18/11/2015
S'en prennent-ils à nos valeurs ?
Si l'on tient ce langage, cela revient à dire qu'il y a d'autres valeurs possibles. D'autres façons de concevoir les relations humaines que libres, pacifiques, tolérantes, comme si les valeurs -républicaines ici- pouvaient se concevoir dictatoriales ailleurs, simplement pour satisfaire cette idée qui parcourt les ondes et les écrans et nous fait regarder tout ce qui vient d'ailleurs comme intéressant, teinté d'exotisme, original ?
Si nous envisageons comme acceptable, et même inévitable un mode de vie excluant liberté, tolérance et démocratie, alors envisageons comme possible qu'on exécute une femme adultère, qu'on excise une petite fille, qu'on interdise toute éducation à la moitié de l'humanité, qu'on tue un apostat, et pourquoi pas qu'on persécute les mécréants, qu'on interdise les cultes chrétiens et juifs, qu'on nie la Shoah, qu'on casse des monuments millénaires, qu'on décapite un innocent, qu'on extermine un comité de rédaction, qu'on tue froidement cent trente personnes qui assistent à un concert.
Non, le terrorisme islamique ne s'en prend pas à nos valeurs, ni à la baguette de pain, ni au cru de Bordeaux, au contraire des armées ennemies qui durant notre histoire franchirent nos frontières, ces nouveaux attaquants en veulent à la terre entière, la proie qu'ils cherchent ici est la même qu'ils cherchent ailleurs, c'est l'Homme. Car les valeurs qu'on croit parfois être les nôtres viennent d'un lieu aujourd'hui attaqué de toutes parts, le XVIII° siècle, celui des Lumières. Il est question plus ou moins de rendre facultatif cet enseignement, plus ou moins. Afin de ne pas choquer les âmes sensibles. Certes la lecture du Traité sur la tolérance, des Lettres persanes, des articles de l'Encyclopédie pourraient donner des idées aux enfants, il vaut mieux peaufiner en classe l'éducation religieuse dont ils sont déjà saturés à la maison avant de les abandonner devant un écran où ils peuvent eux aussi manier la kalachnikov.
Les valeurs qu'il faut défendre ne sont pas françaises, elles ne sont pas grecques non plus, ni latines, ni allemandes. Elles sont de partout et de nulle part. La liberté, l'égalité, la fraternité, la démocratie, la laïcité, voilà un trésor qu'il faut défendre. Mais à la différence de l'or et du diamant, ce trésor il ne faut surtout pas le dissimuler, plutôt le mettre à la portée du monde, que chacun, d'où qu'il vienne puisse s'en emparer.
Le terrorisme d'aujourd'hui est religieux, essentiellement religieux. Etonnante cette insistance à innocenter la religion, comme si la religiosité ne pouvait apporter à l'humanité que du positif, de l'amour et la paix. Oublié le massacre des indiens d'Amérique, oubliée l'Inquisition, la persécution des hérétiques, des savants, oubliée la rouelle, oubliés les bûchers, oubliés les massacres de la Saint-Barthélemy, les dragonnades! Et aujourd'hui la persécution des chrétiens d'Orient n'est-elle pas religieuse?
La police et l'armée font leur travail. Il nous reste à serrer les poings, nous qui n'avons d'arme que la parole. Il faut nous en servir, et comme la colère nous envahit, le premier qui soutient qu'il n'y a de dieu que Dieu et que Mohammed est son prophète, on l'empoigne et on le conduit à l'école.
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19/01/2015
Au nom de qui alors ?
Depuis des lustres on nous disait que le terrorisme et son frère de sang l'islamisme étaient les enfants de la misère sociale. L'extrême gauche et une partie de la gauche étaient à la manœuvre. L'ennemi désigné: le capitalisme, et les concepts apparentés: monde occidental, monde de l'argent, des finances, impérialisme -autant que possible américain, un bouc émissaire désigné ne fait jamais de mal, exploitons les instincts primaires xénophobes-, concepts en forme de slogans ramassés adaptables aux calicots, s'élevant parfois haut très haut au-dessus des analyses économiques tranchées, confinant à la morale, condamnant ce monde en déliquescence, dégénéré, qui sombre corps et âme dans le plaisir et la jouissance, quand d'autres hémisphères -il y en a autant que d'associations caritatives- souffrent de tous les maux, de la faim, des épidémies, des dictatures et de la guerre. On nous disait un peu la même chose du féminisme: combat inutile, la femme sera l'égale de l'homme dans la société finale, après la chute du capitalisme et l'extinction de l'état, il fallait que nos copines attendent le Grand Soir, elles pourraient jusqu'alors employer leur temps à combattre aux côtés de la classe ouvrière qui comme on le sait (dans les livres) a toujours été sensible aux revendications féminines.
