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15/03/2021

C’était Dieu avant. Maintenant ça ne va pas mieux.

 

 

Monde sans dieu

 

 

 Remarquez bien, quelle que soit notre colère, et d’abord celle des parents des victimes, il serait malvenu pour la société civile de jeter la première pierre à l’Eglise. Car si la pédophilie s’abrite parfois sous une soutane, elle fait des victimes dans d’autres milieux, sur tous les continents, et probablement depuis les siècles des siècles.

 

 S’il n’y avait que le mal fait à des enfants, ce serait déjà terrible. Mais il y a ce silence. Silence qui constitue depuis deux mille ans toute la force de la politique de l’Eglise. Silence plus bavard que les plus longs sermons. Silence sur les faits et méfaits imposés ou permis pourvu que le dogme soit sauf. A commencer par l’école, et je pense même à celle du diable, à la communale, la laïque. Peut-être ai-je particulièrement souffert de ce silence parce que je n’étais pas catholique? On nous présentait St Louis comme un roi exemplaire rendant la justice sous un chêne, le départ en croisade comme une guerre sainte, le massacre de la St Barthélemy comme un épisode « tragique » de la guerre des religions, l’évangélisation de l’Amérique comme une action civilisatrice dans un monde d’anthropophages, on se taisait autant qu’il était possible en classe de quatrième sur le rôle contre-révolutionnaire de l’Eglise, pilier de l’ordre monarchique en 1789, quand aux années noires du siècle dernier, motus et bouche cousue sur l’arrangement catholicisme-pétainisme-antisémitisme, sauf une page ou deux dans le manuel d’histoire, maigre feuille de vigne cachant l’infamie, éclairée trop souvent par les propos d’un professeur montrant que parmi les gens d’Eglise, il y avait parfois un Juste.

 

 Combien de discours entendus sur la fonction irremplaçable de la religion en matière de morale ! Du collège à l’université, combien de fois m’a-t-on rappelé que –existence de Dieu ou non- l’amour du prochain nous était enseigné par les Ecritures, transmis par le catéchisme, montré en exemple par les prêtres. On disait et répétait que sans religion, l’homme serait un loup pour l’homme. Jusqu’en terminale où le professeur de philosophie, debout sur l’estrade, levant le bras, évoquant Raskolnikov, nous fixant l’un après l’autre dans les yeux, et là j’oubliais tout et le bac… Toujours le bras en l’air, il se tournait vers l’un d’entre nous :

 

  • Qui, quelle instance, quel pouvoir pouvait encore stopper le geste meurtrier ? Qui ? La peur d’être vu ? La crainte de la police ? L’apparition soudaine, au moment crucial, d’un sentiment humain, du sens de la fraternité ? La compassion vis-à-vis d’une vieille femme sans défense ? La peur ? Mais la peur de quoi ? De la peine de mort ? De la prison ? De la justice des hommes ? Non. La seule force qui aurait pu encore arrêter son bras, elle n’est pas humaine. C’est la peur du Jugement, du vrai de vrai, du Jugement Dernier, celui de Dieu.

 

 Certes, je me dis par la suite que vu le nombre de crimes dont les hommes se sont rendus coupables dans l’histoire, la peur du jugement d’un dieu n’était pas si efficace qu’on avait bien voulu l’enseigner. Non seulement la peur du Ciel ne fait pas barrage au crime, mais les représentants du ciel sur la terre sont eux-mêmes des criminels. Pour l’église catholique, moins qu’avant et en cachette. Pour l’islam, ouvertement et sur une échelle génocidaire. La « sainteté » de la guerre justifiant l’opprobre : viols, mariages forcés, crime d’ « honneur », apologie du négationnisme et même du nazisme, menace nucléaire… Agir au nom d’un dieu justifie tous les crimes.

 

 Peut-être n’avons-nous pas encore bien appris à vivre dans un monde sans dieu. Après tout, les religions ont semé la zizanie, le mal et le meurtre pendant des millénaires, et la disparition du Grand Horloger n’indique que deux siècles au cadran, il nous faudra encore un peu de temps pour nous faire à l’idée que nous sommes seuls, bien seuls au moins sur cette planète, et que le monde nous appartient, pour le bien comme pour le mal. Mais que les religions mettent un bémol à leurs sermons, qu’elles règlent leurs problèmes existentiels et cessent de nous donner des leçons.

 

§

 

10/10/2011

"N'essaie pas que ce qui arrive arrive comme tu veux...

