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23/01/2012

Après la mort de quatre de nos compatriotes...

 

 

…soldats de l’armée française en Afghanistan, partis et personnalités politiques s’accordent pour faire part de leur émotion, certains adressent leurs condoléances aux familles des victimes.  

 Mais quoi faire maintenant ? J’ai relevé les réactions de ceux qui tiennent le haut du pavé dans les médias, à l’exception de celles des porte-parole du gouvernement qui sont répétées dans tous les journaux : possible retrait anticipé, suspension des activités de formation de l’armée afghane, exigences formulées auprès des autorités pour assurer la sécurité des soldats engagés dans cette mission. Le point de vue officiel du pouvoir est pour le reste assez proche du commentaire du Figaro que je cite. 

§ 

 

Parti communiste français, Paris le 20 janvier 2012 :

« Il aura donc fallu 82 morts dans cette guerre sans issue, ce fiasco militaire et politique pour que les autorités françaises posent la question d’un retour anticipé des troupes françaises. Le parti communiste exige que la France retire immédiatement et de façon accélérée ses propres troupes et agisse pour le retrait de l’ensemble des forces de l’OTAN. » 

Communiqué de Jean-Luc Mélenchon :

« Ce drame souligne plus que jamais l’absurdité de la situation. La France n’a rien à faire dans cette guerre américaine. Nos soldats doivent quitter immédiatement l’Afghanistan. Les gesticulations de Nicolas Sarkozy… » 

Marine Le Pen :

« Nous avons toujours été contre cette guerre en Afghanistan et nous avons à chaque fois déploré que des vies soient perdues dans la défense d’intérêts qui n’étaient pas les nôtres (…). La classe politique tout entière a voté pour l’envoi et le maintien des troupes… »

Marine Le Pen  estime « qu’il faut partir le plus rapidement possible. » 

Communiqué du NPA :

« Cette guerre a fait des milliers de morts parmi les civils afghans soit à l’occasion d’opérations militaires ou des bombardements des armées de l’OTAN. Les estimations du nombre de civils tués depuis dix ans varient entre 8000 et 17000. L’armée française a, en tout cas, participé à de nombreux massacres. Le NPA, qui était opposé à cette intervention militaire, exige le retrait immédiat des troupes françaises. » 

Lutte ouvrière, 20 janvier :

« Quel cynisme ! L’armée française, au côté de l’armée américaine, participe depuis onze ans à une sale guerre dont le seul objectif est la défense des intérêts de l’impérialisme. Ces grandes puissances s’apprêtent aujourd’hui à quitter ce pays –le départ des soldats français est d’ores et déjà programmé pour 2014 –après l’avoir dévasté en déversant leurs bombes et avoir causé la mort de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.

 Alors les soldats français doivent quitter l’Afghanistan tout de suite ! Et cela n’effacera pas –hélas !- tous les crimes commis là-bas par l’impérialisme français. »

 

 Uniformité des réactions chez les extrêmes : sale guerre, sans issue, absurde, intérêts qui ne sont pas les nôtres, dévastation sous les bombes, OTAN et armée française coupables de massacres, milliers de morts, crimes de l’impérialisme. D’une seule voix, de Marine Le Pen à Lutte ouvrière, on réclame, on exige : le retrait immédiat des troupes. Point commun entre ces cinq commentaires : le terrorisme et les talibans ne sont pas évoqués.  

 Dans certains des commentaires suivants non plus, mais… 

…François Hollande :

« Je salue l’engagement et le dévouement, parfois poussés jusqu’au sacrifice ultime, de nos forces armées qui doivent être assurées de notre soutien. 

Je renouvelle ma volonté de retirer nos forces d’Afghanistan, le plus rapidement possible, au plus tard à la fin de l’année 2012, en concertation avec nos alliés. »

Le 22 janvier, François Hollande déclare que « il est temps de se désengager. » 

Eva Joly :

 « Je souhaite que l’ensemble de notre contingent militaire regagne la France le plus rapidement possible. Mais ce retrait ne doit pas se faire dans n’importe quelles conditions, et pour tenter de restaurer la stabilité dans l’ensemble de la région, je propose que la France, dès 2012, organise, avec ses partenaires européens, dans le cadre des Nations Unies, une grande conférence internationale sur l’avenir de l’Afghanistan, avec l’ensemble des pays voisins et partenaires. » 

Le Figaro :

« …l’armée et la police afghanes seront-elles capables de combattre l’insurrection après le départ des forces de l’OTAN ? (…) l’annonce d’un possible départ précipité des forces françaises pourrait accélérer les attaques des talibans, qui attendent que le sol afghan soit « libéré » des forces étrangères pour reprendre le pouvoir, au lieu de les freiner. »

 

 Les points de vue sont plus réfléchis. Ce sont des explications. Il n’est plus question de crimes ni d’impérialisme. Hollande parle même de dévouement, de sacrifice. On soutient les forces armées. Pour le retrait, on a le souci de s’accorder avec l’ensemble des alliés engagés. On est, avec Eva Joly sur le registre du souhait, retrait souhaité, dans le respect des partenariats, au niveau mondial. Le Figaro s’interroge même sur les conséquences dangereuses d’un retrait précipité. On notera que ce dernier commentaire est le seul à évoquer les attaques des talibans.

