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16/07/2011

Le jour du quatorze juillet

 

  

 La musique qui marche au pas cela ne me regarde pas. Voilà ce qu’au fond de moi je pense, comme beaucoup de gens pour qui l’armée c’est pour faire la guerre, c’est des violences, des viols, des meurtres, des morts, de la détresse. Le jour du quatorze juillet, bien avant d’entendre la chanson du poète, je restais dans mon lit douillet. Des millions de français n’ont pas attendu le discours pacifiste d’écologistes en campagne pour savoir où mènent les défilés militaires. 

 Seulement voilà. Ces mêmes personnes qui brocardent les défilés militaires ont souvent une conception étrange du pacifisme. J’ai encore en mémoire les slogans de ces manifestants qui hurlaient contre l’installation des fusées américaines Pershing en Allemagne. A quelques kilomètres de là, du côté est, des SS 20 soviétiques, ils ne disaient mot.  

 Quand les troupes soviétiques écrasaient dans le sang les révoltes des peuples hongrois, polonais ou allemands de l’est, certes, les écologistes n’existaient pas encore, mais leurs maîtres à penser n’occupaient pas les boulevards à Paris. Pire, ceux qui en France s’indignaient de voir des ouvriers, des étudiants, des gens épris de liberté réprimés sans pitié par la force des armes et des chars d’assaut, étaient raillés et accusés d’être des agents de l’autre camp. 

 On accuse les forces de l’OTAN de semer la mort en Afghanistan, on était moins bavard quand l’armée rouge occupait le même pays. Ce n’est pas tellement qu’il y aurait de bonnes guerres, et d’autres mauvaises, mais ce sont les belligérants qui sont à maudire ou à excuser selon les cas, surtout selon l’opinion. 

 Quand le terrorisme commet trois mille meurtres en un jour, qu’il promet le paradis aux assassins, qu’il s’en prend aux peuples, aux femmes, aux chrétiens, les discours pacifistes sonnent creux. Aussi creux que ceux qui, le 6 juin 44, auraient appelé à la paix. La paix pour qui ? Pour les nazis ?  

 La paix pour qui, aujourd’hui ? Pour les terroristes ? 

 Pacifisme, d’accord. Mais partout et toujours.  

 

§

 

13/07/2011

Complot

 

 

Synonymes : cabale, conjuration, conspiration, coup monté, intrigue, machination, manigances, menées (d’après © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001) 

 Calomnies, calomnies, il en reste toujours quelque chose. Ces « faits » ne datent pas d’hier. On nous en rabat les oreilles, et là qu’on le veuille ou non, la toile ne fait qu’amplifier les rumeurs. On a commencé par nous faire avaler que le pilote d'une Porsche aurait été l’auteur d’une tentative de viol sur une femme sans défense aux Etats-Unis. Comme par hasard, cet homme, de renommée internationale, était membre de l’opposition en France, et candidat à la présidence de la République, favori de tous les sondages. Sans commentaire. On s’en prend maintenant à une candidate déclarée de l’opposition, je dis maintenant, mais depuis des mois sinon des années, cette femme subit les attaques de partout et de nulle part, attaques allant même jusqu’à laisser supposer qu’elle aurait eu des liens avec un homme qui lui-même aurait eu de mauvaises fréquentations. Pas de quoi en faire un pataquès. On nous dit –qui : on ? Regardez-les ces courageux anonymes- on nous dit quoi ? J’ai perdu le fil. Oui, on nous dit que cette dame boit. Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre ! Si c’était vrai, cela la rendrait presque sympathique dans ce monde envahi par les pisse-vinaigre. Ajoutez à cela, dans sa bonne ville de Lille, une vague histoire de piscine dont les horaires ne conviennent pas à tout le monde… Franchement, dans les annales de la république, on a vu pire.  

 Mais le pire, justement, le voilà : toutes ces choses n’étaient que des rumeurs. L’homme en question (aux mauvaises fréquentations) est introuvable. Non seulement il y a des piscines à Lille, mais il y en a pour tous les goûts et à tous les horaires, pour les hommes et même, tenez-vous bien… pour les femmes ! Quand à la dame en question, il s’agirait d’une madame Aubry, une pure invention de la droite, car cette dame n’existe pas.

 

« La manie d’attribuer à des complots les phénomènes intellectuels et sociaux, idée fixe tournée en dérision quand elle apparaît chez les fonctionnaires du maintien de l’ordre, deviendrait-elle signe de hauteur de vue quand elle se manifeste chez des penseurs socialistes ? Au vrai, les régimes socialistes et apparentés n’ont jamais expliqué leurs oppositions autrement. Pour eux, on le sait, il n’y a pas de divergence sincère par rapport au dogme ni de contradiction légitime portée au pouvoir, qu’elle soit politique, sociale, philosophique, artistique, et même scientifique : il n’y a que des conspirateurs à la solde de l’ennemi, ou des fous. » (1) 

Ainsi s’exprimait Jean-François Revel… il y a 34 ans.  

