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15/07/2010

"Je ne veux pas voir l'immensité de ton univers..."

 

Des ressortissants cubains libérés ont pu gagner l’Europe. Qu’avaient-ils fait ces gens pour être si longtemps privés de liberté ? J’ai beau lire les journaux, je n’y apprends rien. Peut-être ont-ils été emprisonnés parce que… ils existaient tout simplement. Cela s’est vu dans le passé. Toutes les catégories ethniques, sociales, politiques ont été touchées par ce phénomène au cours de l’histoire. Le pire a été atteint au XX°siècle où l’existence de millions de gens devint insupportable pour les grands régimes totalitaires. Dans un cas, les victimes  furent les juifs et les tziganes. Dans l’autre, des paysans trop attachés à leur terre, des peuples sacrifiés et livrés à la famine, des nations entières déportées, des millions condamnés à survivre loin de chez eux, dans des contrées sauvages.

 

 On dit que les dictatures ne souffrent pas d’opposition. Mais ce qui pour eux est insupportable, c’est la vie, la vie tout simplement. Ces régimes tirent sur tout ce qui bouge. La vie est un danger pour des états animés par un Guide un seul ou une Idée une seule. Pour les idéologues de ces systèmes, la réalité n’est pas celle qui est donnée de voir et de vivre, souvent dans les conditions les plus douloureuses, mais celle qui doit être. Les pires souffrances ne doivent-elles pas être acceptées si l’on veut le bonheur dans un Reich qui doit durer mille ans ?  Si l’on a en vue, à la fin des fins, la construction d’un monde où chacun aura selon ses besoins ? Alors, pensez, les juifs, les gens du voyage, les syndicalistes, les démocrates, les philosophes et les poètes, tous ces empêcheurs d’imposer l’Idée, de mettre en place le Système, qui pourrait s’indigner de leur liquidation, sinon des ennemis du Peuple, des agents de l’Etranger ? Ces femmes et ces hommes de courage, le plus souvent dans l’impossibilité de faire connaître leur existence hors des frontières de l’état-prison, résistent tout seuls, meurent d’une balle dans la tête, croupissent dans des geôles dont la presse internationale nous dit peu de choses, car dans ces pays la presse internationale ne s’aventure pas hors des bâtiments officiels, et encore, quand elle réussit à passer la frontière. Il est significatif que sur la même île, les conditions de détention des prisonniers de Guantanamo ont fait le tour du monde sur tous les écrans, internet et les journaux, alors que, à quelques kilomètres de là peut-être, des opposants au régime castriste finissent leurs jours en prison sans que personne ou presque n’en soit informé. Il a fallu la chute de Sadam Hussein pour que l’on apprenne quel était le sort terrible réservé aux démocrates irakiens. Quand à la Corée du nord, tout semble aller pour le mieux, le communisme en construction réserve au monde de belles surprises dans un avenir proche.

 

 Dans ces pays donc, la réalité n’est pas celle qui est vécue au jour le jour, mais celle qui doit être. C’est une idée ancienne, selon laquelle nos sens nous trompent, la seule réalité vraie ne peut nous être donnée que par le travail de l’esprit, par l’intellect. L’idée selon laquelle l’homme vit dans le projet, oh combien cette idée peut faire de mal ! Car en scrutant l’horizon avec une longue vue, on risque de ne pas voir où nous marchons et, comme disait le philosophe, de tomber dans un trou. C’était très beau en 1961 d’entendre Youri Gagarine s’adresser au monde depuis son véhicule spatial, premier voyage de l’homme hors de l’atmosphère terrestre. Imaginez qu’au lieu de cela, les journaux du monde entier aient consacré leur une à décrire la condition de vie et de mort des milliers de déportés politiques en Sibérie ! Impensable, au sens strict du mot. L’avenir, c’était Gagarine, et pas seulement pour les journaux communistes. Pourtant en ces jours sombres, la réalité était plus que jamais à nos pieds, sur notre bonne vieille terre, et les dissidents soviétiques ont dû se sentir bien seuls.

 

 J’évoquais ces cubains récemment libérés, sans oublier ceux qui sont encore emprisonnés. Qu’ont-ils fait, sinon ne pas avoir saisi la situation réelle de leur pays, celle d’un avenir en construction. Ils ont fondé leur jugement sur ce qu’ils voyaient, ce qu’ils entendaient, ce qu’ils ressentaient, ce qu’ils vivaient, sans replacer ces impressions dans la perspective globale de l’édification du communisme. Le monde apprendra un jour qu’ils étaient dans le vrai et que l’état qui les privait de liberté était entre les mains d’une clique qui s’était arrogée le droit de décréter ce qui était vrai et ce qui ne l’était pas.