 

 …mais veux ce qui arrive comme il arrive, et tu couleras des jours heureux. » Epictète 

 Une belle formule stoïque. J’ai essayé, je n’y arrive pas. Et pourtant j’ai fréquenté les meilleures écoles, le groupe scolaire communal d’Andrésy en Seine et Oise. J’en vois qui ricanent. Et bien sachez qu’il y avait là de bons instituteurs qui valaient bien en éducation et en morale ce que les « Grandes Ecoles » font de mieux aujourd’hui. Où en étais-je ?  

 Oui, une belle formule stoïque. Malheureusement hors de portée du commun des mortels. Bricoleur du dimanche, j’ai beau éloigner femmes et enfants, fermer les yeux et bloquer ma respiration, je n’arrive pas à sourire quand le marteau ratant le clou m’écrase le doigt. Ce qui devait arriver arriva. Je n’aurais jamais dû fermer les yeux. Heureusement aujourd’hui, plus que dans la philosophie d’Epictète, il y a de l’air dans Urgo.  

 Mais non, la sentence citée plus haut n’a rien à voir avec une quelconque résignation ou acceptation de l’ordre des choses, facultés partagées trop partagées par ceux qui nous gouvernent, et malheureusement aussi par ceux qui ne gouvernent pas. Le stoïcisme ne consiste pas à rester en place et ne rien faire. C’est une vision du monde qui va, selon la volonté de la nature, conformément à la Raison universelle, supérieure. Vouloir ce qui arrive, c’est mettre l’humanité sur les rails, l’accorder avec l’ordre supérieur, rationnel, bien au-delà des volontés particulières, des opinions ou des vœux des humains que nous sommes. Vouloir, aimer même ce qui arrive, c’est rechercher l’harmonie avec le cosmos, porte grande ouverte au bonheur. Seulement voilà, l’homme est capable de beaucoup de choses, y compris d’aller contre l’ordre voulu par la nature.  

 « Il y a ce qui dépend de nous, il y a ce qui ne dépend pas de nous. » (Epictète) 

Qu’un tremblement de terre dévaste une région entière, qu’y pouvons-nous ? Sinon venir au secours et sauver des vies humaines. Qu’une centrale nucléaire soit construite à proximité d’une zone sismique, nous aurions pu l’éviter. Que des maladies contagieuses menacent l’humanité, que les turpitudes du climat provoquent sécheresse et désertification, nous n’y pouvons rien, ou très peu. Mais cet Ordre supérieur, cette Raison universelle admise, voulue, aimée par le sage commande-t-elle d’accepter une démographie galopante, dix milliards d’êtres humains sur un espace qui ne pourra les nourrir ? Dans des régions vouées au désert ?  

 Nature, Ordre, Raison. Voilà bien la force de la pensée d’Epictète, son humanisme aussi. Car l’ordre de la nature a permis à l’humanité de vivre et de prospérer. Cet ordre-là, il faut le respecter, pour prendre un mot à la mode, le pérenniser.  

 On pourrait donc se passer de l’idée de Dieu ? Non, nous sommes trop petits, trop faibles, des poussières déposées sur une bille lancée dans le cosmos. Dès nos premiers pas il nous fallut un chef, un sorcier, un messager des forces supérieures, un protecteur. On sculpta des idoles gigantesques, on sacrifia des animaux et des êtres humains. On alla même jusqu’à jeter nos propres enfants dans son feu dévorant. Mais cela ne suffisait pas encore, car ces Etres qu’on adorait restaient de marbre, impuissants à assurer le bonheur des hommes. Chaque peuple ayant le sien, ils étaient fauteurs de guerres.  

 Alors se produisit un événement, un fait unique de notre histoire. Dieu disparut. Tout au moins son corps. Certes, il se manifestait encore, mais sans apparaître sous la forme qu’on aurait pu attendre de lui : un buisson s’enflammait, une femme âgée et stérile enfantait, des cataclysmes dévastaient un pays entier, un paralytique se levait et marchait, une femme que n’avait connu aucun homme attendait un enfant, un homme ressuscitait. Mais Lui, le Très-haut restait invisible, se manifestant par des miracles, mais aussi par le Verbe, s’annonçant par l’intermédiaire de messagers, anges ou messies, inspirés, illuminés. 

