29/03/2012
La gauche, l'islam et le droit de vivre
« L’immense majorité des Mohamed, des Fatima ou des Ahmed des cités et des banlieues sont français et ce qu’ils veulent c’est l’égalité, la dignité, la sécurité, un travail et un logement. Ils sont culturellement et religieusement intégrés et leur problème est avant tout d’ordre social et économique. L’histoire de Mohamed Merah renvoie la France à son miroir… »
Ce sont les propos de Tarik Ramadan. Cela ne me choque pas le moins du monde, je vais vous dire pourquoi. Ce raisonnement, je le connais par cœur, vous le connaissez par cœur. Car (à l’exception de la référence au tueur) nous l’entendons tous les jours sur toutes les radios, et aussi par la bouche de nos dirigeants politiques, de gauche.
Certes, à la différence de Tarik Ramadan, nos « sociologues » laissent passer l’orage. Les français ont été choqués, indignés, émus, il serait bien imprudent quelques jours après les crimes de se lancer dans des analyses audacieuses mettant en relation l’événement avec l’ordre économique et social. Ce n’est pas l’envie qui leur manque. Je l’ai souvent relevé ici, un des fléaux qui menacent nos sociétés est cette tendance à déresponsabiliser l’individu. Les responsables ne sont plus les hommes en chair et en os, mais l’histoire, la psychologie, la misère, les quartiers défavorisés, l’illettrisme, l’immigration, la pluie, le verglas, l’alcool, le tabac, les pulsions, le père, le ça, le sexe, l’argent, le capitalisme, la première femme, l’esprit du mal, le diable…mais, signe des temps, jamais l’obscurantisme religieux. Ne cherchez pas, c’est la société qui est responsable.
Le terrorisme est le produit du chômage, de la misère, du désespoir. Une équation qui explique tout, et qui innocente les idéologies dévastatrices en faisant passer les criminels pour des exclus de l’ordre économique et social, des êtres en mal de vivre, des déséquilibrés. On aurait pu dire la même chose des bandes de Roëhm et de Hitler dans les années trente. Il fallait vraiment être dérangé pour torturer ou tuer un être humain parce qu’il était juif. Mais qui d’autre que des déséquilibrés une idéologie comme le nazisme pouvait-elle envoyer dans les rues pour établir sa domination ? Cela n’empêchait nullement les dignitaires du régime de savoir ce qu’ils faisaient et de poursuivre leur objectif avec une logique implacable.
Le tueur de Montauban et de Toulouse était un déséquilibré, admettons. Mais aurait-il commis ces crimes s’il ne s’était pas cru investi d’une mission divine ? Qu’on tourne le problème dans tous les sens, au Soudan, à Gaza, en Libye, en Egypte, en Tunisie, et en France, partout où le droit de vivre est menacé, l’islam est toujours là. Relayé parfois par le néo-nazisme, meurtrier aussi mais plus rare et pour cause, le support religieux fait défaut.
Suggérant que, pour Merah comme pour « l’immense majorité des Mohammed » le problème est avant tout d’ordre social et économique, Ramadan sait trouver les mots qui, à une virgule près, sont les mots de ceux qui dans l’indifférence ou la béatitude aménagent l’arrivée massive de l’islam en occident.
Et comble de l’erreur, ceux qui drapeau rouge en tête se présentent comme les avocats des travailleurs, des jeunes et des chômeurs veulent nous faire oublier qu’ils ont été au pouvoir un jour…sans avoir touché à cet ordre économique et social qu’ils mettent en cause aujourd’hui. Voilà cent cinquante ans que les représentants autoproclamés de la classe ouvrière promettent le grand soir. Cent fois ils ont eu l’occasion de tenir leurs promesses. Cent fois ils ont failli, parfois même trahi. Ces gens-là n’ont rien à voir avec le peuple. On ne peut même plus les qualifier d’aristocratie ouvrière, car ils sont coupés du monde ouvrier. Depuis longtemps ils se sont enrichis, constituent une nomenclature bourgeoise qui vit bien, place ses enfants dans les meilleures écoles, et se donne bonne conscience en feignant un humanisme bon teint, défenseur des pauvres. De la justice sociale prônée par leurs maîtres à penser d’antan, ils font charité, se montrent aux côté des sans papiers, évoquent les quartiers défavorisés et la situation des jeunes et des immigrés avec des sanglots dans la voix, sont inflexibles dans la lutte verbale contre le grand capital, ce diable à l’origine de l’injustice sociale. Leur dernière conquête : l’islam, cette religion des exclus, des pauvres en désespoir de cause. L’immense majorité des Mohamed, des Fatima ou des Ahmed des cités et des banlieues sont français et ce qu’ils veulent c’est l’égalité, la dignité, la sécurité, un travail et un logement. La gauche l’affirme, Ramadan le dit.