 

 Finalement, si parfois les sens nous trompent, l’esprit peut nous tromper aussi. Et les conséquences en sont incalculables. Je ne résiste pas à l’envie de faire partager ces quelques mots du bon vieux Lucrèce :

 

« …la plupart de telles erreurs sont imputables aux jugements de notre esprit, qui nous donne l’illusion de voir ce que nos sens n’ont pas vu. Rien n’est plus difficile en effet que de faire le départ entre la vérité des choses et les conjectures que l’esprit y ajoute de son propre fonds. » (1)

 

 

(1) De la nature, livre quatrième, dans lequel –chose étonnante- Titus Lucretius Carus né en 98 avant notre ère, avait prévu la chute du mur : « Enfin si dans une construction le plan fondamental est faux, si l’équerre trompe en s’écartant de la verticale, si le niveau a des malfaçons, il sera fatal que tout le bâtiment n’ait que vices : difforme, affaissé, penchant en avant ou en arrière, sans aplomb ni proportions, il menacera de tomber, et tombera en effet par parties ; or toute la faute sera aux premiers calculs. » (446-524) Garnier-Flammarion, ed.1964 pp.130-131

 

§

 

 

Laisse-moi ici, auprès des orphelins

 

Au traître, Fidel Castro.

 

 

…Je ne veux pas voir l’immensité

 de ton univers : laisse-moi ici,

auprès des orphelins.

Pour continuer de vibrer parmi

ces quelques empans de pierres

et de mousse

je me contente de la lumière

qui habite mon cœur,

le soleil quotidien des naufragés

et la droite opportune.

A moins que tu n’aies

peut-être

mieux à offrir

dans ton monde

fait de foules écrasantes,

de chiffres,

de calculs

et du sourire polissé

qui affleure à tes lèvres ?

 

 

Ernesto Dias Rodriguez, 

poète interdit, condamné à 40 ans de prison, comme opposant à la dictature. Il est torturé, mais ne cesse de protester, à demi nu, refusant de porter la tenue de prisonnier. Libéré et expatrié de Cuba en 1991 grâce à une vigoureuse campagne menée par le parti communiste français… non, je plaisante !!! Libéré et expatrié de Cuba en 1991 grâce à une vigoureuse campagne en faveur de sa liberté menée par les Pen Clubs de France et des Etats-Unis.

 

[Avec mes remerciements aux éditions Gallimard, à Reporters sans frontières, à la FNAC, pour ces extraits de l’Anthologie de la poésie cubaine censurée, proposée par José Valdès, éd. Gallimard, 2002.]

 

§

07/03/2010

Le livre noir du communisme

 Depuis 1994, la fuite des balseros embarqués sur des coquilles de noix (balsas, radeaux de fortune) n'a pas cessé. 

« Castro a aussi tenté de freiner ces fuites en envoyant des hélicoptères bombarder les frêles embarcations avec des sacs de sable. Près de 7000 personnes ont péri en mer au cours de l'été 94. Au total on estime qu'un tiers des balseros sont morts au cours de leur fuite. En trente ans, près de 100.000 cubains ont tenté l'évasion par mer. Au total les divers exodes font que Cuba compte actuellement 20% de ses citoyens en exil. »

 d'après Le livre noir du communisme.- Stéphane Courtois, Nicolas Werth, Jean-Louis Panné, Andrzej Paczkowski, Karel Bartosek et Jean-Louis Margolin édité chez Robert Laffont, 1997.

 A prendre donc avec des pincettes, car on se doute bien que de tels ragots ne peuvent avoir été répandus que par la CIA et l'impérialisme international. Ceux qui désirent être informés objectivement de la réalité cubaine auront recours à la littérature communiste officielle, cela va sans dire. 

 D'ailleurs, les touristes français de retour de Cuba sont toujours enchantés de leur voyage. Ce n'est pas une preuve, ça, de la bonne santé du régime castriste ? Si toutefois la vie du peuple cubain n'est pas à l'image de ce que le Guide avait promis, n'est-ce pas à cause des privations engendrées par le blocus de l'impérialisme américain ? 

 Anticommunisme primaire, encore et toujours. Preuve en est, ce même « livre noir » nous invente des crimes qui auraient été perpétrés par Staline, y compris contre des membres de son propre parti ! Sans parler de prétendus millions de morts suite à des déportations massives d'innocents dans des camps sibériens... Des révoltes ouvrières auraient secoué les démocraties populaires en 1953, 1956, 1968, révoltes qui d'après ces mêmes auteurs auraient été écrasées par l'armée rouge ! Mais où vont-ils chercher tout ça ? 