Et voilà pourquoi aujourd'hui le terrorisme frappe: le Grand Soir se fait attendre... on ne va pas pleurer vu ce qu'il a engendré quand il a eu lieu. Trève de plaisanterie. Ces illuminés, prophètes de l'apocalypse ont mis un bémol à leur antienne. On les entend moins, ou alors en sourdine. Ils condamnent fermement les actes terroristes qui les ont horrifiés. Mazette! Ils y vont fort! Puis silence ou alors simplement: "je suis Charlie". A l'époque, quand Philippe Val au nom de Charlie hebdo était face au tribunal correctionnel, les mêmes faisaient la fine bouche, marmonnant que la publication des caricatures de Mahomet était inopportune, que c'était aller trop loin, que cela contribuait à mettre de l'huile sur le feu, qu'on ne pouvait pas rire de tout -j'entends la même chose aujourd'hui, mais cela vient des musulmans de France, ceux qui sont solubles dans la république. Et c'étaient des révolutionnaires, ces gugusses qui laissèrent Charlie se débrouiller seul face aux religieux? Pour être juste, je me rappelle aussi ces personnalités de gauche et de droite qui se sont déplacées à l'époque, faisant preuve d'un certain courage, car l'opinion n'était pas franchement du côté du droit républicain. Ce n'était pas comme aujourd'hui, Charlie hebdo a envahi les rues, on se balade avec lui sous le bras, les dogmes ne nous ont jamais autant fait rire, disons le tout net, la France a renoué avec ses héros, Voltaire, Montesquieu, Diderot, rétabli le lien avec ses maîtres laïques, à ce qu'on dit...mouais... hum, je tousse.
Donc, nos révolutionnaires se calment peu à peu. Ne rêvons pas. Ils ont encore du grain à moudre. Le capitalisme toujours alerte a d'immenses ressources dans tous les domaines: injustice sociale, chômage, misère en métropole, exploitation des richesses au détriment des peuples, au-delà. Le révolutionnaire aujourd'hui, par rapport au citoyen lambda est un peu dans la situation du petit qui est sage trois jours avant noël. Eux, c'est trois jours après les attentats. Ils ont tellement accepté le règne de la violence dans le passé, allant même jusqu'à faire l'apologie de certaines dictatures qu'il leur est difficile, un siècle après, de condamner absolument, définitivement des actes qui visent qui? qui visent quoi? Ce monde occidental qu'ils abominent eux-mêmes.
Seulement voilà: l'idée selon laquelle la misère sociale est mère du terrorisme et du fanatisme religieux a du plomb dans l'aile. On ne peut plus tenir en 2015 le discours fondé sur la seule analyse économico-sociale. Des millions de personnes vivent misérablement dans ce monde sans plonger dans le terrorisme. Les usines qui ferment, les mines, les villes et villages désertés, les familles victimes du chômage, les commerces fermés, la poste, les écoles qui disparaissent, est-ce que tout cela explique le terrorisme et le fanatisme? Non. Ceux qui s'en tiennent à ce discours le font pour éviter d'affronter le vrai problème, car celui-là est encore plus difficile à résoudre.
Dans sa lettre ouverte au monde musulman, le philosophe Abdennour Bidar écrit:
"Ce problème est celui des racines du mal. D'où viennent les crimes de ce soi-disant "Etat islamique"? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c'est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd'hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre -et il en surgira autant d'autres monstres pires encore que celui-ci tant que tu tarderas à admettre ta maladie, pour attaquer enfin cette racine du mal!