 

Marielle de Sarnez, invitée d’Itélé :

« Il y a dix ans, la France est allée s’engager en Afghanistan. Je pense que nous avons eu raison d’y aller. Il s’agit d’un des sujets les plus lourds de la sécurité dans le monde. Il y a un désengagement d’ores et déjà programmé (…) Lier un retrait anticipé à la survenue de quelque chose d’abominable est une interrogation. Je ne veux pas donner raison à ceux qui tuent. »

« Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre. »

« La seule question que l’on doit se poser sur le fond est : « est-ce que notre présence là-bas est utile ? » Ce qu’a fixé Barak Obama comme cap de désengagement est une bonne chose. Il faut suivre un calendrier stratégique. » 

 On rappelle ici les origines de la guerre : la sécurité dans le monde, sous-entendu, l’Afghanistan, foyer du terrorisme islamiste. Les mots sont pesés, on croirait entendre la représentante d’un pouvoir en place. On s’interroge après ce nouveau drame, mais avec le souci, face à ceux qui tuent, de ne pas baisser la garde. C’est dit. Clairement. On reste donc dans le cadre de ce qui était convenu avec les alliés. On est loin, très loin des termes xénophobes de lutte ouvrière et Mélenchon (guerre américaine).

 

 Et puisque personne n’évoque la vie en Afghanistan, les changements dans la société…

…cet interview de Shukria Barakzaï, députée afghane et ancienne journaliste (La Croix le 13 janvier 2012) :

« Nous avons été laissées de côté pendant deux décennies (…) Nous étions même punies officiellement, publiquement, socialement, du simple fait d’être des femmes. La violence contre le genre féminin faisait partie de notre culture politique (…)

 La fin du régime taliban a donné aux femmes l’opportunité de montrer de quoi elles sont capables. Elles ont réintégré la vie sociale. Elles vont à l’école, siègent dans les ministères, à l’Assemblée (…)

 C’est vrai que beaucoup d’hommes politiques nous considèrent comme des pots de fleurs au milieu du décor. Il y a d’ailleurs toujours une femme au premier rang quand le président fait un discours public. Pourtant la réalité est bien différente : la population a une autre perception de ses élues.

 Il existe par exemple des districts qui sont seulement représentés par des femmes. Des gens votent pour elles, ce qui est un changement considérable. Le mouvement féministe progresse dans les consciences. La notion d’égalité gagne du terrain.(…) »

 

§ 

 

 Que les proches des victimes de ce crime sachent : ayant des enfants de cet âge, depuis ce jour je n’ai de cesse de penser à eux,  je comprends leur douleur. 

 

 

02/12/2011

Des soldats meurent, et des civils

 

 Les forces armées occidentales tuent des civils. Hier c’était en Irak. Aujourd’hui c’est en Afghanistan et au Pakistan. Les bombes n’épargnent personne. Les armes modernes, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne font pas le détail. Les progrès technologiques ne permettent pas encore aux missiles téléguidés (guidés de loin) de se détourner quand dans leur ligne de tir se présente un enfant, une femme, ou un groupe de personnes qui n’ont rien à voir avec les terroristes. Des soldats meurent aussi. 

 Si tout cela était fini, un triste bilan serait déjà à déplorer.  

 Toutes les guerres engendrent la mort. Même celles qui sont menées pour de bonnes raisons. Je pense aux guerres de libération, celle d’Espagne par exemple qui mobilisa jusqu’aux plus fervents défenseurs des droits de l’homme. Cette guerre fut terrible car au-delà des atrocités, elle donna la victoire aux bandes armées d’un dictateur sanguinaire qui musela un peuple jusqu’à sa mort, et qui ne fut jamais traduit en justice pour les crimes commis. 