 Intrigué par ces catastrophes décrites avec une précision d'horloger dans ce gros pavé (1094 pages ! en Pocket) avec force crimes, terreur et répression, et chiffres, bien sûr, chiffres, nombre de victimes du communisme depuis 1917 jusque dans les années 90 et sur quatre continents, je me dirigeai vers l'encyclopédie en ligne Wikipedia. 

 Le livre noir du communisme y est présenté en détail (1), ainsi que les polémiques qu'il a suscitées. 

Trois niveaux de critiques : 

1/ le nombre des victimes  surévalué;

2/ l'idéologie communiste jugée seule responsable ;

3/ la similitude établie entre crimes communistes et crimes nazis ;

 

1/ Les chiffres d'abord.

 

  Stéphane Courtois calcule pays par pays (en millions de morts):

 

- URSS                       20

- Chine                       65

- Vietnam                     1

- Corée du nord           2

- Cambodge                 2

- Europe de l'est          1

- Amérique latine         0,15

- Afrique                      1,7

- Afghanistan               1,5

- autres                        0,01 

pour un total d'environ 94 millions de morts que l'auteur arrondit à 100.

Pour Nicolas Werth et Jean-Louis Margolin co-auteurs du livre (Le Monde du 14 novembre 1997),  il s'agit d'

« un chiffrage des victimes du communisme abusif, non clarifié (85 millions ? 95 ? 100 ?), non justifié, et contredisant formellement les résultats des coauteurs sur l'URSS, l'Asie et l'Europe de l'Est (de leurs études, on peut tirer une « fourchette » globale allant de 65 à 93 millions ; la moyenne 79 millions n'a de valeur que purement indicative). »

Pour N. Werth il y aurait eu quinze millions de victimes en URSS (et non pas 20) ;

J.-L. Margolin explique « qu'il n'a jamais fait état d'un million de morts au Vietnam », On ne lit nulle part ce chiffre en effet. Page 808, il est question de 500.000 à 1 million de « rééduqués ». Certes, vu les conditions de détention (p.809) : soins médicaux minimes, sous-alimentation, entassement, violence des châtiments, climat tropical, manque d'aération, odeurs insupportables, maladies de peau...il est probable que le nombre de victimes fut très important. A ce propos, il est intéressant de souligner que les victimes ne sont pas exclusivement des « traîtres »: il y a aussi des membres du FNL et des communistes (originaires du sud capitaliste) (2).

Certes, comme l'écrit Laurent Joffrin (Libération, 17 décembre 1997) :

« la contestation des chiffres est dérisoire : à 50 ou 60 millions de morts au lieu de 80, le communisme deviendrait-il présentable ? »

2/ l'idéologie communiste jugée seule responsable ;

 Pour Jean-Louis Margolin :

 « Même si le terreau communiste peut aboutir aux crimes de masse, le lien entre doctrine et pratique n'est pas évident, contrairement à ce que dit Stéphane Courtois »

 

 Le lien entre doctrine et pratique : ne pas confondre la doctrine communiste et les applications qui en ont été faites. Ayant été moi-même trotskyste, je crois bien connaître les arguments qui justifient cette thèse :

 

1/ La révolution d'Octobre s'est faite dans un pays arriéré, non encore industrialisé, épuisé par la guerre et qui plus est, après l'échec de la révolution allemande, isolé  =  voici comment on justifie la prise du pouvoir par un parti ultra minoritaire, la guerre civile, les réquisitions, la répression des soulèvements, même populaires, le bâillonnement de l'opposition, le parti unique et la dictature ;

 2/ Ne pas confondre communisme et stalinisme : Staline comme représentant d'une caste bureaucratique qui a usurpé le pouvoir, est le fossoyeur de la révolution bolcheviste. 

« Les masses ouvrières affamées, incultes, saignées, n'ayant pas la possibilité de contrôler l'état prolétarien, perdent les moyens de ce contrôle. Ceux qui gèrent deviennent des bureaucrates qui s'élèvent désormais au-dessus des masses et constituent une « caste » privilégiée « administrant » contre le prolétariat et les masses paysannes, les conquêtes d'Octobre. » (3)

 Les thèses de Marx, Engels et Lénine ne seraient donc aucunement en cause dans les crimes perpétrés en URSS et dans les démocraties populaires : pour les trotskystes, Staline et la bureaucratie soviétique seraient seuls responsables.

