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25/03/2025

Le fascisme n'est pas incompatible...

 

 ...avec le fonctionnement capitaliste de la société, loin de là ! Mais quelle société aujourd’hui n’est pas capitaliste ? A part deux ou trois pays dont l’économie est réputée non-marchande (encore à vérifier) et qui ne sont pas des exemples de démocratie, le monde entier est assujetti à l’économie de marché. Le fascisme est donc possible. Sans être inéluctable, heureusement. Car si la société marchande est inégalitaire, elle donne aussi à ses membres les moyens de se défendre, par ses institutions, élections libres, séparation des pouvoirs, liberté d’association en syndicats et partis, droits de grève et de manifestation…

 Si la crise de 1929 a eu des conséquences désastreuses, en particulier en Allemagne par la montée du nazisme, la victoire de celui-ci n’est pas due qu’à la crise économique. Le fatalisme qui revient à dire : capitalisme > risque de krach > fascisme est à revoir concernant l’Allemagne et peut-être aussi l’Italie. Non pas que la crise économique y fut pour rien, mais il ne faut pas écarter les causes politiques, en particulier la stratégie dangereuse des partis ouvriers (communiste et social-démocrate) qui, s’ils avaient surmonté leurs divisions, dans ce pays au prolétariat puissant et organisé, auraient pu au moins établir une démocratie et peut-être même une société socialiste. 

 Stratégie dangereuse des partis, oui. A condition de ne pas écarter la responsabilité des millions d'hommes et de femmes qui, sans être organisés ni même orientés politiquement, n'ont rien dit, rien fait pour empêcher l'irréparable.(1) Certes il fallait être courageux et c'est rassurant de savoir qu'il y en eut des braves gens et des gens braves, autant en Italie qu'en Allemagne, je pense à Albert Kunst dont j'ai déjà parlé!

 Cela me ramène donc à la politique française aujourd’hui : le sort du pays reste entre les mains de ceux dont nous avons fait des gouvernants. Donc entre nos mains.

 

(1) Je renvoie au chapitre "Mais qui est-elle donc?" (Le voyage de Jana, éditions Vérone)

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30/04/2022

La société idéale

 

 Il y a une chose qui réunit tous ceux qui critiquent les sociétés occidentales : jamais ils ne nous dressent un portrait, ni même un aperçu de la société qu’ils proposent. C’est dommage, car les humains que nous sommes vivent dans le projet. Il nous est difficile de croire en quelque chose si nous n’en avons aucune idée.

 C’est la raison pour laquelle les premiers socialistes, au XIX° siècle, avaient conçu leur programme en deux parties: un minimum et un maximum. Le premier était celui qu’on aurait pu qualifier de catalogue des revendications ouvrières de base, salaire, conditions de travail, libertés d’association, de réunion, droit de grève. Le deuxième, celui auquel devait aboutir la lutte finale: la société libérée, où chacun devait recevoir selon ses besoins: le communisme. Les fondateurs du marxisme insistèrent sur la liaison entre les deux: il était difficile pour la classe ouvrière de mener son combat quotidien contre l’injustice si elle n’avait pas conscience que cette dernière était par essence capitaliste. De la critique du capitalisme, la conscience de classe amenait nécessairement les travailleurs à poser comme but suprême de leur combat l’édification d’une société sans capital, sans classes, et finalement sans état, puisque sans opposition ni violence… ni frontières puisque les prolétaires de tous les pays avaient les mêmes intérêts et devaient donc nécessairement s’unir.

 Ces fondateurs du socialisme avaient beaucoup de mérite (et d’imagination) lorsqu’ils dressaient aux travailleurs un portrait -disons: une esquisse- de la société future. La révolution de 1917 allait-elle mettre fin à cette incertitude, allait-elle montrer au monde la beauté de ce nouveau monde, récompense ultime, objectif de tous les combats ouvriers? Un peu, pendant quelques années. Ensuite seulement pour les aveugles et ceux qui ne voulaient rien entendre. La révélation des déportations, des famines, et de l’univers concentrationnaire sibérien montrèrent aux travailleurs du monde que, quelle que soit leur classe, leur parti, leurs idées, les hommes restaient les hommes, avec leur appétit du pouvoir, leur égoïsme et même leur violence.

 Or on entend aujourd’hui à nouveau cette petite musique: le capitalisme est responsable de tout. C’est vrai qu’il est à l’origine de beaucoup de choses, et pas toujours réjouissantes. Ceci dit, on est en droit de se demander s’il y a une alternative. On regarde tout autour, et nulle part nous n’avons un modèle d’une société libre et démocratique non capitaliste. Comme si la liberté de chacun était indissociable de la liberté d’entreprendre.

 Ne fermons cependant aucune porte. Peut-être y a-t-il dans l’esprit des plus ingénus de nos contemporains une idée, un schéma du système social idéal, société juste, sans profit, sans inégalités et sans violence ?

 

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12/03/2019

Etre bourgeois...

 

 

...c’était posséder des biens, ne rien faire de ses mains et tirer profit du travail de l’ouvrier. En gros, le bourgeois était celui qui accumulait un capital en exploitant le travail, d’où le terme plus précis de « capitaliste ».