§ 

(1) La nouvelle censure, un exemple de mise en place de la mentalité totalitaire, Robert Laffont, Paris 1977, pages 257-258 ;

  

 

 

03/07/2011

Le fait est que la raison intervient souvent trop tard

 

 

 Les faits sont têtus ! disait, je crois, Lénine. Mais qu’est-ce qu’un fait ? Si quelque chose s’est passé, pour l’élever au rang d’un fait, il faut que les esprits s’accordent. Or les esprits sont loin de toujours s’accorder. Ce qui est un fait pour Dupont ne l’est pas nécessairement pour Dupond. Quant aux grandes théories, systèmes de pensée et croyances, l’omniscience dont ils se croient investis leur permet d’inventer une réalité qui les arrange. Méfions-nous quand leurs messagers nous parlent de faits avec tant d’assurance. Parmi les millions de gestes, d’actions, de rencontres, de conflits, de catastrophes ou d’heureux événements qui ont lieu le même jour, peu sont élevés au rang de faits. Nous n’accordons d’importance qu’à ce qui nous intéresse. En termes moins aimables, le mot est dit, l’intérêt. Si je ferme les yeux –et les oreilles- à certaines occasions, c’est que le sujet m’indiffère, ou me dérange. D’autres font pire. Pour éviter de mettre en cause un édifice idéologique construit laborieusement au cours des ans, la politique de l’autruche s’impose à des gens très respectables, qui malheureusement disposent d’un pouvoir, dont l’aveuglement risque de fermer les yeux à beaucoup d’autres. (1) 

 Il y a donc les faits qu’on cache, mais aussi ceux qu’on oublie, parce que c’est commode, reposant. Haro sur les commémorations ! C’est vieux tout ça ! A quoi bon ressasser éternellement ces « détails » de l’histoire ? Et ce sont les mêmes qui célèbrent le baptême de Clovis, l’héroïne nationale Jeanne d’Arc livrée à l’ennemi anglo-saxon, ou des cocasseries complètement improbables comme la résurrection d’un homme. Mais que six millions d’innocents périssent dans d’atroces souffrances, il faudrait l’oublier. 

 Plus que les faits, ce sont les préjugés qui sont têtus. Costumes prêts-à-porter, tout faits. Ce fut mon cas il y a quelques jours quand j’ai cru à l’innocence d’une personne parce qu’elle en avait l’apparence. C’était une femme, d’origine africaine, sans beaucoup de ressources, employée d’un hôtel, et sans histoires. Innocence ? Ni d’un côté… ni de l’autre sans doute. Cela m’apprendra qu’en toutes choses, avant de prendre fait et cause pour quelqu’un, il faut raison garder. Et surtout se taire tant que l’événement n’est pas avéré. Les faits bâtis trop vite s’effondrent comme des châteaux de cartes.  

 Mais les cartes sont restées sur la table. Elles nous rappellent qu’il y a dans notre pays des gens : notables, journalistes, politiciens ayant suivi de longues études et dont les discours s’entendent sur toutes les chaînes, qui ne voient dans le harcèlement, et peut-être le viol d’une femme, qu’un simple troussage de domestique, et qui se rassurent en affirmant qu’il n’y a pas mort d’homme. Leur humanisme apparemment ne dépasse pas les limites du sexe qui est le leur, le fort. Et cette jeune femme, si ses mensonges sont avérés, leur aura rendu un grand service, ainsi qu’aux brutes épaisses qui justifient les violences faites aux femmes au nom d’une idéologie réactionnaire, donc par bêtise.

 

 §

 

 (1) Il m’est impossible de ne pas rappeler le silence criminel qui fut celui de nombre d’entre nous quand des millions de soviétiques étaient déportés dans les camps sibériens. Il fallut attendre les premières traductions du Samizdat, les déclarations courageuses de Sakharov, l’exil de Leonid Plioutch, l’œuvre de Soljenitsyne pour que nous sortions la tête du sable. Et pourtant, quarante et cinquante ans après, n’est-on pas en droit d’élever au rang d’un fait l’assassinat de millions d’hommes et les traitements inhumains infligés ? Un fait accompli, malheureusement. Et la raison est intervenue bien tard, trop tard. S’il faut des guerres, des dictatures, de la souffrance pour rendre les hommes raisonnables, c’est à désespérer. En 1989 des larmes coulaient de Berlin à Prague à Varsovie et Budapest. Larmes de joie, larmes. L’effondrement du mur de Berlin, tous les esprits l’accordent, est un fait historique. Mais un fait en cache un autre, plus encore, des millions d’autres, tragiques, s’étalant sur des dizaines d’années, et touchant des millions d’hommes, quand la police politique dans la nuit enfonce une porte et transforme la vie d’une famille en cauchemar, n’est-ce pas là un fait ? Le même jour, la venue à Paris des chœurs de l’Armée rouge faisait l’événement.