 Courtois répond en citant Léon Blum à Tours en 1920, s'adressant à ses camarades socialistes qui allaient fonder le PCF :

"Votre dictature (en URSS, NDLR) n'est plus la dictature temporaire. (...) Elle est un système de gouvernement stable, presque régulier dans votre esprit. (...) C'est dans votre pensée un système de gouvernement créé une fois pour toutes. (...) Vous concevez le terrorisme comme moyen de gouvernement."

 Si Jean-Louis Margolin entend séparer la doctrine de son application sur le terrain, il faut bien reconnaître que nulle part dans les œuvres de Marx et Engels il n'est question d'un appel au crime. Par contre, toute l'histoire n'ayant été -d'après Marx- qu'une histoire de luttes entre les classes, il était logique de penser que le passage au socialisme ne pût se faire que par l'instauration d'une dictature (la dernière) de la classe dont la libération devait coïncider avec celle de l'humanité tout entière : la dictature du prolétariat. Nombre de pourfendeurs de la thèse du livre noir argumentent dans ce sens. On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, les révolutions connaissent toutes des périodes de terreur, c'est inéluctable. La faute à qui ? A la classe des exploiteurs, accrochée qu'elle est au capitalisme, garant de la pérennité de ses privilèges. Et cela nous conduit à mieux comprendre l'objection de  Jean-Louis Margolin :

« Cela [l'analyse de Stéphane Courtois] revient à enlever son caractère historique au phénomène. »

Ainsi, Gilles Perrault demande pourquoi Nicolas Werth n'évoque pas « l'interventionnisme étranger acharné à juguler la jeune révolution bolchevique ? »

Faux. Troisième chapitre. La terreur rouge. Page 103 et suivantes, il est bien question de la mise en cause de la révolution par l'interventions de troupes étrangères :

 « Jamais les bolcheviks n'avaient senti leur pouvoir aussi menacé qu'autour de l'été 1918. Ils ne contrôlaient en effet plus guère qu'un territoire réduit à la Moscovie historique, face à trois fronts anti-bolcheviks désormais solidement établis : l'un dans la région du Don, occupée par les troupes cosaques de l'Ataman Krasnov, et par l'armée blanche du général Denikine ; le deuxième en Ukraine aux mains des Allemands et de la Rada (gouvernement national) ukrainienne ; le troisième le long du transsibérien où la plupart des grandes villes étaient tombées sous la coupe de la légion Tchèque, dont l'offensive était soutenue par le gouvernement socialiste révolutionnaire de Samara. »

Non seulement Nicolas Werth n'escamote pas l'interventionnisme étranger, mais, et c'est tout l'intérêt de ce livre, il révèle des événements extrêmement importants qui eurent lieu à l'intérieur même du « champ de bataille » : le jeune pouvoir bolchevik fut mis en difficulté à l'intérieur du pays par des révoltes et l'insoumission de pans entiers de la population.

« (...) près de cent quarante révoltes et insurrections de grande ampleur éclatèrent durant l'été 1918 ; les plus fréquentes étaient le fait de communautés paysannes refusant les réquisitions menées avec brutalité par les détachements de ravitaillement, les limitations imposées au commerce privé, les nouvelles mobilisations de conscrits pour l'Armée Rouge. Les paysans en colère se rendaient en foule à la ville la plus proche, assiégeaient le soviet, tentant parfois d'y mettre le feu. Généralement les incidents dégénéraient : la troupe, les milices chargées du maintien de l'ordre et, de plus en plus souvent les détachements de la Tcheka n'hésitaient pas à tirer sur les manifestants. » (4)

(J'imagine les hurlements des communistes et de l'extrême gauche aujourd'hui si Sarkozy envoyait la troupe tirer sur les paysans en colère, eux qui jugent liberticide une loi interdisant aux enfants non accompagnés de sortir la nuit... Bon, un peu d'humour ne fait pas de mal dans ce monde de brutes ! Je me reprends...)

Outre le fait qu'il est curieux qu'une révolution populaire soulève contre elle le peuple lui-même, on est en droit de s'étonner qu'une révolution populaire ne doive sa survie qu'à une violation flagrante des droits de l'homme : l'auteur rapporte les propos de Lénine (adressé au Comité exécutif du soviet de Penza):

« Camarades ! Le soulèvement koulak dans vos cinq districts doit être écrasé sans pitié. Les intérêts de la révolution tout entière l'exigent, car partout la « lutte finale » avec les koulaks est désormais engagée. Il faut faire un exemple.

