29/09/2010
Un évêque de Varmie, en Pologne, avait un anabaptiste...
... pour fermier, et un socinien (1) pour receveur ; on lui proposa de chasser et de poursuivre l’un, parce qu’il ne croyait pas la consubstantialité, et l’autre, parce qu’il ne baptisait son fils qu’à quinze ans : il répondit qu’ils seraient éternellement damnés dans l’autre monde, mais que, dans ce monde-ci, ils lui étaient très nécessaires.
(1) Le protestant Socin niait la trinité et la divinité du Christ
Voltaire, Traité sur la tolérance
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26/09/2010
...puisque les hommes ont des complexions différentes...
« Puis donc que ce rare bonheur nous est échu de vivre dans une république, où une entière liberté de juger et d’honorer Dieu selon sa complexion propre est donnée à chacun, et où tous tiennent la liberté pour le plus cher et le plus doux des biens, j’ai cru ne pas entreprendre une œuvre d’ingratitude ou sans utilité, en montrant que non seulement cette liberté peut être accordée sans danger pour la piété et la paix de l’état, mais que même on ne pourrait la supprimer sans détruire la paix de l’état et la piété. »
Cette œuvre utile et sans ingratitude à l’égard de la liberté de penser accordée par la république (1), c’est le traité Théologico-politique dont l’auteur est Spinoza (2).
Comment le religieux peut-il s’accorder avec la tolérance ? Le philosophe s’étonne de voir des hommes pieux, qui professent la religion chrétienne, l’amour, la joie et la paix, se haïr, se combattre avec une incroyable ardeur malveillante.
Il y a trois siècles et demi, cet homme qui, au milieu des guerres religieuses, défendit une certaine idée de la liberté et de la tolérance –jusqu’à être exclu de la communauté israélite d’Amsterdam- cet homme donc, s’étonnait. Au point qu’il fut persécuté par les tenants du dogme. Car on commence par s’étonner, on s’interroge, on réfléchit, on peut même aller jusqu’à philosopher. Pour les détenteurs de vérité, qu’ils soient gardiens des ordres religieux, moral ou politique, quoi de plus insupportable que l’étonnement d’un homme ? Respectueux des Ecritures, Spinoza ne considérait pas celles-ci comme un recueil de préceptes, il doutait même que Moïse fût l’auteur du Pentateuque et Josué l’auteur du livre du même nom. Mais peu importait pour lui, ces livres témoignaient de la foi des hommes à une époque et dans un espace déterminés, ce qu’il fallait en retenir, c’est que les hommes ne seraient pas jugés pour leur obéissance à ce qui est écrit, mais pour leurs œuvres. Qu’avant de considérer les Ecritures comme vraies et divines, on ferait bien de les examiner à la lumière de la raison, ce qui ne nuirait nullement à la piété, mais permettrait au contraire à la foi de l’emporter sur le dogme.
« En outre puisque les hommes ont des complexions différentes et que l’un se satisfait mieux de telles opinions, l’autre de telles autres, que ce qui est objet de religieux respect pour celui-ci excite le rire de celui-là, je conclus encore qu’il faut laisser à chacun la liberté de son jugement et le pouvoir d’interpréter selon sa complexion les fondements de la foi, et juger de la foi de chacun selon ses œuvres seulement, se demandant si elles sont conformes ou non à la piété, car de la sorte tous pourront obéir à Dieu d’un entier et libre consentement et seules la justice et la charité auront pour tous du prix. »
(Spinoza.- Traité théologico-politique)
Quelle leçon de tolérance ! Ce texte a 350 ans. Il aurait pu être écrit aujourd’hui, ici en France, en Belgique ou en Irlande, où si l’on jugeait les religieux selon leurs œuvres, on verrait qu’elles ne sont pas toujours conformes à la piété. Comment aussi ne pas penser à ces chrétiens algériens obligés de se cacher pour casser la croûte, et condamnés pour n’avoir pas respecté le ramadan ?
Il y a trois siècles et demi, Spinoza fut le témoin des luttes fratricides entre les sectes, les factions et autres cabales religieuses. De ces guerres, nous sommes encore les témoins aujourd’hui. Moines massacrés, chrétiens accusés de ne pas pratiquer la religion majoritaire, imams menacés pour avoir fréquenté des juifs, tombes musulmanes, juives ou chrétiennes profanées, croix renversées, synagogues incendiées, menaces de mort contre des femmes, des intellectuels, des états, en application de chari’as (« chemin à suivre » !).
