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27/02/2012

Le plus beau voyage

 

 

Par la petite voix que j’entends 

 

Va te perdre au bout des mers tu n’y trouveras que toi-même

Le plus beau voyage

C’est celui qu’on fait à l’intérieur, ici, par l’esprit

C’est ainsi que bourlinguent ceux qui par fortune ont le cœur à penser.

 

Va au cirque, au théâtre, à la foire tu n’y verras que guignol

Fanfaronnades, clowns à mourir qui n’en veulent qu’à tes sous,

Et te laissent à tes peines.

Le plus beau spectacle est nocturne, scène où tout est possible,

Vrai, Beau, Sublime, Eternel.

 

Allez chercher l’homme de vos rêves, allez !

Cherchez longtemps partout. Là où il est il n’y a personne.

Le plus bel amour est celui qui n’est plus

Et qui vit dans ton cœur.

 

Mais où sont les penseurs les philosophes ?

Murés dans les bibliothèques, écrasés entre les pages des oeuvres.

Les plus belles pensées ne sont pas dans les livres

Elles sont là tout près, à tout le monde,

Dans le creux de la main, en geste.

.

Même parfois sans bouger, sans parler, sans rien faire,

Elles sont là.

 

Sans l’esprit il n’y aurait rien.

Que des plantes, des bêtes, des hommes et des femmes errants

de-ci de-là pour grappiller quelque argent,

s’emparer d’un pouvoir,

ourdir quelque monstruosité.

 

Sans l’esprit ! Quelle horreur ! Quel grand malheur ce serait !

 

 

Et la petite voix s’est tue

 

 

 

 

 

 

19:37 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage

24/02/2012

C'est la faute à qui ?

 

 Ce vieux slogan de mai 68 « Il est interdit d’interdire » a fait des ravages dans les familles et dans la société tout entière. Animé de bons sentiments, on est toujours tenté par ces belles idées que sont la liberté, la tolérance et on a raison. Malheureusement bien souvent dans la réalité ces belles idées deviennent licence et permissivité. Les parents savent bien que les enfants ont besoin d’une autorité. Sans le dire les enfants la réclament. Le pire serait de leur laisser croire que la vie suivra son cours sans obstacles. 

 Je crois que ces considérations valent pour les adultes. Si nous étions des anges, les lois seraient inutiles, car nous ferions passer le bien commun avant nos intérêts. Seulement voilà, nous ne sommes pas des anges. Et pour éviter que nous soyons des bêtes, des lois se sont imposées, définissant les contours d’une démocratie, un idéal pour l’humanité, un idéal. Car cette belle idée implique un combat de tous les jours, des sanctions aussi, non seulement contre ceux qui ne respectent pas la loi, mais aussi pour se garantir des appétits individuels, des tendances de chacun d’entre nous à s’accorder la meilleure part du gâteau, tendances bien compréhensibles, mais qui –étendues à la société toute entière- représentent pour elle un danger. L’idéal démocratique est à cent lieues de la permissivité et du laisser-faire qui conduisent au désordre, au chaos. Ce sont là des situations propices aux dictatures. Et là, les sanctions frappent les innocents. 

 Un des fléaux qui menacent nos sociétés est cette tendance à déresponsabiliser l’individu. Les responsables ne sont plus les hommes en chair et en os, mais l’histoire, la psychologie, la misère, les quartiers défavorisés, l’illettrisme, l’immigration, la pluie, le verglas, l’alcool, le tabac, les pulsions, le père, le ça, le sexe, l’argent, le capitalisme, la première femme, l’esprit du mal, le diable…Chercher par tous les bouts une justification au délit a deux conséquences. D’abord on encourage le crime, car les délinquants savent que leurs avocats auront du grain à moudre. Ensuite, on pénalise les victimes, en prenant cet air désolé qui veut dire : on n’y peut rien, c’est la société qui est responsable. On s’en prend alors à ses représentants, à commencer par les forces de l’ordre. Un « jeune homme de 25 ans » est interpellé, et meurt en garde à vue. Les premiers soupçons se portent sur la police. L’armée des associations, médias, commentateurs, angelots et bourgeois parisiens montent au créneau. Le tohu-bohu dure plusieurs jours, avec défilés dans les quartiers devant les caméras de télé : bavure de la police.

  On apprend quelques jours plus tard que la personne décédée était un délinquant, qu’il souffrait d’une maladie cardiaque et n’était pas soigné. De ce jour, sur les ondes plus un mot.

 S’il est interdit d’interdire, tous les délits sont permis. Oui, j’exagère. Disons : tous les petits délits. D’ailleurs ce ne sont plus des délits mais des incivilités. Un mot à la mode, un euphémisme parmi d’autres, une feuille de vigne pour cacher la misère. La vraie. Celle des gens qui essuient des crachats, qui ne montent au logement qu’en baissant les yeux et en s’excusant, ceux qui se lèvent tôt quand ils ont du travail, ceux qui n’ont plus de bus faute de chauffeurs audacieux, bref les gens qui ne sont pas comme moi. Moi qui habite un pavillon tranquille à cent lieues du front, et les nouvelles qui nous en parviennent sont annoncées par des gens qui habitent un pavillon tranquille à cent lieues du front. Ces nouvelles ? Un professeur a été un peu poignardé par un élève, mais il est hors de danger, une marche silencieuse contre la violence est organisée ce matin dans ce quartier habituellement pourtant néanmoins toujours très calme. On passe au sport. 