Même les intellectuels occidentaux ont de la difficulté à le voir: pour la plupart ils ont tellement oublié ce qu'est la puissance de la religion -en bien et en mal, sur la vie et sur la mort- qu'ils me disent "Non le problème du monde musulman n'est pas l'islam, pas la religion, mais la politique, l'histoire, l'économie, etc.". Ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le coeur de réacteur d'une civilisation humaine!"
Les intellectuels occidentaux, comme A.Bidar les appelle, sont dans leur majorité prisonniers d'un principe, on peut dire d'un axiome qui a son origine dans la philosophie matérialiste allemande du XIX° siècle, et qui a été formulé magistralement par Marx, que ce n'est pas la conscience qui détermine notre être, mais l'être social qui détermine la conscience. Voulez-vous en finir avec les illusions, croyances et religions? Finissez-en avec l'exploitation de l'homme par l'homme, changez le monde et vous verrez les dieux quitter leur trône! C'est ce même principe qui disculpe les criminels, quand à la barre du tribunal l'être social revient à la surface et que les avocats par milliers, associations et partis cédant à une sociologie séduisante déclarent: le coupable, le seul et le vrai, c'est la société. Une vaste entreprise de déresponsabilisation de l'individu, une machination aux conséquences désastreuses pour les victimes, mais aussi pour les sociétés humaines.
Qu'il soit chômeur ou actif, jeune ou vieux, français de souche ou d'ailleurs, celui qui ne respecte pas la loi est un délinquant, et doit être jugé comme tel. Quant à la religion, de crime en crime, d'atteinte aux libertés fondamentales en pressions idéologiques quotidiennes, la religion reste ce qu'elle est, encore et toujours un opium pour les peuples, et personne en ce jour ne peut plus affirmer qu'elle ne produit pas elle-même ses propres terroristes.
"Pas en notre nom": ces quatre mots auront un sens quand les musulmans d'ici respecteront les lois d'ici, quand leurs édifices cultuels ne bénéficieront plus des deniers publics, qu'ils respecteront la laïcité dans les écoles et lors des sorties éducatives, quand leurs filles assisteront aux cours d'éducation physique, quand ils ne décideront plus des menus dans les cantines, ni des horaires d'ouverture des piscines, quand ils éduqueront leurs enfants dans l'esprit du Vivre Ensemble, en leur expliquant que la démocratie a ses minutes de silence.
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10:44 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : terrorisme, islamisme, islam, religion
29/03/2012
La gauche, l'islam et le droit de vivre
« L’immense majorité des Mohamed, des Fatima ou des Ahmed des cités et des banlieues sont français et ce qu’ils veulent c’est l’égalité, la dignité, la sécurité, un travail et un logement. Ils sont culturellement et religieusement intégrés et leur problème est avant tout d’ordre social et économique. L’histoire de Mohamed Merah renvoie la France à son miroir… »
Ce sont les propos de Tarik Ramadan. Cela ne me choque pas le moins du monde, je vais vous dire pourquoi. Ce raisonnement, je le connais par cœur, vous le connaissez par cœur. Car (à l’exception de la référence au tueur) nous l’entendons tous les jours sur toutes les radios, et aussi par la bouche de nos dirigeants politiques, de gauche.
Certes, à la différence de Tarik Ramadan, nos « sociologues » laissent passer l’orage. Les français ont été choqués, indignés, émus, il serait bien imprudent quelques jours après les crimes de se lancer dans des analyses audacieuses mettant en relation l’événement avec l’ordre économique et social. Ce n’est pas l’envie qui leur manque. Je l’ai souvent relevé ici, un des fléaux qui menacent nos sociétés est cette tendance à déresponsabiliser l’individu. Les responsables ne sont plus les hommes en chair et en os, mais l’histoire, la psychologie, la misère, les quartiers défavorisés, l’illettrisme, l’immigration, la pluie, le verglas, l’alcool, le tabac, les pulsions, le père, le ça, le sexe, l’argent, le capitalisme, la première femme, l’esprit du mal, le diable…mais, signe des temps, jamais l’obscurantisme religieux. Ne cherchez pas, c’est la société qui est responsable.