Quant à l’immense majorité des Pierre, des Paul et des Ahmed aussi qui ont travaillé dur en mer, sous terre, dans les champs, en usine, dans l’amiante, et qu’un jour on a remerciés, puis oubliés, eux qui jamais n’ont rechigné à se lever tôt pour un salaire ridicule, on y pense à ceux-là ? Ces ouvrières jetées de leur usine pour quelques milliers d’euros, ces jeunes qui n’ont jamais brûlé ni même fracturé une voiture, qui ont suivi un cursus normal à l’école sans emmerder le corps professoral et qui, cinq ou six ans après le bac se voient refuser une emploi chez Mac Donald, ceux-là ne sont-ils pas à plaindre ? Et pourtant, désespérés qu’ils sont, ils ne sont pas assez cons pour rencontrer l’islam.
Messieurs de la gauche, vous nous jouez un film qui n’aura pas le succès escompté. Et même si vous riez en mai, il faudra vous montrer à l’œuvre, et expliquer au peuple qui vous aura élu que la justice sociale, le droit des femmes et la laïcité ne sont pas que des mots jetés sur un programme.
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10:02 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, ramadan, gauche, islamisme, terrorisme
25/05/2011
Un socialiste face à une femme de couleur. Insoluble ?
Et toi, qu’aurais-tu dit Jean-Bernard ? Tu aurais commencé par « Moi je », « Moi je pense », ou peut-être seulement « Moi je crois », mais c’est moins sûr. Et là, avant même que l’interlocuteur eût le temps de prononcer un mot, incroyable, oui c’est incroyable : JB contredisait. JB était le seul être au monde à contredire ce qui n’était pas dit ! Il devinait le bougre, il lisait dans les pensées, et ce qui est plus grave surtout dans les miennes. Et comme de mon côté j’avais ma petite fierté, au mépris de mes convictions –après tout quelle importance, les jugements définitifs sont toujours discutables et de peu d’intérêt, et je battais des records moi aussi dans ce domaine- au mépris donc de mes convictions, je m’amusais à le prendre au piège. Comment ? En me préparant à affirmer le contraire de ce que je pensais réellement. Pauvre JB, il avait beau sortir ses deux cavaliers et dégager ses tours, ma dame trônait en D4, en majesté. Et plus il parlait, plus j’acquiesçais. Non mais quand même, je pouvais bien prendre une petite revanche, il m’énervait avec ses idées toutes faites. Et peu à peu, j’enfonçais le clou. J’abondais tellement dans son sens, que la conversation perdait son intérêt. C’étaient d’abord de maigres nuées d’altitude, puis insensiblement le ciel s’obscurcissait.
De sombres nuages lourds pesaient sur nos âmes.
Et quand les premières gouttes nous tombaient sur le crâne,
il fallait rentrer, c’est à ce moment que JB capitulait. Il commençait par « En fait nous ne savons rien ». Le moi disparaissait, laissant place au questionnement. Sans vraiment le savoir, nous pratiquions la maïeutique. La différence avec Socrate, c’est que l’accouchement avait rarement lieu, les idées étaient mortes nées.
J’exagère. Jean-Bernard avait souvent raison.
Mais alors, qu’aurait-il dit ? D’abord il nous aurait fait rire, en marmonnant qu’il fallût que la justice suive son cours. Oui, rire, car JB et Politiquement correct ne s’entendaient guère, c’étaient des querelles continuelles. Etonnant d’ailleurs, car JB extérieurement était toujours bien mis, il votait pour la gauche modérée, aimait l’ordre et les affaires bien réglées. Comme quoi on peut être respectueux de valeurs morales et maintenir son esprit en éveil. Les maigres souvenirs qui me reviennent des leçons littéraires de terminale, m’inviteraient à éloigner JB de Sénèque et à le rapprocher de Kant. On dit que ce dernier se rendit tous les jours de sa vie à l’université en empruntant le même chemin à la même heure, sauf une fois. Le 15 juillet 89, en apprenant la nouvelle. Herr Kant, ce révolutionnaire. Je pense souvent à lui, et depuis longtemps, disons, en gros, 1968. Je l’imagine à Königsberg, digne, sérieux, s’adressant à ses étudiants dans un allemand impeccable, leur indiquant les chemins de la Raison, gravissant avec eux la longue pente rocailleuse et glissante qui mène aux droits humains. Alors quand je vois ces saintes nitouches défroquées enfilant à la va vite fringues dépenaillées et casquette à l’envers pour faire peuple, ressasser à longueur de temps qu’il est interdit d’interdire… pauvres hères !