 La deuxième guerre mondiale fut déclenchée par le régime nazi qui s’était emparé du pouvoir en Allemagne. Fallait-il abandonner l’Europe, la France, les îles britanniques et peut-être plus encore aux forces de l’ « Axe »?  Le pacifisme est-il possible face aux velléités des fauteurs de guerre ? Ceux qui organisaient la résistance en France savent bien que non. Et les plus radicaux d’entre eux, communistes pour beaucoup, qui n’éprouvaient aucune sympathie pour les « capitalistes » anglo-saxons, attendaient pourtant le débarquement des troupes américaines et britanniques. Troupes à qui l’on doit en grande partie la libération de la France et de l’Europe tout entière. Mais à quel prix ? Les habitants de Caen et de Saint-Lô en savent quelque chose, ceux qui (comme dans ma famille) habitaient près d’un aéroport le savent aussi. Les bombes de 500kg tombaient dans un périmètre de plusieurs kilomètres autour de l’objectif, car pour éviter la DCA, les avions lâchaient leur cargaison de mort à haute altitude.

 Les bolcheviks ? Ils durent leur succès à la résistance acharnée de l’armée rouge face à la coalition rassemblant tout ce que l’Europe comptait de forces réactionnaires. Et quel que soit le jugement que l’on porte quant à la suite de l’histoire, il faut reconnaître que sans l’organisation militaire et la résistance armée du nouveau régime, ce dernier n’aurait pas survécu. En 1918 Lénine s’adresse au Comité exécutif du soviet de Penza:

« Camarades ! Le soulèvement koulak dans vos cinq districts doit être écrasé sans pitié. Les intérêts de la révolution tout entière l’exigent, car partout la « lutte finale » avec les koulaks est désormais engagée. Il faut faire un exemple.

1/ Pendre (je dis pendre de façon que les gens le voient) pas moins de cent koulaks, richards, buveurs de sang connus.

2/ Publier leurs noms.

3/ S’emparer de tout leur grain.

4/ Identifier les otages comme nous l’avons indiqué dans notre télégramme hier. Faites cela de façon qu’à des centaines de lieues à la ronde les gens voient, tremblent, sachent et se disent : ils tuent et continueront à tuer les koulaks assoiffés de sang. Télégraphiez que vous avez bien reçu et exécuté ces instructions. Vôtre, Lénine. » (1)

 Les algériens ? Les vietnamiens ? Les combattants de leurs fronts de libération n’étaient pas des petits anges non plus. Et l’armée de Moselle qui repoussa les contre-révolutionnaires autrichiens ? Ce bon vieux Hoche pacificateur de la Vendée ? Et la Terreur, son Comité de salut public, ses tribunaux révolutionnaires, ses condamnations à mort ? Atrocités qu’il est malvenu de rappeler, parfois…

 La liste est longue des conflits qui ont été menés contre les peuples par des fauteurs de guerre qu’ils soient marchands de canon ou à la recherche de pouvoir politique ou religieux. La liste est longue aussi des atrocités dont se sont rendus coupables les combattants d’une cause nationale, humanitaire ou révolutionnaire.  

 Religieux. Ce ne sont pas les Américains ni les Français, ni les occidentaux qui ont déclenché la guerre en Afghanistan. Vous savez qui. Tout le monde sait qui. Sauf à se voiler la face parce qu’on a peur. On a peur, ici sur notre sol. Mais cette guerre est mal engagée. Les forces en présence sont inégales. Les barbares en face démolissent le patrimoine mondial et tuent tout ce qui bouge. Ils n’ont rien à voir avec le peuple afghan, ni avec aucun peuple. Quelques dizaines de milliers seulement à l’échelle du monde, produits de l’ignorance greffée sur des pulsions primaires. Ceux qui ont peur les suivent. S’ils les suivent, c’est dans l’espoir que les choses changent, car ils sont oubliés par tous les autres. Ils sont des millions. Voilà les raisons de la force de l’adversaire. En outre, la barbarie n’a de comptes à rendre à personne. Elle tue. Silence dans les rangs. Mais qu’un hélicoptère de l’OTAN bombarde des civils, même si c’est par erreur, et c’est toujours par erreur, c’est en occident que les réactions sont les plus vives. Les médias occidentaux, rois du mea culpa. Tout est toujours de notre faute. D’ailleurs nous avons la même façon d’aborder le problème de la délinquance : les jeunes sont morts parce qu’ils étaient poursuivis par la police. Ce sont les délinquants qui sont innocents. Par définition : parce qu’ils sont pauvres. Ce qui est encore à vérifier. Par contre, qu’une policière meure, percutée par une voiture en fuite, on n’en fait ni la une des journaux ou alors pas longtemps, ni une marche silencieuse.  

