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10/05/2013

Est-ce que la fin justifie les moyens ?

 

 Les Saintes Ecritures l’attestent : tout est permis à celui qui se croit investi d’une mission divine. Pour employer un mot savant, et pour revenir sur nos cours de terminale, on peut parler d’eschatologie : l’étude des fins dernières de l’homme et du monde (Petit Robert). La religion, quelle qu’elle soit, ne se conçoit qu’en fonction de ce qui arrive à la fin. Il y a toujours un Jugement dernier quelque part. Tout s’ordonne selon ce dernier, dans la vie, le comportement, la conduite, jusqu’aux plus infimes détails de la vie quotidienne. Nul mieux que les religions n’aurait donné une aussi évidente justification à la poursuite du Bien, à ce qu’on appelle le sens moral. A ce qui paraît. Car on sait qu’on a encore peur aujourd’hui que les Cieux nous tombent sur la tête. La poursuite du bien par peur de l’enfer n’a rien à voir avec la morale. Pas plus que son contraire : la violence et la guerre dans l’espoir du paradis. 

 Les siècles passés ont été durs pour les religions. Avec raison, car pour arriver à leurs fins, elles avaient été peu regardantes sur les moyens. Les philosophes ont travaillé, critiqué, démonté, remis à sa place le dogme religieux. Mais à quel prix ? Bien souvent pour le remplacer par un autre, tout aussi néfaste, il a fallu plus de cent ans pour s’en rendre compte. Un penseur lucide (1) l’a dit à peu près en ces termes : sur le trône encore chaud de Dieu s’est installé le socialisme. Et pour faire quoi ? Pour définir une nouvelle fois où est le bien où est le mal, pour régler la vie des gens, pour dire qui sont les bons, qui sont les méchants, les bons étant ceux dont l’itinéraire coïncide avec le sens de l’histoire, « Sens » avec une majuscule, car la trajectoire est fixée une fois pour toutes, sa destination déterminée : la société idéale dans laquelle s’épanouira un beau jour l’homme total.  

 Le hic, c’est que pour y arriver, il faut faire quelques concessions à la morale. D’ailleurs de quelle morale s’agit-il ? De l’ancienne, celle des ignorants qui ne trouvent rien d’autre à penser que de s’occuper de leur jardin, de ceux qui n’ont pas compris que leur sort était lié à celui de l’humanité tout entière, bref des aliénés victimes inconscientes de la société de classe, vestiges d’une civilisation qui fut nécessaire, mais aujourd’hui dépassée. Mais pour eux rien n’est perdu, il y en a de récupérables, on a beaucoup fait pour eux, les camps de rééducation par exemple, outils nécessaires à la construction de la société nouvelle.  

 Aujourd’hui, de ces camps on n’en parle plus que dans ces pays lointains où le dogme a su employer les armes et la violence nécessaires à la poursuite de ses objectifs fous. Dans nos contrées où les droits humains sont à peu près respectés, où le pire des criminels a encore droit à des avocats comme aux faveurs de la presse, il serait malvenu à un intellectuel inspiré de faire la réclame d’un fil de fer barbelé si peu piquant soit-il. Il serait pris pour ce qu’il est : un fou. Bon, il y en a bien un ou deux égarés ici ou là sur les plateaux de télévision, ils passent encore pour des clowns, méfions-nous quand même. 

 Donc Dieu est mort, les camps sont rasés. Tout danger n’est pas écarté pour autant. Pour certains, la fin justifie encore les moyens. La fin étant pour eux, et là ils ont raison, le bonheur du peuple, certaines attitudes douteuses seraient justifiées. Quels que soient la situation politique, les événements et même le sens de l’histoire, contre vents et marées, la gauche est convaincue de représenter universellement et éternellement le peuple. A quoi bon voter ? Quand elle gagne, sa logique est respectée, c’est le peuple qui a terrassé le diable. Ce dernier porte des noms variés et adaptés au moment : grand capital, impérialisme, extrême droite, boursicoteurs, marchés financiers… Quand elle perd, c’est que l’ennemi a réussi à tromper le peuple, c’est le mensonge qui a pris le dessus, la ruse et la finance ont eu raison –pour un temps- du sens de l’histoire. Ou alors, mais là c’est un signe rare du désespoir, la gauche a perdu en tirant contre son camp, par la division, et on profère alors des propos très durs à l’encontre du parti qui a failli à sa mission. Renégat, ennemi du peuple, agent de l’étranger sont les qualificatifs adaptés à la situation. 

 La droite n’a d’autre intérêt à défendre que celui de son porte-monnaie, ce qui la soulage d’un poids énorme –les transactions ne se font plus en monnaie trébuchante ni en lingots d’or- et si elle prétend parfois oeuvrer au  bonheur des pauvres, c’est parce qu’elle a besoin des suffrages populaires pour assurer son avenir politique personnel, politique et finance étant réunis  pour le meilleur et pour le pire.  

