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09/04/2012

C'est un homme que j'ai rencontré

 

 Pourquoi se rendre à l’autre bout du monde pour rencontrer des hommes ? Il y en a là, tout près. Et des sévères. J’en connais un, immigré des pieds à la tête. Il est blanc avec des grandes moustaches, je soupçonne une origine picarde, je penche pour le pays de Bray. Je l’appelle le marcheur. Vous sortez de chez vous à n’importe quelle heure, vous le rencontrez, il marche. Et toujours sur le même trajet. De chez lui, d’ailleurs je ne sais pas où, jusqu’au supermarché. Ou le contraire, il porte un grand sac lourd avec marqué Leclerc dessus. Où il habite, c’est un mystère. D’ailleurs c’est mieux comme ça. J’imagine.  

 Une grotte, un abri sous roche ? Je penche pour une cabane au fond des bois avec des tôles et de la fumée qui sort de partout. Je vois des animaux, des poules c’est sûr, peut-être un ou deux chiens, des chats tout autour dans les arbres. Je ne vois pas de femme, je ne vois pas d’enfant. Je peux me tromper. L’homme qui marche je l’ai peut-être rêvé, et tout ce que je raconte, ce sont des balivernes, il ne vit ni sous une roche ni dans une cabane. Pourquoi pas un envoyé d’ailleurs, de Proxima du Centaure, venu étudier les hommes ? Non, un extra-terrestre se serait fondu dans le paysage, il aurait fait comme tout le monde, aurait pris sa voiture, une twingo bleue métallisée avec des jantes en alliage, abéesse et gépéesse, et je ne l’aurais pas vu. 

 L’homme qui marche existe j’en suis sûr. Je me rends au supermarché rien que pour le rencontrer, on se salue quand on se croise, et si par pur hasard nous marchons dans le même sens, moi devant, comme il est plus rapide, je sens sa présence et j’entends son souffle dans mon dos. Je me prépare, je joue franc jeu. Je m’arrête, me retourne. Il s’arrête. Un large sourire, nos regards se croisent. Nous échangeons des mots qui n’ont rien de banal, bonjour, bonsoir, ça fait du bien de marcher au soleil, on en a de la chance avec le temps en ce moment, oui, ce sont des mots qui n’ont rien de banal quand ils sont dits par un être qui des pieds à la tête sent bon l’humanité.  

 C’est un homme, un vrai, je le vois dans son sourire. Qu’il habite où il veut, une grotte, une caravane, une hutte, un sous-sol, un étage, c’est un homme qui m’a dit bonjour, et qui le pense. 

 

§

29/09/2010

Un évêque de Varmie, en Pologne, avait un anabaptiste...

... pour fermier, et un socinien (1) pour receveur ; on lui proposa de chasser et de poursuivre l’un, parce qu’il ne croyait pas la consubstantialité, et l’autre, parce qu’il ne baptisait son fils qu’à quinze ans : il répondit qu’ils seraient éternellement damnés dans l’autre monde, mais que, dans ce monde-ci, ils lui étaient très nécessaires.

(1)     Le protestant Socin niait la trinité et la divinité du Christ

 

Voltaire, Traité sur la tolérance

 

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