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25/10/2014

Des escargots et des hommes

 

Un philosophe disait que l'homme vit dans le projet. Vous me direz, la femme a suffisamment à faire dans le présent entre les vaisselles, les lessives, le ménage, les courses, la toilette et l'habillage des enfants sans compter ses occupations professionnelles... bref revenons à l'homme. Vivre dans le projet c'est ce qui distingue l'homme des animaux. Vous n'imaginez pas un escargot se disant: tiens, la pluie menace, je vais faire une petite sortie. Certes il sort, parce que c'est dans sa nature, depuis des millions d'années les escargots sortent après la pluie. Il ne semble pas y avoir chez les mollusques gastéropodes terrestres la moindre trace de progrès que permettrait l'acquisition de connaissances. Coûte que coûte ils continueront à sortir après la pluie, quels que soient les lieux et les conditions de circulation, sans prendre garde aux charrois, aux calèches ou aux automobiles, indifférents au fort taux de mortalité qui les décime. Chez nous (l'homme) au contraire, bien que le progrès et la marche vers le bonheur ne suive pas une courbe invariablement ascendante, il peut arriver que l'histoire donne lieu à des éclairs de génie. On suppose que la pratique du feu fut le résultat d'un long cheminement de la pensée, joint à des facultés d'observation de phénomènes naturels comme la foudre et les incendies de forêt. Allez transposer cela chez les espèces même les plus évoluées de gatéropodes: impensable ! Alors qu'ils subissent la pluie et les orages, la foudre pourrait tomber des milliards de fois autour d'eux, jamais ils n'auront l'idée de produire une étincelle entre deux silex. Idem pour les mammifères. Apparemment ils n'inventent rien, ce qui n'est pas une preuve d'inintelligence, bien au contraire. L'homme ayant déjà tout inventé ou presque, ils n'ont pas à se torturer les méninges, pour ne prendre que l'exemple du feu, le minou pelotonné au pied de la cheminée aurait-il besoin d'aller inventer quelque chose qui existe déjà ?

 

Je parlais de l'homme, capable d'accumuler les acquis et de faire des progrès, il s'agit bien sûr de l'Homme en général. Il y a cinq cent mille ans, il n'y en a peut-être qu'un qui a pour la première fois allumé un feu. Les autres autour, ébaubis, se sont contenté de regarder. Et le pire, comme nous ne disposons d'aucun témoignage écrit, il n'est pas dit que cette découverte fondamentale ne fut pas l'oeuvre d'une femme. Ce qui me fait supposer cela, en dépit de tous les rires alentour, c'est que depuis les origines la femme est cantonnée aux tâches ménagères et qu'à force de faire la cuisine, il n'est pas impossible qu'elle eût l'idée un jour de cuire ce que son chasseur par monts et par vaux rapportait de ses campagnes. Donc les éclairs de génie, l'intelligence, la faculté d'observer, de comprendre et d'exploiter les phénomènes naturels sont propres à l'Homme en général, femme incluse. Je dis en général, car en examinant les choses de plus près, pour certains d'entre nous, la foudre pourrait tomber pendant des millions d'années sans que rien ne change. Je pense en particulier à ceux qui font le coup de feu. Il est plus facile de propulser des engins de mort ou de faire exploser une bombe que d'inventer quelque chose d'extraordinaire. Ce ne sont pas forcément les manipulateurs d'explosifs et les chasseurs du dimanche qui font des étincelles. 

Pour revenir aux mammifères évolués comme les grands singes, il n'est pas impossible qu'un jour ils inventent quelque chose. Pour cela il faudrait qu'ils continuent d'exister, ce qui implique pour l'homme de faire encore quelque progrès. Ne serait-ce pas un pas en avant décisif pour l'humanité de voir un jour les gorilles, les éléphants, les dauphins et les baleines vivre dans le projet ?

 

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10:58 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femme, homme, animal, progrès

09/04/2012

C'est un homme que j'ai rencontré

 

 Pourquoi se rendre à l’autre bout du monde pour rencontrer des hommes ? Il y en a là, tout près. Et des sévères. J’en connais un, immigré des pieds à la tête. Il est blanc avec des grandes moustaches, je soupçonne une origine picarde, je penche pour le pays de Bray. Je l’appelle le marcheur. Vous sortez de chez vous à n’importe quelle heure, vous le rencontrez, il marche. Et toujours sur le même trajet. De chez lui, d’ailleurs je ne sais pas où, jusqu’au supermarché. Ou le contraire, il porte un grand sac lourd avec marqué Leclerc dessus. Où il habite, c’est un mystère. D’ailleurs c’est mieux comme ça. J’imagine.  

 Une grotte, un abri sous roche ? Je penche pour une cabane au fond des bois avec des tôles et de la fumée qui sort de partout. Je vois des animaux, des poules c’est sûr, peut-être un ou deux chiens, des chats tout autour dans les arbres. Je ne vois pas de femme, je ne vois pas d’enfant. Je peux me tromper. L’homme qui marche je l’ai peut-être rêvé, et tout ce que je raconte, ce sont des balivernes, il ne vit ni sous une roche ni dans une cabane. Pourquoi pas un envoyé d’ailleurs, de Proxima du Centaure, venu étudier les hommes ? Non, un extra-terrestre se serait fondu dans le paysage, il aurait fait comme tout le monde, aurait pris sa voiture, une twingo bleue métallisée avec des jantes en alliage, abéesse et gépéesse, et je ne l’aurais pas vu. 

