ce n’est pas un, mais plusieurs portraits qui sont épinglés, n’est-ce pas une idée qui s’affiche, une conception politique, une idéologie ? N’est-ce pas alors une atteinte à la liberté de penser de ceux qui partagent peu ou prou, ou même pas du tout les idées de ceux dont les portraits sont mis au mur ? Je dis « même pas du tout » car pour parler clair, on peut être de gauche, on peut honnir la droite et sa conception du monde et rester convaincu que la liberté de penser et de dire vaut beaucoup plus cher que toutes les idées politiques si admirables soient-elles. 

 Mais ceux à qui les afficheurs du « mur des cons » ont fait le plus de mal, ce ne sont pas les personnes qui ont été épinglées. Ce sont ces gens qui, comme vous et moi, croyaient encore en l’indépendance de la justice. Comment peut-on encore espérer l’équilibre des deux plateaux de la balance quand les juges –ou une partie d’entre eux- ont choisi leur camp ? Je retiens ces propos de Robert Ménard, clairs et nets, qui valent de long discours : 

« Comme citoyen, je ne peux que m’alarmer à l’idée de pouvoir me retrouver un jour face à un magistrat appartenant à un syndicat qui m’aura donc qualifié de con et l’aura, en l’affichant dans ses locaux, fait savoir à ses adhérents. »

 

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