 Il en va différemment de la gauche. Elle est en mission. Même vaincue aux élections, elle reste mandatée par le peuple. Elle n’est jamais fautive, tout au plus, les hommes et les femmes qui la composent commettent des erreurs, qui leur reprochera ? Sur un mur s’étalent les portraits de ses ennemis politiques, ceux de droites, ou qui font le jeu de la droite. Au-dessous les commentaires sont grossiers, injurieux. Le mur n’est pas dans la rue, mais dans un local syndical de magistrats. Dans un pays éternellement en proie aux conflits politiques, il est normal que chacun, selon ses convictions en pense ce qu’il veut. Certains peuvent même en rire. Ce qu’ils ont fait d’ailleurs. La question qu’on peut se poser : cela aurait-il été possible dans le local d’un syndicat de magistrats de droite ? Je pense que non. Ou l’événement aurait soulevé les protestations unanimes des médias, des syndicats et de tout ce que la gauche compte de chroniqueurs, d’écrivains, d’artistes, de chanteurs, de cinéastes, de peintres et de photographes réunis. A commencer par celui qui aurait réalisé ces photos, à coup sûr, au lieu d’être sanctionné, il aurait mérité le prix Pulitzer. 

 Et cet acte lamentable de s’en prendre aux personnes elles-mêmes, en étalant leurs portraits, comme si on voulait les exposer à la vindicte populaire –qui pouvait assurer que les images de ce « mur » honteux ne seraient pas rendues publiques un jour ?- cet acte lamentable en rappelle d’autres, surtout dans la manière. Je pense aux méthodes des fascistes et des staliniens. Mais ces gens-là ont la conscience tranquille : dans le partage entre le bien et le mal, ils sont –par essence- du bon côté.  

 

§ 

 

(1) Nietzsche

 

17/03/2013

Incorrigibles

 

 Oui ils le sont. Au mieux ils se taisent. Au pire ils l’encensent. Chavez. Un dictateur comme on voudrait qu’il y en eût beaucoup ? Ils se moquent de nous et des vénézuéliens. Ou alors ils rêvent. Comme les petits enfants ils inventent un monde qui n’existe pas.  

 Souvenez-vous. Leur silence fut remarquable lors de l’investiture d’Ahmedinejad en Iran. Chavez le félicitait. Silence généralisé alors à gauche, sans parler de l’extrême… J’ai cru comprendre aussi que nos démocrates à sens unique ne disaient mot des atteintes à la démocratie au Venezuela.  

 Nos politiciens de gauche sont les rois du silence. On aurait pu espérer qu’avec le mur de Berlin, les vieilles coutumes staliniennes s’effondreraient aussi. L’époque où il fallait s’abstenir de soutenir les ouvriers hongrois réprimés par les chars soviétiques, éviter de lire ces livres ennuyeux (dixit Marchais) du contre-révolutionnaire Soljenitsyne, bref toutes ces choses inventées de toutes pièces par l’impérialisme il fallait les taire, c’était presque un devoir, et plus encore un hommage à rendre au grand frère soviétique. Les socialistes scotchés sur l’union de la gauche n’étaient pas en reste, ils n’ont pas brillé à l’époque en discours enflammés condamnant goulag, internements en hôpitaux psychiatriques, écrasement du printemps de Prague. En politique, il faut savoir se taire à l’occasion, ils l’ont parfaitement compris.  

 Et je ne parle pas seulement du personnel politique. Je regarde autour de moi, toujours surpris de voir avec quel empressement de bons amis condamnent le moindre écart vis-à-vis des droits de l’homme quand il s’agit des USA, d’Israël, du Royaume-Uni, de l’occident en général. Et comment les mêmes restent silencieux quand il s’agit de crimes commis par des dictatures. La Chine ferait disparaître le Tibet qu’ils ne diraient mot. Les mêmes qui, ici, nous saoulent avec leur obsession de la diversité culturelle et le respect dû aux minorités religieuses ne trouvent pas les mots pour condamner le totalitarisme chinois. Et vas-y que je me promène à Cuba –un état qui emprisonne les opposants au régime y compris les poètes. A quand des destinations touristiques en Corée du nord et en Iran ?  

 Ils sont incorrigibles. On se penche avec compassion sur le douloureux problème de l’extinction progressive et inexorable du parti communiste. Mais vraiment il n’y a pas de quoi verser une larme. Le parti disparaît, mais son idéologie est toujours active, vivante, dynamique. Dans les médias certes, mais aussi dans l’esprit des gens, à gauche bien sûr, mais à droite et à l’extrême droite car l’américanophobie est là et bien là. Le US GO HOME a fait des petits. New York s’embraserait, l’indignation serait moins grande qu’elle ne le fut quand furent diffusées les images de sombres brutes de l’armée américaine tenant en laisse des prisonniers irakiens. Maudire l’Amérique c’est toujours sympathique, le dimanche entre la poire de nos vergers et le fromage bien de chez nous. 