1/ Pendre (je dis pendre de façon que les gens le voient) pas moins de cent koulaks, richards, buveurs de sang connus.

2/ Publier leurs noms.

3/ S'emparer de tout leur grain.

4/ Identifier les otages comme nous l'avons indiqué dans notre télégramme hier. Faites cela de façon qu'à des centaines de lieues à la ronde les gens voient, tremblent, sachent et se disent : ils tuent et continueront à tuer les koulaks assoiffés de sang. Télégraphiez que vous avez bien reçu et exécuté ces instructions. Vôtre, Lénine. » (5)

3/ la similitude établie entre crimes communistes et crimes nazis ;

S'il s'agit d'une compétition visant à évaluer le nombre de morts dans les deux camps, non seulement je ne vois aucun intérêt à la chose, mais cette réduction à deux camps me paraît illégitime. Pourquoi ne pas évoquer cette boucherie qui entre 1914 et 1918 a ravagé l'Europe tout entière ? Le capitalisme n'en est-il pas responsable ? Et les massacres et génocides en Amérique, en Afrique, en Asie, les pays colonisateurs n'en sont-ils pas responsables ?

Foin des statistiques, le problème n'est pas là. C'est même un terrain dangereux. Certains esprits mal intentionnés pourraient disculper les nazis d'avoir déporté, torturé et exterminé moins de personnes que n'en a tuées la guerre de 14.

 Il serait plus pertinent -et éducatif-, mettant de côté les chiffres, de montrer comment chacun des deux systèmes, le fasciste et le communiste, ont réussi à museler des peuples, à supprimer toutes les libertés, à dénoncer, à déporter, à tuer des populations entières. Le Livre noir n'aborde cette question que du côté communiste, j'y reviendrai ultérieurement sur ce blog.

Ces quelques mots de Nicolas Werth (un des auteurs du livre) font réfléchir :

« le crime est certes une composante essentielle [du communisme], mais le mensonge qui a permis l'occultation de la terreur me paraît plus central que le crime lui-même. » (6)

 L'occultation de la terreur, le nazisme ne l'a réussie que partiellement, et les efforts des négationnistes, islamistes et néo-nazis d'aujourd'hui ne sont rien d'autre que pitoyables.

 Il en va tout autrement des crimes du communisme qui ont été cachés au monde pendant plusieurs dizaines d'années. Le mensonge en a effectivement été une composante essentielle. Comment ce mensonge a-t-il été possible ? J'y reviendrai.

 

  • (1) Le livre noir du communisme, un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
  • (2) Qu'on se rappelle le traitement qui avait été infligé par Staline aux soldats soviétiques de retour d'Allemagne.
  • (3) Pierre Foulan.- Introduction à l'étude du marxisme, in Documents de l'Organisation Communiste Internationaliste n°4, date d'édition non précisée, début des années 80?
  • (4) L.M.Spirin, Klassy y partii v grazdanskoi voine v rossii (classes et partis dans la guerre civile russe) Moscou 1968, p.180 et suiv.
  • (5) Centre russe de conservation et d'étude de la documentation historique contemporaine 158/1/1/10
  • (6) Wikipédia, op.cit.

28/09/2009

Pour mémoire (suite) Les années 1942-43

 

Plus qu’aux analyses, aux longues explications, il est utile de s’en remettre aux textes, lois, décrets, ordonnances promulguées par les responsables de l’Etat français entre 1940 et 1944. Voici donc la suite du dossier concernant cette fois les années 42-43. 

 

§

 

Sixième ordonnance du 7 février 1942

Relative aux mesures contre les Juifs.

(Journal officiel des ordonnances du Gouverneur militaire pour les territoires occupés du 11 février 1942)

 

 En vertu des pleins pouvoirs qui m’ont été accordés par le Führer und Oberster Befehlshaber der Wehrmacht, j’ordonne ce qui suit :

 

§1. Limitation des heures de sortie. Il est interdit aux Juifs d’être hors de leurs logements entre 20 et 6 heures.

§2. Interdiction du changement de résidence. Il est interdit aux Juifs de changer le lieu de leur résidence actuelle.

§3. Dispositions pénales. Celui qui contreviendra aux dispositions de la présente ordonnance sera puni d’emprisonnement et d’amende, ou d’une de ces peines. En outre, le coupable pourra être interné dans un camp de Juifs.

§4. Entrée en vigueur. La présente ordonnance entre en vigueur dès sa publication.

 

Loi du 21 mars 1942

Pour faire face à ses charges exceptionnelles l’U.G.I.F. pourra exercer des prélèvements.