 L’homme qui marche existe j’en suis sûr. Je me rends au supermarché rien que pour le rencontrer, on se salue quand on se croise, et si par pur hasard nous marchons dans le même sens, moi devant, comme il est plus rapide, je sens sa présence et j’entends son souffle dans mon dos. Je me prépare, je joue franc jeu. Je m’arrête, me retourne. Il s’arrête. Un large sourire, nos regards se croisent. Nous échangeons des mots qui n’ont rien de banal, bonjour, bonsoir, ça fait du bien de marcher au soleil, on en a de la chance avec le temps en ce moment, oui, ce sont des mots qui n’ont rien de banal quand ils sont dits par un être qui des pieds à la tête sent bon l’humanité.  

 C’est un homme, un vrai, je le vois dans son sourire. Qu’il habite où il veut, une grotte, une caravane, une hutte, un sous-sol, un étage, c’est un homme qui m’a dit bonjour, et qui le pense. 

 

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08/03/2009

K...K...K...

 

 

 Nous sommes le 8 mars. Traditionnellement le dimanche avant l’arrivée des invités c’est un couple enthousiaste qui nettoie la maison et s’affaire à la cuisine. Les autres jours, Madame s’octroie les travaux ménagers. « S’octroie » est un peu fort. Disons plutôt que par convention, dès les premiers instants de la vie conjugale, on répartit ainsi les responsabilités :

 

 Lui se voit confier les relations extérieures ;

 Elle, les affaires intérieures : ménage, lessive, cuisine, vaisselle, lever, coucher et toilette de la progéniture.

 

 Tous les gouvernements fonctionnent un peu comme cela, à un détail près : pour l’extérieur, un diplomate suffit. Alors que les affaires intérieures font appel au concours de plusieurs ministres : économie, finances, affaires sociales, ordre public, défense du territoire, environnement, instruction publique, anciens combattants, retraités, etc.

 

 Dans un ménage, les titres sont moins honorifiques. Le mari est à l’extérieur, ce qui ne l’empêche pas, entre deux courriers, de donner le coup de main pour l’économie et les finances, signature oblige. La femme remplace les dix à quinze ministres (le chiffre varie selon la taille de la maison et le nombre d’enfants) qui gèrent le pays. Aussi sa tâche est lourde. Même si, compréhensif, Monsieur inclut dans les problèmes extérieurs le jardinage et le balayage de l’allée de garage, au niveau du temps de travail réel, le compte n’y est pas. Alors, pour éviter la crise de régime et son aboutissement politique : le changement de ministre, il faut composer. C’est la deuxième étape.

 

-         Ne pas subir sans réagir ! se dit-elle : premier assaut, celui des opprimés.

 

-         Cédons sur les petites corvées… se dit-il, afin d’éviter le pire.

 

Et le maître des lieux, renâclant mais consentant, se met un jour sur trois à langer un bébé, mettre une casserole d’eau sur le feu, ranger (à fond) le contenu du tiroir à couverts. Peu de choses en fait, mais qui contribuent au dialogue et permettent d’attendre dans la paix les prochaines négociations.

 Celles-ci sont difficiles car les partenaires sont fatigués. Elle, ses yeux cernés la dispensent de longs discours. Lui n’est pas à court d’arguments : il a beaucoup à penser et, débordé par les responsabilités, il sera victime sous peu, de surmenage nerveux et intellectuel, sans parler d’une possible oblitération d’un vaisseau par une thrombose. Il court du téléphone –pour le prêt conventionné- au secrétaire rempli de dossiers et vole au-dessus des enfants sans les voir.

 

-         Ah ! C’est encore occupé !

 

-         Tu appelles pour la maison ? Inutile. Après ma lessive, j’avais cinq minutes avant le premier biberon. J’ai eu la banque. C’est réglé. Ils acceptent le dossier.

 

-         Ah ? Bon… c’est bien.

 

 On a pu dire ici ou là dans les livres, lors de débats télévisés ou en famille entre la poire et le fromage, que si la femme n’avait pas fait de grandes choses dans l’Histoire, c’est qu’elle passait trop de temps à sa beauté. Il serait plus raisonnable de dire qu’une fois réglés les travaux ménagers, il lui restait peu de temps pour tenir de longs discours, chasser le cervidé, diriger des armées. Et puis, les religions étaient là, bien présentes, pour souligner, sur ce ton compassionnel inimitable qui est le leur, toute la beauté de la fonction de mère au foyer. KKK. Kinder, Küchen, Kirchen comme disent nos voisins d’outre-Rhin (pas tous). Enfants, cuisine, église.

 

 Que la femme ait été exclue de la politique, on peut le regretter, car on aurait sûrement fait l’économie de massacres. Et pour faire de grandes choses dans l’Histoire, il aurait fallu qu’elle suive des études, qu’elle consacre du temps à des recherches, qu’elle prenne du recul par rapport aux tracasseries quotidiennes, bref qu’on lui lâche les baskets ! Alors oui, elle aussi aurait pu écrire, composer, philosopher, légiférer, voyager, peindre, sculpter, construire, créer, inventer et inscrire son nom sous les bustes qui ornent nos musées.

 

 Pour vérifier ces suppositions, on pourrait tout reprendre à l’An Zéro, en inversant les rôles : l’homme au ménage, la femme aux commandes. Mais ces sacrés machos, 2000 ans plus tard, seraient foutus de constituer un Mouvement de libération des hommes. Ce qui serait inutile et ferait bien rire ces dames car l’égalité des sexes, d’accord l’idée est généreuse, mais quelle utopie !

 

 

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10:34 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femme, égalité, homme