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16/06/2023

Xi et le peuple américain

 

Le dirigeant chinois vient de dire beaucoup de bien du peuple américain. Faut-il s’en étonner comme le font certains journalistes, et penser qu’il y a un tournant positif dans la diplomatie chinoise ? Ce serait oublier les fondamentaux de l’idéologie communiste (stalinienne). Celle-ci s’est toujours présentée comme la représentante des intérêts des peuples du monde. Elle se dit internationaliste. Xi Jinping respecte donc les principes.

 

 Ici en France, ne reprochez jamais à un militant de cette idéologie son antiaméricanisme, il vous rétorquera que ceux qu’il faut combattre ce sont les représentants de l’impérialisme américain, et non les millions de travailleurs qui subissent l’exploitation capitaliste.

 

 Encore que… Dans certains milieux d’extrême gauche il n’est pas défendu de s’en prendre aux américains quand ils ne sont pas de couleur. Dans ce cas, on ne parle plus de travailleurs subissant l’exploitation du capital, mais de blancs racistes.

 

Comme quoi Xi a encore du travail à faire pour convaincre ses frères d’armes en occident que le peuple, c’est tout le monde, quelle que soit la couleur de la peau.

29/08/2020

Esclavage

 

 On sait qui étaient les colonisateurs et les marchands d’esclaves. On le sait. Mais il n’est pas toujours conseillé de le rappeler. Pour plus de détails, il vous faudra quitter la France, et vous rendre au Musée international de l’esclavage. Une exception qui confirme la règle : les Britanniques ne craignent pas de regarder leur passé en face. Le commerce des esclaves faisait escale à Bordeaux, à Nantes et dans ce port du nord de l’Europe : Liverpool. Un grand musée inauguré par l’UNESCO. La traite des noirs, la traversée de l’océan enchaînés dans des cales sombres et humides, la faim, les coups. Tout est dit. S’il fallait juger les auteurs de ce crime, il y en aurait du monde au prétoire ! Les marchands d’esclaves étaient européens, portugais, anglais, espagnols, français, américains du nord et du sud, et …africains. Les petits et grands potentats locaux échangeaient leurs frères de sang contre des armes et autres marchandises de première nécessité. Les uns n’auraient pas existé sans les autres.

 En outre, il faut s’entendre sur l’époque et la région concernées. Prenez la Bible, vous verrez qu’au Proche-Orient, le péché mignon de l’esclavage était l’affaire de gens très bien. Quand à nos Grecs « classiques » leur génie inventif n’a pas mis fin à ce fléau, fort bien justifié par le grand philosophe Aristote :

« Il est donc manifeste qu’il y a des cas où par nature certains hommes sont libres et d’autres esclaves, et que pour ces derniers demeurer dans l’esclavage est à la fois bienfaisant et juste. » (1)

Deux mille trois cent ans après, Engels examine l’esclavage antique :

« Etant donné les antécédents historiques du monde antique, spécialement du monde grec, la marche progressive à une société fondée sur des oppositions de classes ne pouvait s’accomplir que sous la forme de l’esclavage. Même pour les esclaves, cela fut un progrès ; les prisonniers de guerre parmi lesquels se recrutait la masse des esclaves, conservaient du moins la vie maintenant, tandis qu’auparavant on les massacrait et plus anciennement encore, on les mettait à rôtir. » (2)

 Selon le vieil adage « ni rire ni pleurer mais comprendre », le marxisme ne justifie ni ne condamne. Explication froide, examen de laboratoire : l’esclavage était nécessaire. Des mots qui font peur, sortis de l’éprouvette. Eprouvant. (3)

 Le Coran nous en raconte de bien belles aussi sur le sujet.

 Au cours de notre longue histoire, des millions de gens ont su exploiter des millions d’autres, prisonniers, métèques, étrangers, femmes, enfants, millions d’autres qui n’avaient d’autres moyens de survie que leurs jambes pour courir ou leurs bras pour ramer. Quand à la Renaissance, période des grandes découvertes, elle fut celle aussi de la confrontation avec ces êtres sans âmes, auteurs et victimes de sacrifices humains pour qui la soumission au « bon chrétien » fut probablement vécue comme une libération …

 Marchands d’un côté, esclaves de l’autre, arrêtez ! L’affaire est plus compliquée. Elle concerne aussi ceux qui n’ont rien acheté, rien vendu, rien dit. Elle concerne aussi nos pères en l’honneur de qui on pourrait ouvrir un grand musée sur le bon port de Nantes, gratuit, ouvert à tous, avec de grands panneaux explicatifs et des dépliants traduits dans toutes les langues, un musée qu’on pourrait jumeler avec celui que les souverains africains édifieraient sur cette petite île au large de Dakar, que des Hollandais achetèrent aux autochtones et qu’ils baptisèrent du joli nom de « Goede Reede » (La Bonne Rade), petit paradis des commerçants d’esclaves jusqu’au début du XIX° siècle.