 

  1. Sur le produit des réalisations des administrateurs provisoires de biens juifs.
  2. Sur les titres.
  3. Sur les actions.
  4. Sur les sommes déposées entre les mains de tiers appartenant à des personnes physiques juives.
  5. Sur les créances.
  6. Sur la vente de meubles, d’immeubles, etc.

 

Septième ordonnance du 24 mars 1942

 

Concernant :

  1. Critère de la « personne » juive.
  2. Confiscation des postes de T.S.F. détenus par les Juifs.
  3. Interdiction d’exercer certaines activités économiques ainsi que d’employer des Juifs.
  4. Non paiement de l’indemnité de licenciement à un Juif.

 

Huitième ordonnance du 29 mai 1942

 

 Signe distinctif pour les Juifs

 

  1. Les Juifs doivent se présenter au Commissariat de police pour y recevoir les insignes en forme d’étoile. Chaque Juif recevra trois insignes et devra donner en échange un point de sa carte de textile.
  2. Il est interdit aux Juifs dès l’âge de six ans révolus de paraître en public sans porter l’étoile juive.
  3. L’étoile juive est une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d’une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte en caractères noirs l’inscription « JUIF ». Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine solidement cousue sur le vêtement. (1) (2)

 

§

 

PREFECTURE  DE  POLICE

Direction de la Police Municipale

 

Etat-major

1° Bureau B

 

Paris, le 12 juillet 1942.

 

CONSIGNES  POUR  LES  EQUIPES  CHARGEES  DES  ARRESTATIONS

(source : La persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’ouest présentée par la France à Nuremberg, recueil de documents publié sous la direction de Henri Monneray, substitut au Tribunal militaire international, Paris, 1947, p.145 ; cité par Marrus et Paxton, Vichy et les Juifs)

 

1°) Les gardiens et inspecteurs, après avoir vérifié l’identité des Juifs qu’ils ont mission d’arrêter, n’ont pas à discuter les différentes observations qui peuvent être formulées par eux.

 En cas de doute, ils les conduisent de toute façon au Centre, dont l’adresse leur sera donnée par le Commissaire de Voie Publique, et en s’assurant qu’ils ont bien pris les objets indiqués pluis loin ? Seul, le Commissaire de Voie Publique est qualifié pour examiner les situations. Pour les cas douteux, les gardiens mettent sur la fiche la mention « à revoir ».

 

2°) Ils n’ont pas à discuter non plus sur l’état de santé. Tout Juif à arrêter doit être conduit au Centre primaire.

 

3°) Les agents chargés de l’arrestation s’assurent, lorsque tous les occupants du logement sont à emmener, que les compteurs à gaz, de l’électricité et de l’eau sont bien fermés. Les animaux sont confiés au concierge.

 

4°) Lorsque tous les occupants du logement sont emmenés, les clés sont remises au concierge (s’il n’en existe pas, au plus proche voisin) en signalant que ce dernier est considéré comme responsable de la conservation des meubles, objets et effets restés dans le logement ? Dans les deux cas il sera mentionné, comme il sera indiqué plus loin, les nom et adresse de la personne dépositaire des clés.

 

5°) Les Juifs arrêtés devront se munir :

 

a)      de leur carte d’identité d’étranger, de tous autres papiers d’identité et de famille jugés utiles ;

b)      de leur carte d’alimentation, feuilles de tickets et cartes de textile ;

c)      des effets et ustensiles suivants :

 

2 couvertures, 1 paire de chaussures, 2 paires de chaussettes, 2 chemises, 2 caleçons, 1 vêtement de travail (ou usagé), 1 tricot ou pull-over, 1 paire de draps, 1 gamelle, 1 gobelet, 1 bidon (si possible), 1 jeu de couverts pour les repas, 1 nécessaire de toilette (le rasoir est autorisé) ;

 

d)      de deux jours de vivres au moins. Ils peuvent en emporter davantage s’ils le veulent (pas plus d’une valise grandeur moyenne, ne contenant que des provisions de bouche) ;

e)      les couvertures seront portées en bandoulière, les effets et objets de la liste ci-dessus seront placés dans un seul sac ou valise ; soit au total 2 valises ou paquets, dont 1 pour...

 

6°) Les enfants vivant avec la ou les personnes arrêtées seront emmenés en même temps, si aucun membre de la famille ne reste dans le logement. Ils ne doivent pas être confiés aux voisins.