 Ce qui est à craindre, c’est qu’un jour l’ordre soit rétabli par des hors-la-loi, des gens à qui l’on n’a rien interdit, et qui en toute liberté supprimeront celle des autres. On l’a vu dans le passé.

  

§

 

18/02/2012

Voyage

 

 Elle est dans le wagon, seule. Il y a foule autour d’elle, mais elle est seule. Ses quatre enfants sautent sur les banquettes, importunant les passagers du compartiment. Et ce sera comme ça jusqu’à Paris où elle se rend pour le tribunal.  

 A la ronde autour de toi, il n’y a pas un homme. Un homme un vrai. Un homme qui s’intéresse à toi. Pas un, vous entendez ? Pas un.  

 Ils sont pourtant nombreux dans ce train. Ils sont des millions dans le monde, des milliards. Et pas un pour un sourire. Un sourire qui vient du cœur. Un sans arrière pensée. Pas un. Les mômes me bousculent. Il faut vraiment que je me retienne. Vous avez vu ce maire ? Qui avait giflé un malpoli ? Condamné ! Incroyable. Je ne sais pas ce qui me retient. Les voilà repartis en marchant sur les pieds des gens. Toutes les remontrances de leur mère ils ne les entendent pas. Sourds. Incorrigibles. Qu’est-ce qu’ils vont devenir ? 

 Je sais qu’elle se rend au tribunal, elle l’a dit au plus petit qui faisait la comédie. C’était quand on montait dans le train. Tu vas voir si tu continues. Tu vas voir où il va t’envoyer le juge au tribunal. Le gamin s’était calmé, serré contre sa mère. Les autres riaient et la mimaient en faisant des singeries, tu vas voir le méchant juge il va te mettre en prison, ça les faisait glousser. Les mômes ça commence à bien faire. Continues comme ça, qu’elle dit, je t’en retourne une. 

 Les paysages défilent, immeubles hauts comme des tours, des petits carrés de fenêtres comme des gommettes mal collées sur un cahier sale. Des grues pour en construire d’autres avec des tas qui attendent, de sable, graviers pour les tonnes et les tonnes de béton. Et pas d’arbre. Pas un. Il y en a pourtant des arbres dans le monde, des millions de milliards. Mais là pas un. Depuis tout à l’heure que l’autre m’avait marché sur le pied, pas un arbre. A la dérobée je la regarde.  

 Tu es d’une étrange beauté. Je t’imagine en Athéna, casquée, armée, maîtresse de la ville et du monde. Mais tu n’es pas guerrière. Peut-être faudra-t-il que tu te venges ? Tu es Artémis, épuisée après la chasse Tes nymphes t’entourent, nues elles aussi dans cette caverne pour un repos bien mérité. L’une d’elles t’éponge le front, une autre revient de la source et verse sur ton corps un fil d’eau fraîche. Un bruit de pas. C’est l’autre, il passe sa tête et se régale. Il ne l’a pas cherché, il ne l’a pas voulu, mais il est là, Actéon. On entend ses chiens, au loin, qui gueulent de plaisir, ils dévorent le cerf. L’homme, chasseur ingénu est là sans le faire exprès. Un vieux réflexe, il se détourne.  

 Tu es encore plus belle quand tu admonestes tes enfants, le regard fier, les cheveux rejetés, tu es de la race des grandes. Elle fait un signe à ses nymphes encore horrifiées par l’intrusion de l’homme, elles reviennent auprès d’elle. Actéon s’immobilise. Ses vêtements se détachent et jonchent le sol. Il tombe en avant. Un fin duvet lui pousse sur tout le corps. Puis ce sont des poils. Sur la tête des cornes, deux en forme de dagues. Elles grandissent, son nez s’allonge en museau. Sur le crâne de grands andouillers s’épanouissent. Va maintenant, lui dit-elle. Va retrouver tes chiens. Il s’enfonce dans la forêt, espérant trouver ses bêtes, ils ne le reconnaissent pas et ne voient qu’un cerf magnifique, en majesté. Un premier le mord au jarret, le pauvre homme sous l’effet de la métamorphose n’a plus sa voix humaine, il brame, et plus il brame plus les molosses mordent et le dévorent. 

 C’est Argenteuil maintenant. Là-bas au fond ça doit être la cour d’une école, il y a un arbre. Au juge tout à l’heure, il faudra qu’elle dise pourquoi elle a volé. Que ceux qui lui ont fait des enfants, un a disparu, l’autre est reparti au pays avec un petit qu’elle ne reverra plus, le dernier est en prison pourtant il n’a rien fait à ce qu’on sait. C’était Noël, elle a fourré des jouets dans son cabas, ni vu ni connu qu’elle croyait. Mais l’autre morpion en avait volé aussi. Et c’est elle qui a été fouillée. Les flics au magasin et tout le bataclan. Résultat des courses, une semaine sans ménages et sans ressource. 

 C’est Paris. Le train s’arrête. Les bras chargés, le petit à la main, les autres qui courent sur le quai, elle descend la tête baissée le regard fixé sur les marches. S’il y avait Zeus là-haut, un dieu, un vrai, un dieu des dieux, il l’armerait d’un arc et de flèches. Sur ce quai pourri où tout le monde court ignorant tout le monde, elle se dresserait, nue, et les regards se confondraient d’admiration, même ceux des hommes, avec tout le respect dû à une déesse. 

 Mais là-haut il n’y a rien. 

§

 

 

 

11:56 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femme, diane, paris, thèbes