Pour en revenir à Jean-Bernard, qu’aurait-il dit ? Lui qui adorait les sujets à problème, ma main à couper qu’il aurait été coincé. Pensez donc. Un socialiste face à une femme de couleur. Insoluble. Insoluble pour un de gauche. Remarquez, même pour un de droite. Alors imaginez la difficulté pour un d’extrême droite adepte du tri sélectif. JB aurait longtemps tergiversé. Encore une fois il aurait eu raison. Il aurait dit… je ne sais pas ce qu’il aurait dit. Ce serait tellement présomptueux de ma part de parler en son nom. Oui, il aurait eu bien raison, d’attendre. Car c’est sûr, des problèmes vont surgir.
09:44 Publié dans Jean-Bernard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : socialisme, gauche, femme, jean-bernard
25/03/2011
Papa, je te présente Ali, il est sans papiers
Je me promène dans le sixième arrondissement. C’est mon quartier. Le latin. Il fait un peu frais ce matin, j’ai mis l’écharpe rouge, du plus bel effet sur mon manteau noir, et mon chapeau, à la Louis Aragon. De la poulaille partout dans les rues. La droite a mobilisé sa police contre les sans abri. La situation de ces pauvres est insupportable. D’ici j’entends les premiers échos de la manif’.
Un-lo-ge-ment-pour-tous !
Entièrement d’accord. Non mais de quel droit interdit-on à des êtres humains de se loger ? Qu’ils nous entendent, ces bourgeois bien au chaud dans leurs dix pièces des quartiers huppés ! D’accord j’en fais partie, mais moi j’ai le cœur à gauche. En 68, j’étais sur les barricades et chaque élection est l’occasion pour moi de faire barrage à la droite.
Un beau rassemblement. Des gens de tous horizons et de toutes les couleurs, comme je les aime. La voilà la belle diversité à la française. Allez-y les gars, un logement pour tous ! Mais oui, il y en a de la place dans nos campagnes, là-bas en province, pour des milliers de logements sociaux. D’autant qu’avec les jachères, de grandes surfaces sont disponibles. Et cela donnera du travail aux sans emploi.
Car le voilà le problème, la cause de tous les maux : le chômage. Inactivité, désespérance. Du grain à moudre pour l’extrême droite. J’ai une sainte horreur de ces gens-là. Ils sont la honte de la nation. Ils s’en prennent à ceux qui ne leur ressemblent pas : gens de couleur, musulmans… Ils disent qu’on n’a plus l’impression d’être en France, qu’il y a des prières dans les rues, que des femmes sans visage font peur aux enfants, que des cantines ne servent plus de jambon, mais où vont-ils chercher tout ça ? Je regarde autour de moi, j’observe que la France est restée égale à elle-même, calme, sereine, tricolore. Ils disent que la proportion des gens issus de l’immigration est telle dans les écoles, que le niveau scolaire baisse, que la délinquance et les trafics en tout genre se développent, que les enseignants sont dépassés, découragés.
Propagande, je vous dis, propagande ! Mes enfants n’ont aucun problème à l’école, il y a bien un ou deux garnements pour irriter le professeur de grec ancien, le fils de l’ambassadeur des émirats n’a pas rendu sa punition dans les délais et la fille du sénateur n’a pas éteint son téléphone portable. Vais-je pour autant hurler à une menace contre les lois de la république ?
Un lo-ge-ment-pour-tous !
A-bas-les-dis-cri-mi-na-tions !
La-Franc’-c’est-black-blanc-beur !
Oui, parfaitement d’accord, le voilà bien le pays des droits de l’homme, la France qui ouvre ses portes, lieu de tous les échanges, de tous les mélanges, de toutes les cultures !
Tiens mais c’est Marie-Ange là-bas sous la banderole… Hello, ma fille !
Papa, je te présente Ali, il est sans papiers, il vient direct du Mali. Les fillettes qu’il tient par la main sont ses petites sœurs. Ses frères sont derrière en compagnie de la dame en noir qui porte un bébé sur son dos. Les cousins sont un peu éparpillés dans la manif’. Ils pourront s’installer chez nous provisoirement, en attendant de régulariser tout ça ?
Tapage, bousculade, slogans hurlés par hauts parleurs ne nous ont pas permis de connaître la suite de l’histoire. Cet homme qui prêche accueil et tolérance n’a pas la chance de vivre dans le neuf trois. Il dispose d’un sept pièces quai des Grands Augustins en bord de Seine avec vue sur le Pont-neuf, d’une villa à Deauville et d’un yacht à Monaco. Ah ! Si toutes les grandes fortunes qui ont le cœur à gauche pouvaient partager l’art de vivre au pied des tours dans les cités !
Ce que je viens d’écrire est absurde. Car si ces gens vivaient dans les tours des cités, ils n’auraient pas le recul nécessaire pour juger objectivement de la situation. C’est pourquoi il est conforme à la logique que les politiciens observent la vie réelle en l’observant de loin, les yeux collés à des lunettes d’approche.
12:37 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tolérance, beaux quartiers, banlieue, bonne conscience, gauche, sans papiers