 L’innocence attribuée par nous-mêmes à nos adversaires procède de notre morale chrétienne : nous attribuer à nous-mêmes l’origine de la faute. 3000 morts à New York : « ça devait arriver… » voilà ce que j’entendis au lendemain du 11 septembre. « …parce que les Etats-Unis l’ont bien cherché. » La tour Montparnasse aurait été visée, on aurait aussitôt fouillé dans notre passé pour y dénicher une éventuelle culpabilité…( le choix est immense entre les conquêtes du roi soleil, les guerres napoléoniennes, les « missions » coloniales, l’Indonésie, l’Algérie…)  

 En outre, cette vieille équation fonctionne encore : capitalisme = misère = terrorisme. Une formule qui déresponsabilise autant le criminel de guerre que le petit délinquant de banlieue. S’il s’en prend à votre portefeuille, ce n’est pas de son fait, la faute en revient à la société. C’est la misère qui s’en prend à vous. On ne va tout de même pas sanctionner la misère ! 

 Ce long détour pour dire quoi ? Pour expliquer quoi ? Qu’à l’annonce de la mort d’un soldat, de la mort d’innocents tués par des armes de pays qui pratiquent la démocratie je ressens de la honte. Oui, j’ai honte et je ne crois pas être le seul. Je suppose que beaucoup de citoyens américains ont dû éprouver ce sentiment en apprenant que les avions de leur pays avaient bombardé Dresde, tuant des dizaines de milliers de civils, en apprenant aussi les bombardements de Hiroshima et Nagasaki.  

 C’est parce que nous accordons une valeur universelle aux droits de l’homme définis par les philosophes, la révolution française, les Nations Unies, parce que nous avons une haute idée de ces droits que nous comprenions la décision d’envoyer des troupes dans un pays menacé par un retour à l’âge de pierre. Que les femmes puissent enfin se montrer, travailler, occuper des postes de responsabilité, que les petites filles puissent aller à l’école, que les libertés publiques soient rétablies, qu’une démocratie s’instaure… voilà ce que nous espérions. Et c’est parce que nous espérions cela qu’aujourd’hui nous sommes déshonorés.  

 

§ 

 

(1) Centre russe de conservation et d’étude de la documentation historique contemporaine 158/1/1/10, propos rapporté par Nicolas Werth dans « Le livre noir du communisme, crimes, terreur, répression » Robert Faffont, Paris 1997

Voir aussi l’article « Le livre noir » dans la catégorie « Totalitarisme »

 

 

 

16/07/2011

Le jour du quatorze juillet

 

  

 La musique qui marche au pas cela ne me regarde pas. Voilà ce qu’au fond de moi je pense, comme beaucoup de gens pour qui l’armée c’est pour faire la guerre, c’est des violences, des viols, des meurtres, des morts, de la détresse. Le jour du quatorze juillet, bien avant d’entendre la chanson du poète, je restais dans mon lit douillet. Des millions de français n’ont pas attendu le discours pacifiste d’écologistes en campagne pour savoir où mènent les défilés militaires. 

 Seulement voilà. Ces mêmes personnes qui brocardent les défilés militaires ont souvent une conception étrange du pacifisme. J’ai encore en mémoire les slogans de ces manifestants qui hurlaient contre l’installation des fusées américaines Pershing en Allemagne. A quelques kilomètres de là, du côté est, des SS 20 soviétiques, ils ne disaient mot.  

 Quand les troupes soviétiques écrasaient dans le sang les révoltes des peuples hongrois, polonais ou allemands de l’est, certes, les écologistes n’existaient pas encore, mais leurs maîtres à penser n’occupaient pas les boulevards à Paris. Pire, ceux qui en France s’indignaient de voir des ouvriers, des étudiants, des gens épris de liberté réprimés sans pitié par la force des armes et des chars d’assaut, étaient raillés et accusés d’être des agents de l’autre camp. 

 On accuse les forces de l’OTAN de semer la mort en Afghanistan, on était moins bavard quand l’armée rouge occupait le même pays. Ce n’est pas tellement qu’il y aurait de bonnes guerres, et d’autres mauvaises, mais ce sont les belligérants qui sont à maudire ou à excuser selon les cas, surtout selon l’opinion. 

 Quand le terrorisme commet trois mille meurtres en un jour, qu’il promet le paradis aux assassins, qu’il s’en prend aux peuples, aux femmes, aux chrétiens, les discours pacifistes sonnent creux. Aussi creux que ceux qui, le 6 juin 44, auraient appelé à la paix. La paix pour qui ? Pour les nazis ?  

 La paix pour qui, aujourd’hui ? Pour les terroristes ? 

 Pacifisme, d’accord. Mais partout et toujours.  

 

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