 

7°) Les gardiens et inspecteurs sont responsables de l’exécution. Les opérations doivent être effectuées avec le maximum de rapidité, sans paroles inutiles et sans aucun commentaire.

 

8°) Les gardiens et inspecteurs chargés de l’arrestation rempliront les mentions figurant au dos de chacune des fiches :

 indication de l’arrondissement ou de la circonscription du lieu d’arrestation ;

 « Arrêté par » en indiquant les noms et services de chacun des gardiens et inspecteurs ayant opéré l’arrestation ;

 le nom et l’adresse de la personne à qui les clés auront été remises ;

 au cas de non arrestation seulement de l’individu mentionné sur la fiche, les raisons pour lesquelles elle n’a pu être faite et tous renseignements succins utiles ;

 et selon le tableau ci-après :

 

SERVICE :

 

Agents capteurs :

 

Nom……………………………… Service…………………………………..

Nom……………………………… Service…………………………………..

 

Clés remises à M………………………………………………………………

N°……………. rue…………………………………………………………..

Renseignements en cas de non arrestation :

……………………………………………………………………………….

……………………………………………………………………………….

 

Le Directeur de la Police Municipale

 

Signé : Hennequin (3)

 

§

 

Arrêté du 13 octobre 1942

(Belgique, Nord et Pas-de-Calais)

 

Concernant la déclaration des objets appartenant à des Juifs et gardés actuellement par une tierce personne.

 

  1. Les personnes doivent remettre ces objets à la Kreiskommandantur.
  2. Cet arrêté n’est pas applicable aux administrateurs de biens juifs.

 

Loi du 9 novembre 1942

 

Par mesure de sécurité intérieure, tout étranger juif est astreint à résider sur le territoire de la commune où il a sa résidence habituelle et ne peut en sortir que muni d’un titre de circulation régulier, d’un sauf-conduit, ou d’une carte de circulation temporaire.

 

 

Loi n°1077 du 11 décembre 1942

relative à l’apposition de la mention « JUIF » sur les titres d’identité délivrés aux Israélites français et étrangers.

(source : Journal officiel, 12 décembre 1942, p.4058)

 

Le Chef du Gouvernement,

Vu les actes constitutionnels 12 et 12bis ;

Le conseil de cabinet entendu,

 

Décrétons :

 

Article 1°. Toute personne de race juive aux termes de la loi du 2 juin 1941 est tenue de se présenter dans un délai d’un mois à dater de la promulgation de la présente loi, au commissariat de police de sa résidence ou à défaut à la brigade de gendarmerie pour faire apposer la mention « juif » sur la carte d’identité dont elle est titulaire ou sur le titre en tenant lieu et sur la carte individuelle d’alimentation.

 

Article 2. Les infractions aux dispositions de l’article 1° de la présente loi seront punies d’une peine d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de 100 à 10000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice du droit pour l’autorité administrative de prononcer l’internement du délinquant.

 Toute fausse déclaration ayant eu pour objet de dissimuler l’appartenance à la race juive sera punie des mêmes peines.

 

Article 3. Le présent décret sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’Etat.

 

 Fait à Vichy le 11 décembre 1942.

 

Pierre Laval.

 

§

 

Arrêté du 11 mai 1943

 

 Les contributions volontaires des Juifs à l’U.G.I.F. pourront être prélevées sur leurs comptes bloqués.

 Pour faire face à l’insuffisance des contributions volontaires, les taxations suivantes sont imposées à la communauté.

 Tous les Juifs de 18 ans au moins doivent payer 120 F en zone occupée et 360 F en zone non occupée par an.

 Le paiement de la cotisation sera constaté par l’apposition d’une vignette sur une carte spéciale.

 Les versements peuvent être trimestriels ou semestriels.

 La carte spéciale doit être jointe à la carte d’identité et présentée à toute réquisition.

 

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(1)     Sur le port de l’étoile : malgré les demandes insistantes des autorités allemandes et la complaisance de Darquier de Pellepoix, il ne fut jamais imposé en zone non occupée, même lorsque l’occupation militaire s’étendit à toute la France en novembre 1942. A ce signe ostensible, discriminatoire et humiliant pour les Juifs, le gouvernement de Vichy préféra ordonner, en décembre 1942 l’apposition de la mention « juif » sur les documents d’identité et la carte d’alimentation. Mesure de clémence ? Une mesure en tout cas tout aussi efficace en vue de l’objectif final : la déportation. En outre, des signes inquiétants de solidarité de la population française avec les personnes porteuses de l’étoile se manifestaient en zone nord, surtout quand il s’agissait d’enfants, de voisins, d’anciens combattants…Cela donnait à réfléchir à Vichy, et les Allemands n’insistèrent pas, préférant rester en bonne entente avec la police française… on comprend pourquoi.