 Ce dernier existe encore et s’est même enrichi. Il ne fait toujours rien de ses mains, mais survole en classe affaire les cinq continents, manageant de son fauteuil d’immenses entreprises qui produisent tout ce que le cerveau humain est capable de concevoir, pour le meilleur et pour le pire. Le capitaliste d’aujourd’hui accumule un capital sans jamais devoir un jour manipuler une machine ni même mettre le pied dans une usine. Il est hors de portée, parfois même anonyme. Et gare à celui qui –plus téméraire que les autres- oserait passer en revue ses outils de production, revêtant le temps d’une visite le bleu des ouvriers et leur parlant en camarade. Ça ne prend plus. Et quand survient le jour des mauvaises nouvelles à annoncer, il pourrait bien prolonger sa visite barricadé dans un bureau, gardé par trois molosses de la tendance dure jusqu’à satisfaction des revendications.

 A l’instar de l’ouvrière, la classe bourgeoise s’est métamorphosée. On peut être bourgeois sans atelier, sans usine et même sans bureau, sans outil de production ni salarié. Je me demande même s’il n’y a pas ici ou là quelque bourgeois sans le sou. La bourgeoisie n’est pas nécessairement associée à la possession d’un capital, elle est un état d’esprit, une manière d’être. Son origine il faut la chercher dans ce qu’on appelait autrefois l’aristocratie ouvrière, les cols blancs. Si nombre de travailleurs ont été maintenus dans une condition prolétarienne ou pire, rejetés hors du système de production, la majorité d’entre eux s’est enrichie. Suite aux révolutions technologiques, aux lois sociales, aux conquêtes syndicales, la classe ouvrière a changé, nombreux sont les travailleurs qui épargnent, accumulent même parfois un capital, investissent dans une maison, des automobiles, et mènent un train de vie qui aurait été inimaginable il y a un siècle. « Embourgeoisement » est un mot inélégant, péjoratif, presque une insulte, mais qui permet de mieux cerner la personnalité du bourgeois, son état d’esprit, en mettant le doigt là où ça fait mal : sur son origine. Le bourgeois, c’est celui qui ne l’était pas avant, qui est parvenu à un certain statut social, plus confortable, qui possède quelques biens, qui ne travaille plus de ses mains, croyant en des valeurs morales compatibles avec une vie rangée, méfiant vis-à-vis de tout ce qui pourrait bouleverser l’ordre établi. Cette méfiance s’associe chez lui à une certaine lucidité : il ne voit pas le monde à travers les lunettes toujours trompeuses d’une idéologie. Sa lutte finale à lui, c’est l’assurance que son patrimoine sera sauvegardé, si possible augmenté. En politique, s’il réprouve les extrêmes, l’intolérance et le terrorisme, c’est toujours à demi-mot, en catimini et dans des cercles restreints. Chez lui pas de manifeste, pas de revendications, pas de slogan à inscrire sur calicot. On ne verra jamais le bourgeois défiler en hurlant :

 

« Pour la suppression des impôts sur la fortune ! »
« Préservons les inégalités sociales ! »
« Vive la société capitaliste ! »

 

 Ce sont des choses qui ne se disent pas, qui se crient encore moins. Le conservatisme n’est pas un programme, encore moins une fin. Et c’est là toute la force des idées qui, à l’autre bout de l’éventail politique, appellent au changement. En refusant le statut quo elles séduisent, s’expriment, se crient, se développent et mobilisent. La tentation est grande de se ranger du côté de ceux qui promettent le renouveau. Et si le bourgeois est conservateur dans l’âme, il se permet parfois quelque dérapage. Il brave la tradition en prenant -soit par amusement, soit pour se donner bonne conscience- des airs rebelles. Il y a aujourd’hui figurez-vous, des bourgeois de gauche. Ils s’indignent de tout ce qui ressemble à des idées, des postures ou des instances réactionnaires : le racisme, le machisme, l’homophobie, le tout sécuritaire, l’armée, la police, les multinationales, l’impérialisme américain, Eurodisney, l’OTAN, le sionisme, les chaînes d’information privées pour « grand public », ils s’en sont même pris à « Harry Potter »…avant de reconnaître que les enfants des écoles, passionnés par le thème de la magie se mettaient à lire.

 Il y a une chose dont ils ne s’indignent pas : c’est l’incompatibilité entre leur soif affichée de justice et… leur statut social. Qu’un ouvrier se laisse entraîner vers l’idéal communiste, on peut le regretter, mais il n’y a rien à reprocher à une personne dont la situation justifie qu’elle souhaite un partage des richesses. Mais qu’une autre qui dispose de tout, qui habite un quartier tranquille et dispose d’une retraite confortable vienne reprocher à quelqu’un qui n’a rien de tout cela de n’être pas insensible aux sirènes des extrêmes, ou tienne à qui veut l’entendre un discours social, là il y a quelque chose d’insupportable. Bref, parce que je me méfie de tout ce qui est contre nature, le bourgeois je le préfère de droite.


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