§


(1) La Politique, Librairie philosophique J.Vrin, 1977, 1255a


(2) Anti-Dühring (M.E.Dühring bouleverse la science) Editions sociales, Paris, 1963, pp. 213-214


(3) A la décharge du « matérialisme historique », disons qu’il n’a pas le monopole des analyses froides de laboratoire. Jeune diplômé(e) sans emploi, employé(e) de cinquante ans licencié(e), chômeur(se) de longue durée, vous devez mal accepter les propos de ces analystes en chambre (froide) entendus sur les radios chaque matin : « Bien sûr la crise aura des conséquences, et bien évidemment en premier lieu il faut s’attendre à une montée en flèche du chômage… » C’est comme si c’était fait. On n’y peut rien. Il fallait s’y attendre. C’est la loi, la règle, le cours des choses, pourquoi pas la coutume ? C’est écrit. Le destin, la fatalité. Le sort en est jeté, il faudra nous y faire. En plus, il se croit honnête ce chroniqueur, c’est cela le plus révoltant : ce qu’il dit est vrai, tout le monde le sait. Lui le dit et l’explique en noir et en noir encore. Pour les couleurs, il nous faudra attendre la bonne volonté des dieux : un sourire de Wall Street, un bon geste des producteurs d’or noir, un OVNI gigantesque débarquant sur la Terre une montagne de réserves alimentaires (surtout des fruits et des légumes verts).

08/06/2019

75° anniversaire, dialogue

 


 Jacques : Je sais que je vais choquer certains d’entre nous, peut-être même tout le monde. Toi, moi, elle ou lui là-bas, bref : le citoyen français n’a jamais vraiment accepté d’avoir été libéré par un autre. La honte d’avoir été incapable de s’en sortir par soi-même s’est muée en dépit au fil des années. On est passé de la honte à la haine. On me dira «  mais cela fait 75 ans, c’est du passé ». Ah oui, vraiment ? Le passé, parlons-en : le nationalisme, c’est du passé. Jeanne d’Arc, c’est du passé, et pourtant, dans le cœur de l’extrême droite elle n’est pas oubliée, dans le cœur des Français non plus. Les Gaulois, c’est du passé, regardez le succès d’Astérix quand il résiste fièrement à l’envahisseur étranger. Le Premier Empire c’est du passé, la dictature, les guerres sanglantes aussi, et pourtant, pour notre Hugo national, même la retraite de Russie fut admirable, sondez les gens autour de vous… On retient les prouesses, on oublie les cadavres.

Alors 75 ans, comparés aux siècles des siècles… Non seulement le nationalisme n’est pas mort, mais il a fait des dégâts collatéraux. Entre autres, la xénophobie sous ses formes multiples et changeantes.

Imaginez un être absolument étranger à tout ce qui se passe ici-bas, un observateur impartial. Il regarde la France. On lui dit : voilà ce qui s’est passé au vingtième siècle, en dressant la liste de tous les drames qui ont frappé le pays, les guerres en premier lieu, bien sûr. On lui demande : Quels sont les étrangers les moins aimés ? Notre juge répondra : les Allemands. Il aura tort, certes dans certains milieux on les appelle encore les boches, il s’agit là d’une petite haine tout à fait supportable entre voisins de palier. Grave erreur de jugement, car la xénophobie touche principalement l’Anglo-saxon, sous ses formes américaine et britannique. Est-ce le fait du hasard si ce sont les deux peuples à qui l’on doit la libération de la France et de l’Europe?

 Olivier : N’oublions pas le peuple soviétique.

 Jacques : Je corrige mes propos : les forces de l’Axe ont été vaincues grâce aux efforts des Alliés dont l’Union Soviétique faisait partie et qui, au prix d’énormes sacrifices a libéré l’est de l’Europe. Quand à la France et à l’Europe de l’ouest, la libération a été le fait des forces britanniques et américaines. C’est ce dernier point qui est au cœur de notre problème. Personne n’aime contracter une dette, surtout quand il s’agit d’une question de vie ou de mort. On peut comprendre la honte, le dépit, la jalousie, la haine même. Quand à justifier ces sentiments, non.