Le terrorisme est le produit du chômage, de la misère, du désespoir. Une équation qui explique tout, et qui innocente les idéologies dévastatrices en faisant passer les criminels pour des exclus de l’ordre économique et social, des êtres en mal de vivre, des déséquilibrés. On aurait pu dire la même chose des bandes de Roëhm et de Hitler dans les années trente. Il fallait vraiment être dérangé pour torturer ou tuer un être humain parce qu’il était juif. Mais qui d’autre que des déséquilibrés une idéologie comme le nazisme pouvait-elle envoyer dans les rues pour établir sa domination ? Cela n’empêchait nullement les dignitaires du régime de savoir ce qu’ils faisaient et de poursuivre leur objectif avec une logique implacable.
Le tueur de Montauban et de Toulouse était un déséquilibré, admettons. Mais aurait-il commis ces crimes s’il ne s’était pas cru investi d’une mission divine ? Qu’on tourne le problème dans tous les sens, au Soudan, à Gaza, en Libye, en Egypte, en Tunisie, et en France, partout où le droit de vivre est menacé, l’islam est toujours là. Relayé parfois par le néo-nazisme, meurtrier aussi mais plus rare et pour cause, le support religieux fait défaut.
Suggérant que, pour Merah comme pour « l’immense majorité des Mohammed » le problème est avant tout d’ordre social et économique, Ramadan sait trouver les mots qui, à une virgule près, sont les mots de ceux qui dans l’indifférence ou la béatitude aménagent l’arrivée massive de l’islam en occident.
Et comble de l’erreur, ceux qui drapeau rouge en tête se présentent comme les avocats des travailleurs, des jeunes et des chômeurs veulent nous faire oublier qu’ils ont été au pouvoir un jour…sans avoir touché à cet ordre économique et social qu’ils mettent en cause aujourd’hui. Voilà cent cinquante ans que les représentants autoproclamés de la classe ouvrière promettent le grand soir. Cent fois ils ont eu l’occasion de tenir leurs promesses. Cent fois ils ont failli, parfois même trahi. Ces gens-là n’ont rien à voir avec le peuple. On ne peut même plus les qualifier d’aristocratie ouvrière, car ils sont coupés du monde ouvrier. Depuis longtemps ils se sont enrichis, constituent une nomenclature bourgeoise qui vit bien, place ses enfants dans les meilleures écoles, et se donne bonne conscience en feignant un humanisme bon teint, défenseur des pauvres. De la justice sociale prônée par leurs maîtres à penser d’antan, ils font charité, se montrent aux côté des sans papiers, évoquent les quartiers défavorisés et la situation des jeunes et des immigrés avec des sanglots dans la voix, sont inflexibles dans la lutte verbale contre le grand capital, ce diable à l’origine de l’injustice sociale. Leur dernière conquête : l’islam, cette religion des exclus, des pauvres en désespoir de cause. L’immense majorité des Mohamed, des Fatima ou des Ahmed des cités et des banlieues sont français et ce qu’ils veulent c’est l’égalité, la dignité, la sécurité, un travail et un logement. La gauche l’affirme, Ramadan le dit.
Quant à l’immense majorité des Pierre, des Paul et des Ahmed aussi qui ont travaillé dur en mer, sous terre, dans les champs, en usine, dans l’amiante, et qu’un jour on a remerciés, puis oubliés, eux qui jamais n’ont rechigné à se lever tôt pour un salaire ridicule, on y pense à ceux-là ? Ces ouvrières jetées de leur usine pour quelques milliers d’euros, ces jeunes qui n’ont jamais brûlé ni même fracturé une voiture, qui ont suivi un cursus normal à l’école sans emmerder le corps professoral et qui, cinq ou six ans après le bac se voient refuser une emploi chez Mac Donald, ceux-là ne sont-ils pas à plaindre ? Et pourtant, désespérés qu’ils sont, ils ne sont pas assez cons pour rencontrer l’islam.
Messieurs de la gauche, vous nous jouez un film qui n’aura pas le succès escompté. Et même si vous riez en mai, il faudra vous montrer à l’œuvre, et expliquer au peuple qui vous aura élu que la justice sociale, le droit des femmes et la laïcité ne sont pas que des mots jetés sur un programme.
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10:02 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, ramadan, gauche, islamisme, terrorisme