Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/10/2015

Trotski réveille-toi !

 

 

Le temps est révolu, c’était la grande époque.

 

Oh certes, ils n’étaient pas nombreux,

et n’avaient pas place dans les médias.

 

Mais le nombre n’est pas tout. Il n’est même rien.

La notoriété n’est rien

quand seule compte la conviction

au prix certes d’un trop plein d’assurance, d’une pincée d’intolérance.

 

Mais qui aurait jeté la pierre à ces gens courageux

qui pensaient ce qu’ils disaient,

qui vivaient ce qu’ils pensaient,

qui vivaient conformément à ce qu’ils pensaient,

qui interrompaient leurs études,

qui brisaient leur carrière,

qui rompaient les liens familiaux,

 

pour, aux premières lueurs de l’aube,

 

contre toute attente,

contre courant,

contre parti, syndicat et police associés, parfois aussi

contre ceux qu’ils voulaient défendre,

 

aux portes des usines porter la voix de la révolution,

Révolution qu’ils ne verraient jamais, le savaient-ils ?

 

Qui aurait jeté la pierre à ces gens courageux 

qui combattaient, oui c’étaient des combattants,

qui combattaient pour assurer un avenir à l’humanité

car ils en étaient sûrs, ils l’avaient lu dans les livres :

l’humanité a un avenir

au-delà des guerres, de l’esclavage, de l’exploitation des hommes,

au-delà de la misère,

un avenir qu’ils allaient chercher

contre toute attente,

contre courant,

contre parti, syndicat et police associés et parfois aussi

contre ceux qui n’avaient rien lu dans les livres,

en ces temps où la parole révolutionnaire avait encore un sens.

 

Qui aurait jeté la pierre à ces gens courageux ?

qui n’avaient tué ni maltraité personne,

qui n’étaient que parole,

qui n’avaient qu’une parole,

 

Chacun a le droit de vivre, enfant, femme, homme, noir, blanc, abattons

les frontières,

les dogmes,

les privilèges.

 

Seulement voilà,

 

les pères fondateurs, les grands de grands,

les Karl Marx et Friedrich Engels,

les Lénine et Trotski dorment du sommeil des justes.

Et, tel le peuple élu adorant les idoles en l’absence de Moïse,

nos insurgés ont perdu toute mesure,

et la classe ouvrière, du fond de son jardin n’entendant plus leurs appels,

 

en grand désarroi les révolutionnaires d’un autre âge

cherchent ailleurs logis où se mettre.

Ils prennent tout ce qui passe,

délinquants de banlieue, criminels de guerre, négationnistes, et vont jusqu’à entendre

les sirènes des pires ennemis des libertés.

 

Drapeau rouge en tête, tout ce beau monde passe en cortège

et le Hamas est dans leurs rangs.

 

Trotski, réveille-toi, ils sont devenus fous.

 

 

 

§

17/11/2012

Souffle un peu camarade, le vieux monde est toujours là !

 

 Que sont-ils devenus ces révolutionnaires qui voulaient rétablir la communauté humaine dans ses droits, remettre le pouvoir à ceux qui travaillent, à ceux qui souffrent, libérer la femme, condamner l’usage de l’opium, en combattant les sectes et les religions remparts de l’injustice, instruire tous les enfants du monde, partager les richesses, supprimer les frontières, mettre fin à toutes les guerres, émanciper l’humanité ? Que sont-ils devenus ? Je les cherche partout. Dans les rues, sur les ondes, à la une, à la deux, à la trois, ils ne sont nulle part.  

 Ils se sont métamorphosés. D’où la difficulté de les découvrir. On sait que la cagoule est à la mode, mais voleurs à la tire et terroristes ne sont pas seuls à pratiquer l’art de la dissimulation. Nos cachottiers de l’extrême gauche ne voilent pas leurs visages, c’est leur passé qu’ils escamotent. Ils ont tout oublié. Les enjeux du monde ne seraient pas ce qu’ils sont, on dirait qu’il fallait bien que jeunesse se passe. Cours camarade le vieux monde est derrière toi, c’était avant. Le vieux monde est devant, derrière, partout, et le vieux révolutionnaire embarrassé, las, bedonnant, se demande discrètement si toutes ces gesticulations ne furent pas du bruit pour rien.

  Certains sont devenus architectes, d’autres journalistes. Certains ont rencontré l’islam, d’autres encore produisent du fromage de chèvre. Beaucoup se sont confectionné un nid douillet en politique, ils ont pris la carte d’un parti, de gauche. On a sa conscience de classe, par Saint Marx nom de Dieu ! Sauf dans la vie courante, où l’on s’arrange pour éviter les désagréments liés à la fréquentation du peuple. Pour le choix d’un quartier, d’une école. La mixité sociale, c’est l’avenir, mais pas pour leurs enfants, pas dans l’immédiat. Cela fait partie de ce que leurs maîtres à penser appelaient le programme maximum. Celui-là, pour eux, pour leur famille et leurs biens, ils l’ont assimilé. C’est d’ailleurs le seul programme qu’ils appliquent, de dire qu’on maintient le cap de la lutte finale pour le socialisme, ça ne mange pas de pain. Pour le reste, le pain justement, l’amélioration de la vie quotidienne des travailleurs des villes et des campagnes, ils s’en foutent, mais alors à un point qu’il n’y a pas un superlatif pour en donner la mesure. 

 Les autres, ultra minoritaires, sont restés en gros fidèles à leurs principes. En gros. Car il leur est impossible de parler aujourd’hui de révolution, de dictature du prolétariat, du pouvoir aux soviets, de construction du communisme, quand l’écrasante majorité de la population n’a qu’une idée en tête : s’enrichir. Acheter une maison, un écran plat, un camping car, tondre la pelouse, changer de voiture, s’équiper d’un GPS, se rendre aux sports d’hiver ou en thalassothérapie, cultiver son jardin. Les autres, ceux qui ont tout perdu, emploi, santé, maison, jardin, famille, n’ont plus le cœur à entendre des discours, encore moins à se battre. Comment voulez-vous faire la révolution avec ça ? Putain de peuple ! Il n’est plus comme avant. Désemparés trotskistes, maoïstes, anarchistes ont rasé leurs barbichettes, fait un brin de toilette, et sont devenus de bons républicains tout à fait respectables. Nos révolutionnaires professionnels aujourd’hui, assis sagement dans des salles trop grandes pour eux, abominent le capitalisme, l’impérialisme américain, la finance mondiale, écoutent des discours fleuves et défendent les acquis. L’archipel du Goulag étant passé par là, les gros mots : prolétariat, comités d’usine, soviets, communisme, ne sortent plus de leur bouche. Compatissants, les gens les écoutent et les gratifient de zéro virgule cinq pour cent des voix.  

 On chante encore l’Internationale, mais c’est un chant d’adieu. Comme quand j’étais petit, en nous séparant à la fin de la colonie de vacances. Ce n’est qu’un au revoir mes frères, ce n’est qu’un au revoir. On avait la larme à l’œil. 

 C’est une petite flamme qui s’éteint.

 

§