Qu’aurait-il dit, notre philosophe aujourd’hui ? Dans le brouillard qui s’est abattu depuis quelques années sur nos démocraties flageolantes, au milieu de ces discours sans âme et sans force qui nous sont diffusés par des femmes et des hommes pour qui rien ne compte que la poursuite d’une carrière pour le gain d’une place au panthéon de la république, alors que leurs faits d’armes n’ont même pas le poids d’un porte-plume et sont ridicules comparés aux prouesses de ceux qui ayant perdu la vie pour sauver la liberté ou la république, n’ont droit qu’à un nom accroché au coin de la rue et encore pas toujours, dans ce brouillard impénétrable où tout se vaut, où les pires idéologies qui ont conduit dans le passé à commettre tant de crimes et qui continuent d’en commettre à quelques heures d’avion ou pire sur notre sol, ces idéologies guerrières qui n’ont de religieux que le nom, qui deviennent des sujets de conversation intéressants dignes de débats feutrés sur les plateaux de télé, dans ce brouillard où celui ou celle qui tente de dire ce qu’il pense passe pour un amuseur, un farfelu, un gêneur, ou ce qui est plus grave pour un représentant de l’extrême droite, il n’y a pas si longtemps à deux mille kilomètres d’ici on disait ennemi du peuple, dans ce brouillard donc, il est permis de se demander si le grand philosophe du XVII° siècle aurait eu le loisir de s’exprimer sans provoquer rictus, quolibets ou pire, sans être sous la menace d’une condamnation à mort.
Car ce que ces gens n’acceptent pas, c’est la séparation entre ce qui relève de la foi et ce qui relève de la raison. Ils ne supportent pas que le religieux reste campé dans le domaine privé. Ils veulent « ouvrir » la laïcité. Mais elle l’est déjà, ouverte, la laïcité, puisqu’elle permet à tous de se réunir, d’exister, de s’instruire, quelles que soient les opinions de chacun ! Alors, l’ouvrir à qui, l’ouvrir à quoi ? Hormis le peuple, je ne vois pas à qui on pourrait l’ouvrir. Si ce n’est à ceux pour qui l’école est un danger tant qu’elle n’est pas entre leurs mains. L’insistance avec laquelle Spinoza maintient qu’il faut laisser à chacun la liberté de son jugement, ce qui doit être le principe de tout éducateur, donc le pilier de la laïcité, n’a d’égale que l’insistance avec laquelle il affirme la différence entre les deux types de connaissance :
« Ayant ainsi fait connaître les fondements de la foi, je conclus enfin que la connaissance révélée n’a d’autre objet que l’obéissance, et est ainsi entièrement distincte de la connaissance naturelle, tant par son objet que par ses principes et ses moyens, que ces deux connaissances n’ont rien de commun, mais peuvent l’une et l’autre occuper leur domaine propre sans se combattre le moins du monde et sans qu’aucune des deux doive être la servante de l’autre. »
(Spinoza.- Traité théologico-politique)
Je retiens ces leçons du philosophe, qu’il faut
…laisser à chacun la liberté de son jugement…
…laisser à chacun le pouvoir d’interpréter selon sa complexion les fondements de la foi…
…obéir à Dieu d’un entier et libre consentement…
…et aussi, mais le philosophe pouvait-il le dire en son temps et son pays : n’obéir qu’à la raison, à sa voix intérieure, à sa conscience. Penser et vivre sans dieu, en honnête homme, sans empêcher pour autant les autres de croire.
(1) les Pays-Bas au XVII° siècle ;
(2) Spinoza (Baruch de) (Amsterdam, 1632 La Haye, 1677), philosophe hollandais. Issu d’une famille de commerçants d’orig. juive portugaise, il fut exclu en 1656 de la communauté israélite d’Amsterdam, en raison de ses idées religieuses non conformes à l’orthodoxie. (…) Spinoza professe que les passions nous mettent sous la dépendance des choses extérieures et nous séparent des autres hommes. Aussi le sage doit-il vivre «sous la conduite de la raison» en accord avec les autres; sa sagesse sera «méditation, non de la mort, mais de la vie». Le sage créera sa véritable liberté en s’élevant jusqu’à l’amour intellectuel de Dieu, qui est «l’amour dont Dieu s’aime lui-même». Dans le Tractatus theologico-politicus (1670) et le Tractatus politicus (posth. et inachevé, 1677), Spinoza, le premier, propose la séparation de l’Église et de l’État; apôtre de la tolérance, il en confie la garde au pouvoir civil. L’idée était à l’époque révolutionnaire et, sauf dans certains cercles libéraux des Églises réformées, fit scandale; Spinoza fut en butte à de violentes persécutions.
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19:29 Publié dans Belles pages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : spinoza, religion, raison, foi, tolérance
22/09/2010
"Je n'ai pas de regret, je suis chrétien et je l'assume."