 

(2) Sous le titre : L’abondance des Juifs sur les trottoirs parisiens a ouvert les yeux des plus aveugles, le journal collaborationniste « Le Matin » publiait cet article :

 

« Une promenade dominicale… Mais une promenade surprenante, stupéfiante !

 A mesure que vos pas vous conduisent vers l’Hôtel de Ville, par les vieilles rues aux noms qui sentent encore le moyen âge, vous apercevez, de-ci de-là  quelques unes des fameuses étoiles jaunes nouvellement imposées aux Juifs.

 Mais dès que vous pénétrez dans ce qu’on peut appeler le ghetto de Paris, dont l’artère principale est la rue des Rosiers, ces signes distinctifs deviennent plus nombreux. Puis, pour peu que vous persistiez dans vos allées et venues, cela devient une obsession et vous apercevez au bout de peu de temps que vous êtes, vous l’aryen qui ne portez pas l’insigne, l’objet de la curiosité générale.

 Mais quittez ce quartier et gagnez les boulevards. Là, dès les premières heures de l’après-midi, les étoiles apparaissent.

 Seuls ou par petits groupes, les Juifs de Paris se promènent. Ils marchent tous dans la même direction : celle de l’ouest, celle des Champs-Elysées.

 Leur passage devient d’instant en instant plus fréquent. Ils abondent. C’est un véritable pullulement que le vrai parisien contemple avec stupéfaction. »

 

(3)   Les 16 et 17 juillet 1942 eut lieu l’opération dite « Vent printanier » menée par la police française. Des milliers de Juifs parisiens furent arrêtés et internés au Vélodrome d’Hiver et à Drancy dans des conditions inhumaines.

 

Sous le titre « Nos enfants domestiques des Juifs » le journal collaborationniste « Le Pilori » publiait cet article le 23 juillet 1942 :

 

« Une nouvelle stupéfiante nous parvient en dernière heure. A l’instigation de la Croix-rouge française et d’accord avec M. Lamirand, sous-secrétaire d’Etat à la jeunesse, M. Hémon (adjoint de M. de Roscouet, chef du Commissariat au Travail des Jeunes) aurait donné l’ordre formel à divers Centres de Jeunesse de la région parisienne de former des équipes de jeunes gens, d’enfants de quinze ans pour se rendre en uniforme au Palais des Sports (ex Vel’d’Hiv), boulevard de Grenelle, où se trouvent parqués plusieurs milliers de Juifs, afin de procéder au nettoyage de l’immense bâtiment, enlever les ordures des Juifs, traîner les poubelles, transporter sur des civières des malades, s’il y a lieu, colporter les vivres et les ranger, etc., etc.

 Depuis deux jours ce travail honteux a déjà été effectué par quelques centres de Jeunesse. Mais la révolte est venue et aujourd’hui plusieurs chefs refusent de laisser soumettre les jeunes Français qui leur sont confiés à cet odieux servage.

 Il y aura donc du sport au Palais. »

 

 

 Les deux articles cités ci-dessus reflètent l’esprit général de la presse (officielle) de l’époque. Il y a pire. La folie antisémite, protégée par la terreur nazie, s’en donnait à cœur joie, les propos, articles, pamphlets des Céline, Brasillach, Costantini en témoignent. Le rappel de ces ignominies ferait-t-il réfléchir ceux qui, en ce début de siècle, sont tentés de faire à nouveau couler le sang d’innocents ? Certainement pas.

 

 

Mais cela réveillera peut-être ceux –trop nombreux- qui sont fatigués d’entendre ressasser un passé douloureux, ceux-là se feront-ils entendre un jour ? Quand le procès des assassins d’un Ilan Halimi n’est pas rendu public, quand un chef d’Etat prône la destruction de celui d’Israël, quand des enfants de confession juive doivent être accompagnés pour se rendre à l’école, quand des historiens, des hommes politiques ou des hommes d’église réinventent l’histoire à leur façon.

 

 Nous y reviendrons.

 

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rappel des sources :

 

-  Journaux officiels,

- La persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’ouest présentée par la France à Nuremberg, recueil de documents publié sous la direction de Henri Monneray, substitut au Tribunal militaire international, Paris, 1947,

- Marrus et Paxton.- Vichy et les juifs, Calmann-Lévy 1981,

- Philippe Ganier Raymond.- Une certaine France, l’antisémitisme 40-44.