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30/12/2022

Homo connectus

 

 C’est Argus, il a des yeux partout, tous ses circuits sont toujours en alerte, et opérationnels. Vous n’avez pas dit un mot, il sait qui vous êtes, votre âge, celui d’avant l’invention des puces. Il parle doucement, prend un air désolé, avec une pincée de condescendance. L’usure du temps. Votre appareil en est victime, et encore vous avez eu bien de la chance pendant ces trois longs mois. Bien d’autres rendent l’âme dans leur première enfance. Il vous montre celui-ci, il vous montre celui-là qui ne valent pas un pet de lapin, Homo Connectus a du vocabulaire, des clients lui apprennent les finesses de la langue. Résultat, vous devrez à nouveau dépenser une fortune dans une télé, un ordinateur, un appareil numérique pour les photos, un i-quelque chose, fortune qui fera le bonheur de notre homme, et qui explique le côté caverne d’Ali Baba de son espace vital.

 Déploiement incroyable de richesses sur les murs. Montagne de technologie provenant des recherches menées dans les laboratoires les plus performants du monde. Produits de la recherche spatiale, de la nanotechnologie, de la physique nucléaire. Si un extra-terrestre entrait dans la boutique, il aurait sous les yeux ce que l’homme, au bout d’un cycle de dix millions d’années, au prix de mille efforts, de travail, d’espionnage aussi et de guerres, il aurait sous les yeux ce que l’homme a su réaliser pour tenter d’établir les communications, et pour devenir esclave de ses propres inventions. Je me dis que tous ces instruments, s’ils rendent parfois la vie plus facile et amusante, ne changent rien à la mentalité de ceux qui les manipulent.

 J’entends des mots. C’est à l’accueil du magasin. Connectus converse avec son employée, désignant du menton deux personnes qui viennent d’entrer.

 Homme du vingt et unième siècle, champion de la modernité, dépositaire d’un savoir sans limite dans tous les domaines de la communication, par fil, sans fil ou par satellite, notre homme toise en ricanant deux hommes qui flânent dans le magasin. Ils se tiennent par la main.

 

à lire dans  Là-bas, tout près recueil de nouvelles publié aux éditions Vérone.

13/12/2022

Mission spatiale extra-véhiculaire

 

A 450km de la terre, Andy doit remettre en place un panneau solaire qui a été percuté par un fragment de satellite.

 Ouverture de la trappe qui sépare le laboratoire du sas. Andy passe. Un petit signe de la main à son jeune collègue, Helen referme. Les opérations mille fois répétées se font mécaniquement. Dépressurisation du sas. Andy ouvre l’écoutille externe. Il sort prudemment en prenant soin de vérifier la fixation de la sangle qui doit le relier au module. Il pose la main à hauteur de poitrine, c’est bien là que sont ses outils, dans une poche externe de la combinaison.

 Le jeune homme flotte dans l’espace. Il dispose d’une liberté limitée à une dizaine de mètres, la longueur du cordon qui le relie à la plate-forme, ce monde artificiel fabriqué par les hommes. Il est extrêmement préoccupé par la tâche qui l’attend. Malgré cela, il ne peut s’empêcher de jeter un coup d’oeil sur Terre. Le monde réel, celui d’où il vient, enveloppé d’une atmosphère toute bleue, est sous lui, à des centaines de kilomètres.

 Il ne voit pas encore le panneau, mais il sait dans quelle direction aller. Il se dirige en s’aidant des mains courantes le long du vaisseau. Quand il le jugera nécessaire, il pourra fixer la sangle un peu plus loin, ce sera sans doute nécessaire car elle est déjà tendue et le panneau à repositionner n’est toujours pas en vue. Comme il parcourt des yeux les surfaces compliquées des différentes parties de la station, il remarque un détail coloré, d’une nuance inconnue, du moins à cet endroit. S’approchant un peu, il distingue un objet assez grand, comme un scaphandre. Mais c’est une combinaison spatiale. Quelqu’un est là. Qui plane dans le vide. (...)

à lire dans Là-bas, tout près, recueil de nouvelles publié aux éditions Vérone, en vente en FNAC, Cultura, Le furet du nord... 

04/12/2022

Le pacifisme fait feu (de tout bois)

 

 Quoi de plus naturel que de s’insurger contre la guerre? Il n’y a qu’à regarder les images terribles qui nous parviennent d’Ukraine. Quoi de plus révoltant que d’entendre ces va t’en guerre qui, de leur fauteuil, jouent les stratèges, comme s’ils étaient sur le front?

 Mais le plus étonnant, c’est d’entendre: A bas la guerre! Comme si la guerre était une idée générale, un concept insensé, hors du temps et de l’espace, une sorte d’incarnation du mal. Les militants pacifistes qui crient “A bas la guerre”, je les connais depuis longtemps.

 Ils n’étaient pas contre la guerre d’Algérie, puisqu’ils soutenaient le combat du FLN. Ils étaient les premiers à soutenir la lutte du peuple vietnamien pour son indépendance contre l’impérialisme américain. Dans l’affaire des Maldives (Falkland) ils avaient rapidement choisi leur camp, aux côtés des colonels argentins contre le Royaume-Uni. En 1944 ils étaient probablement du côté du maréchal Pétain, dans un Etat français pacifié, avant que les affreux va t’en guerre anglo-saxons n’envahissent nos plages et mettent le feu à l’Europe!

 Pendant et après la révolution de 1917, ils auraient probablement refusé d’armer les ouvriers et les paysans russes qui tentaient de vaincre les armées blanches contre-révolutionnaires. 24 ans plus tard, quand la Wehrmacht était aux portes de Moscou, ils auraient sans doute conseillé au pouvoir soviétique de poser les armes et de capituler afin d’éviter les combats sanglants qui ravagèrent l’Europe jusqu’à Berlin.

 Il faut se méfier des va t’en paix qui sont pacifistes quand la guerre ne va pas dans le sens qu’ils voudraient. Pour en revenir à l’Ukraine, jamais ils ne parlent d’une guerre de libération. Et pourtant c’est bien le cas. Libération d’un pays qui subit les bombardements d’un envahisseur qui viole toutes les règles internationales.

 J’ajouterai ceci: la cause profonde de leur condamnation de la guerre est qu’ils croient encore au diable. Et leur Satan, c’est l’OTAN, l’Amérique, le capitalisme, l’Europe, l’Occident et, et, et...la démocratie?

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