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31/05/2011

L'enfer, c'est les autres

 

 Sartre n’était pas chrétien, mais sa parole jetée est à rapprocher de la parabole attribuée à un personnage de l’antiquité plus tard élevé au rang d’un dieu selon laquelle on voit plus facilement la paille dans l’œil de son voisin que la poutre dans le sien.  

 On savait que le français était l’être le plus intelligent du monde, sachant apprécier les meilleurs vins, savourer les plats les plus raffinés, qu’il était le créateur de la plus grande littérature, parlant la plus belle langue, et tout cela au milieu d’un climat bien tempéré, sous une lumière douce révélant le modelé de paysages merveilleux. C’est bientôt le Tour de France et vous allez en profiter. Jusqu’à son armée qui intervient dans le monde dans le seul but de sauvegarder la paix entre les sauvages. Tout cela on le savait, on vous l’a dit et répété(1). 

 Mais ce qu’on ne savait pas, c’est à quel point l’étranger vivait un enfer. Et particulièrement le pire de tous les étrangers : l’anglo-saxon. D’abord il est gros car là-bas on mange mal. D’ailleurs, on ne mange pas. On bouffe. Dans des Mac Machin, car dehors il pleut sans arrêt. Même dans le désert de la mort, car c’est le pays des excès, de l’irrationnel. Ou alors ce sont des tornades. Pour un oui ou pour un non, mais surtout pour de l’argent, leurs femmes vont en justice. Leur armée fait la police partout dans le monde. Ils font et défont les dictatures, comme bon leur semble. Le pire a été le mois de juin 1944 quand ils ont envahi l’Europe. Ils ont laissé pour morts des milliers de bons français sur les plages, ont déporté les autres dans le grand nord canadien, si ! Ou alors ils ont failli le faire, et ils en étaient bien capables. Car, et nos journaux français le rapportaient bien à l’époque, ces gens-là sont manipulés par le lobby sioniste international. Notre chef d’état de l’époque les avait bien identifiés : c’étaient les judéo-anglo-saxons. 

 Ces propos à peine exagérés sont tenus depuis une éternité par des gens très bien, et bien sûr répétés par d’autres, car c’est pour l’esprit plus reposant de répéter que de réfléchir. Pour les gens très bien je pense à Badinter et à Finkielkraut. J’en suis resté sur le c… Un philosophe ? Je suis d’autant plus déçu que j’admire cet homme qui, contrairement à beaucoup de grands esprits, sait dire ce qu’il pense, ose dire ce qu’il faut. Pas cette fois, du moins je l’espère. Car ce qui est en cause aujourd’hui, ce n’est pas la justice, mais l’attitude d’un homme qui, jusqu’à preuve du contraire, s’est rendu coupable d’agression sexuelle sur une femme. Voilà ce qui est en cause. Et pour ma part, ce qui m’a choqué, c’est cela. Et de le voir menotté… à la vérité je ne l’ai pas vu, mais de le savoir et d’entendre les cris d’orfraie de nos journalistes et politiques de gauche et de droite, cela m’a interpellé bien sûr, mais pas étonné. Car nous vivons dans un pays bien latin, avec ses qualités certes, mais aussi quelques défauts, dont celui de considérer la femme comme la compagne de l’homme. Un accessoire, mais très important, nécessaire à la survie de l’humanité, entendons-nous bien. Donc, ce qui m’a choqué, c’est de ne pas -ou très peu- entendre parler de la victime, mais plutôt des menottes, de la presse américaine à scandale, de la justice capitaliste, en des termes d’ailleurs contraires à la réalité. Au point qu’on se demande si le procès, ici en France, ne sera pas celui de l’Amérique.  

 L’antiaméricanisme. D’où vient-il ? Et pourquoi ? Le chauvinisme français lié à la jalousie suffit-il à expliquer le phénomène ? Certainement pas. Des textes des XVIII° et XIX° siècles, bien avant Maurras et le déchaînement collaborationniste, parlent d’un continent où les animaux et les hommes (on pense aux amérindiens) étaient inachevés, comme si l’évolution avait été plus lente que dans l’Ancien monde. Le phénomène est donc très ancien, bien antérieur à Mc Carthy et à Bush. Il n’est pas lié étroitement à la politique américaine, car même quand les américains font les choses bien, il est toujours à flot. Alors j’en reviens à l’idée de la paille et de la poutre, et je me demande si l’américanophobie ne serait pas seulement une posture reposante, pour des gens qui craignent de se voir tels qu’ils sont.  

 Ce n’est pas mon habitude, mais à l’occasion du 06 juin 2011, soixante-septième anniversaire du débarquement des troupes américaine, canadienne et britannique en Normandie, je publierai à nouveau sur ce blog un texte écrit il y a plusieurs années et qui était passé dans les oubliettes. 

 

(1)  ce n’est pas d’un personnage de l’antiquité, mais… vous le connaissez.