 Comme ils n’ont plus rien à espérer du côté du levant, comme les théories de la libération n’ont abouti qu’à des dictatures, comme les peuples ont compris que ces gens-là n’étaient pas de leur monde, comme ils n’ont rencontré la misère que dans les livres et encore pas toujours, pour donner du corps à leur discours, ces gens cherchent des boucs émissaires. Depuis leurs cinq pièces du sixième arrondissement, ils lancent des anathèmes contre les forces réactionnaires du monde entier, et vont même jusqu’à dire qu’ils n’aiment pas les riches. Désigner l’ennemi dans une situation de crise est un jeu d’enfant, le choix est large. Et les préjugés xénophobes tenaces leur donnent un bon coup de main. 

 Les personnes dont je parle sont les survivants –parfois inconscients- d’une déflagration qui a ébranlé l’univers : le marxisme.  Enorme météore tombé du ciel, cette philosophie qui devait éclairer les esprits et le monde n’a fait que soulever un énorme nuage de poussière qui nous a trop longtemps rendus aveugles. Nous n’avons rien vu venir, car l’idée était trop belle, et année après année, les idéalistes que nous étions ont cru devoir laisser encore et toujours un peu de chance à ceux qui se disaient en charge du destin de l’humanité toute entière. De Lénine en Staline, de Brejnev en Mao, d’Ho Chi Minh en Castro, d’unions de la gauche en fronts populaires, de Thorez en Mitterrand, d’années en années et d’échecs en catastrophes, partout le marxisme s’est révélé être non pas –oh que non- une illusion, mais une machine de guerre contre l’humanité. Une machine plus efficace que le pire des fascismes, car le marxisme s’il déporte, s’il emprisonne et s’il tue, le fait au nom du peuple et du bien commun. N’a-t-il pas inventé ce concept d’ennemi du peuple ?  

 Tout cela nous le savons, mais il a fallu longtemps le cacher. Et on le cache encore, comme je disais plus haut. A quand un mémorial en hommage aux victimes du communisme en Russie, en Pologne, en Allemagne, à Prague, à Budapest, à Bucarest ? Quand manifesterons-nous notre solidarité avec les démocrates persécutés en Chine et à Cuba ? 

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29/04/2012

Incivilités

 

 La gauche avait tout fait, tout. Et quand je dis la gauche, j’englobe les partis, les syndicats, les associations, les philosophes sauf un ou deux, les psychologues, les consultants scientifiques des radios parlant depuis le CNRS, les artistes, les comédiens, les chanteurs, les humoristes, les chroniqueurs, les écrivains sauf un ou deux, les magistrats, les médias et quatre-vingt pour cent de ceux qui ont en charge l’éducation des enfants, oui la gauche avait tout fait. Tout fait pour alimenter dans ce pays le climat raciste nécessaire au renforcement de l’extrême droite. En défendant l’indéfendable : le gentil délinquant pour lequel on va chercher toutes les excuses possibles, pour condamner le méchant policier. En justifiant les petits délits et menus trafics qu’on explique en invoquant le chômage, la misère, la désespérance dans les quartiers. Bref, quand on vous pique votre portefeuille, quand on vous agresse en bas de votre immeuble, quand on brûle votre voiture, quand on s’en prend à vos biens, quand on rackette vos enfants à la sortie de l’école, c’est toujours la faute à dame Misère, prenez votre mal en patience, la gauche arrive avec elle la justice et la paix civile. Mais tout le monde n’a pas la patience, et cet air de commisération distillé par les humanistes des beaux quartiers ne vous console pas, le Front National est là qui vous ouvre les bras.

 

 L’extrême droite est fille de l’indulgence, du laisser-aller, de la démission collective, du culte de l’irresponsabilité. Et dans ce domaine, alternance ou pas, la gauche est toujours aux affaires. Mais quand on a un frère, une mère, un père au chômage, qu’on a du mal à joindre les deux bouts, celui qui vous agresse devient vite un étranger même s’il ne l’est pas. A force de dire que tout le monde est gentil sauf les représentants de l’ordre et des institutions, les humanistes à la petite semaine fabriquent de la haine et du racisme.

 

 Ce nid d’antisémites et de xénophobes pour qui l’occupation de la France par les nazis n’a pas été aussi terrible que ça, recueille au premier tour de l’élection présidentielle presque vingt pour cent des suffrages exprimés. Quasiment un électeur sur cinq. Et croyez-vous qu’ils ont fait un geste pour remercier, même seulement un sourire, un mot gentil ? Non, rien du tout. La gauche dépitée attend toujours un signe.

 

 Mais comme il faut deux pôles négatif et positif pour qu’une batterie fonctionne, le jeu du je t’aime moi non plus marche en politique. Une fois au pouvoir la gauche ne manifestera pas la moindre gratitude pour ceux qui auront largement contribué à sa victoire. 

 

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