 Rachid : Je remarque en passant que les Français ont la même attitude vis-à-vis de leurs libérateurs que vis-à-vis des algériens qui furent des alliés courageux de la France pendant la guerre d’indépendance. Les conditions dans lesquelles la France les a accueillis et hébergés, nous autorisent à dire que les Français méprisent les Harkis. Revenons à l’Amérique : pour toi, Jacques, militant socialiste, est-ce que les Etats-Unis sont toujours des alliés de la France ?

 Jacques : Oui.

 Rachid : Est-ce que tes compagnons de lutte, est-ce que les sympathisants, les électeurs socialistes dans leur majorité, est-ce que les Français en général considèrent que les Etats-Unis sont toujours des alliés de la France ?

 Jacques : Non.

 Rachid : Approuves-tu l’orientation politique actuelle des autorités américaines ?

 Jacques : Non.

 Rachid : Est-ce que les Français –dans leur majorité- l’approuvent ?

 Jacques : Non.

 Rachid : Contrairement à la majorité des Français, ton jugement n’est pas le même selon qu’on t’interroge sur les Etats-Unis, ou sur les autorités de ce pays…

 Jacques : Exact.

 Rachid : Le mode de vie des Américains du nord, la recherche sempiternelle du profit, la consommation sous toutes ses formes et sans limites, la méconnaissance des problèmes du monde, y compris sa géographie, la malnutrition et ses ravages dans le domaine de la santé, bref la société américaine ne t’effraie pas ?

 Jacques : Recherche du profit, consommation sans limites, méconnaissance du monde, malnutrition, ravages, voilà bien des mots qui m’effraient. Je les entends décliner chaque matin sur toutes les radios par les commentateurs, repris aussitôt avec complaisance par les humoristes, je les relève dans les quotidiens du soir et du matin, je les entends répéter avec insistance dans les réunions de famille, sur mon lieu de travail, dans les petits commerces de mon quartier, je les ai même entendus à la terrasse d’un MacDonald, jetés comme ça entre deux frites. C’est surtout cela qui m’effraie. Les mots. Les mots sans contenus. Répétés. Surtout quand c’est à la télé qu’on les entend, à l’heure de la becquée, des mots dits par un journaliste de grande audience sur un ton entendu, lui aussi. Des mots relayés par des images venues d’Amérique montrant des personnes obèses, disgracieuses, un gros cigare dans la bouche, et peut-être aussi manipulant des dollars. C’est surtout cela qui m’effraie. La manipulation calculée, préméditée des informations. Images à la Goebbels. On savait depuis longtemps tout le savoir faire de l’extrême droite dans ce domaine. Ce qui est insupportable aujourd’hui, c’est le colportage par des médias qui ont toutes les apparences de la respectabilité, le colportage et l’amplification, la mise en sons et en images des sentiments les plus primaires des individus.

 Quand le journaliste tout sourire nous montre les horreurs au-delà de nos frontières, c’est sur le métier de journaliste qu’il faudrait s’interroger. Pas si bête que ça d’ailleurs, le commentateur : en tapant sur l’étranger, il loue la France, flatte l’auditeur et élargit son audience. Calomniez, en profitant de l’ignorance des gens, il en restera toujours quelque chose, d’autant plus que ce que vous assénez sur son crâne, l’auditeur en est déjà convaincu. Le pauvre ne s’est jamais rendu au Royaume-Uni, mais il sait qu’on y mange mal. On y mange forcément mal pour deux raisons. Une, il n’y a qu’en France qu’on mange bien. Deux, les anglais ont brûlé Jeanne d’Arc.(1) Aucun rapport selon vous ? Vous pensez trop. Les sentiments primaires n’ont rien à voir avec la pensée. Ils ne jugent pas, ils condamnent. Croyez-vous que le xénophobe de base juge la gastronomie britannique en analysant le contenu de l’assiette ? Le dit contenu, il ne s’est jamais mis dans la situation d’en apprécier la qualité. Pour ça, il aurait fallu poser le pied en Angleterre, chose impossible, il y pleut en permanence, on n’y voit rien à cause du brouillard, et on y parle anglais.
Vois-tu Rachid, ce qui m’effraie, ce n’est ni la société américaine, ni le brouillard londonien, mais la rencontre -riche de tous les dangers- d’Ignorance et de Bourrage de crâne. Pour les dissocier ces deux-là, ça ne sera pas du gâteau.

 

§

 


(1) Il serait intéressant de savoir quelle est la part du religieux dans l’anglophobie à la française. N’oublions pas que les britanniques sont majoritairement sous l’influence de la Réforme… et le catholicisme a la dent dure...