Deux algériens chrétiens jugés pour avoir rompu le ramadan : voilà l’information diffusée quelques instants à la une d’Orange actualités mardi soir 21 septembre 2010. Je dis « quelques instants » car le temps d’aller prendre mon café, l’information n’y était plus. Bizarre…
Nous sommes le 12 août 2010 à Aïn-el-Hamman, en Kabylie. Ils s’appellent Hocine Hocini et Salem Fellak. Pour ces deux ouvriers du bâtiment c’est la traditionnelle pause repas. Chrétiens, ils ne suivent pas le ramadan. Ils choisissent un lieu discret. Pas suffisamment cependant, car ils sont arrêtés pour "flagrant délit de consommation de denrées alimentaires" avant d’être inculpés d' "atteinte et offense aux préceptes de l'islam", un délit passible en théorie au maximum de cinq ans de prison.
Pour sa défense, l’un d’eux invoque la liberté de conscience garantie par la Constitution algérienne. Réponse du procureur (selon Le Figaro) : « quitter ce pays qui est une terre d’islam ».
Le parquet requiert trois ans de prison ferme. Jugement le 05 octobre.
"Je suis optimiste. Je n'ai pas de regret, je suis chrétien et je l'assume", a lancé Hocine Hocini à l'issue de l'audience. "Nous sommes innocents, nous n'avons fait de mal à personne. Nous sommes chrétiens et nous n'avons pas mangé dans un lieu public", a-t-il ajouté.
Pour répondre à la chasse aux chrétiens qui semble se généraliser en Algérie, des centaines de personnes se sont rassemblées devant le tribunal pour soutenir les accusés et crier des slogans hostiles à la justice algérienne. (selon TF1 news)
Il faut se rappeler, ici en France, début Août, avec quel empressement - pour ne pas parler d’enthousiasme- les journaux radiophoniques nous annonçaient le début du ramadan. Dans notre pays on me dit qu’il y aurait 6 millions de musulmans. C’est peut-être un chiffre exagéré. Peu importe. Il reste donc au moins 55 millions de non musulmans, des catholiques, des protestants, des juifs, des bouddhistes, des témoins de Jéhovah, des hindouistes, des scientologues, des astrologues, des charlatans, des exorcistes, des adeptes des cultes sataniques, et puis aussi, on a trop tendance à les oublier ceux-là, des gens qui n’accordent de crédit qu’à la raison humaine, des athées, des agnostiques, des libres penseurs qui ne font de mal à personne, qui ne nous disent pas comment on doit se comporter, qui n’empoisonnent pas la vie des femmes, qui ne baptisent pas les enfants avant même qu’ils prononcent papa et maman. Voilà : 55 millions de personnes qui ont laissé 6 millions d’autres pratiquer un mois d’abstinence par respect pour la liberté du culte. Aucun incident. Si, un. A la terrasse d’un café, un homme de couleur a été passé à tabac, car il ne respectait pas le ramadan.
Rayhana est algérienne, actrice et dramaturge. Dans la pièce « A mon âge je me cache encore pour fumer », l’une de ses héroïnes lâche : « Je voulais mourir le jour où ils m’ont fait arrêter l’école, je les ai suppliés. Ils m’ont répondu : - le jour où tu sortiras d’ici, ce sera pour aller chez ton mari et de chez ton mari à la tombe. »
Rayhana fut agressée à Paris par des islamistes qui voulaient la brûler comme une sorcière :
« L’intégrisme ne peut pas ne pas faire peur. Donc oui, j’ai très peur. Je me suis vue brûler, je vis avec cette idée qui me hante. Elle me fige comme elle m’a déjà figée en Algérie. Mais c’est le but de mes agresseurs : me bloquer, m’étouffer, alors je continue à l’affronter. Le fait qu’on tente de me tuer pour ce que je pense ou ce que j’écris prouve que le combat n’est pas terminé. » (Paris Match du 21 au 27 janvier 2010)
Et on nous bassine sur les ondes, et pas seulement à gauche, la droite s’y met aussi, avec la sacro-sainte diversité culturelle ! Au nom de laquelle il faudrait accepter les prières dans les lieux publics, la séparation hommes-femmes dans les piscines, le port du foulard dans les services publics, l’alimentation exclusivement halal dans les fast-food, la construction de mosquées avec les deniers publics, l’évolution de certains programmes scolaires, et pourquoi pas la polygamie, l’excision, l’interdiction scolaire pour les filles, la lapidation des femmes adultères ? Y aura-t-il une limite dans la progression constante et TOLEREE de l’obscurantisme sur notre sol ? Si nous continuons à nous voiler la face, rien n’est moins sûr. Car les autres, s’ils ont des terroristes dans leurs rangs, sont aussi d’habiles politiciens aussi doués que les nôtres pour duper le monde… sinon plus.
19:34 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : algérie, islam, ramadan, chrétiens, tolérance, liberté de culte