« Tu ne pourras voir ma Face : l’homme ne pourrait me voir sans cesser de vivre. » (Exode 33,20) 

 Et peu à peu, par la magie de son invisibilité, comme il était partout et nulle part, la foi aidant, l’idée fit son chemin qu’Il était en nous. Il nous donna la force et le courage. Il n’y a qu’à voir les actes de bravoure des Croisés, les victoires remportées sur les mécréants, les conquêtes et l’éducation des sauvages au-delà des océans. Le respect qu’il inspire est tel que certains d’entre nous vont jusqu’à le prier cinq fois par jour. Certes il est invisible, mais on connaît au moins une chose de lui: son sexe. Masculin. Les femmes se couvrent devant lui. Elles se cachent dans leur chez-elles et sont de bonnes épouses pour leurs maris.  

 Oui, les hommes ont bien compris qu’il leur fallait un père. Un Père et un seul. Regardez avec quel mépris dans le vocabulaire même nous parlons des familles « recomposées », sous-entendu dénaturées, ayant rompu l’équilibre sacré voulu par la nature. Sans parler des familles monoparentales, ni de ces pauvres enfants élevés par deux femmes, horreur ! Oui, un Père et un seul. Toujours là, au moment où il le faut. Un tremblement de terre provoque une coulée de boue qui tue cinq mille personnes, une petite fille est sauvée par les pompiers, en réalité nous savons tous que c’est par la main de Dieu. Alors la vie reprend, dans le recueillement, puis après quelques larmes, dans la joie.  

« N’essaie pas que ce qui arrive arrive comme tu veux, mais veux ce qui arrive comme il arrive, et tu couleras des jours heureux. » 

 A la nature, à l’ordre et à la raison, dont parlait Epictète, les hommes ont vite fait de donner un corps et un nom. Si cet ordre est voulu par Dieu, il est d’autant plus respectable. Gare à celle ou à celui qui le met en cause, car c’est aller à l’encontre de la volonté divine. Mais le besoin de justice et de changement est là, c’est humain. Difficile de ne pas agir. Pour y faire face sans offenser le Tout-puissant, les religions ont inventé la charité. A une époque où les malheurs des hommes sont exposés à la seconde près devant les yeux du monde entier, les associations caritatives fleurissent et vont, par tous les continents, adoucir nos souffrances. Elles distribuent des vivres aux femmes et aux enfants qui souffrent de malnutrition, dans ces pays où l’Eglise fait les gros yeux quand il s’agit de contraception. Ce paradoxe offre des avantages : les donateurs des pays riches soulagent leur conscience, chrétiens et musulmans qui patronnent la majorité des ONG sont présentés à longueur de reportages médiatiques comme les acteurs de la croisade contre la misère du monde. 

 Ce que j’en pense ? Il y a quelque chose de profond dans la pensée d’Epictète. Nous pourrions en tirer des leçons. Nous attachons trop d’importance à des petits maux, des ennuis sans gravité. L’adulte qui console le petit ayant cassé son jouet, qui lui dit « C’est mon petit chéri qui avait un gros malheur ! » et qui fait une crise en découvrant une rayure sur la carrosserie ou le rétroviseur cassé. Le jour où tombe le sombre diagnostic du médecin, on réalise que la rayure et l’accessoire cassé, c’était de la broutille. Et qu’il vaut mieux vivre heureux avec ce que l’on a. Pour le reste, certes, c’est révoltant d’entendre qu’il faut accepter ce qui arrive, bien que souvent il faille le faire, les gens qui sont aux commandes des états le savent, ils emploient tous les euphémismes possibles pour éviter de le dire, et leurs opposants en profitent pour les accuser d’être des incapables. Mais une idée me traverse l’esprit, ces derniers souhaitent-ils vraiment venir un jour aux commandes, sachant que ce qui arrive, à moins de faire preuve de génie politique associé à un courage extraordinaire, est inéluctable ? 

§

 

 

 

 

 

 

14/04/2010

Monde sans dieu, un moindre mal

 Remarquez bien, quelle que soit notre colère, et d'abord celle des parents des victimes, il serait malvenu pour la société civile de jeter la première pierre à l'Eglise. Car si la pédophilie s'abrite parfois sous une soutane, elle fait des victimes dans d'autres milieux, sur tous les continents, et probablement depuis les siècles des siècles.

 

 S'il n'y avait que le mal fait à des enfants, ce serait déjà terrible. Mais il y a ce silence. Silence qui constitue depuis deux mille ans toute la force de la politique de l'Eglise. Silence plus bavard que les plus longs sermons. Silence sur les faits et méfaits imposés ou permis pourvu que le dogme soit sauf. A commencer par l'école, et je pense même à celle du diable, à la communale, la laïque. Peut-être ai-je particulièrement souffert de ce silence parce que je n'étais pas catholique? On nous présentait St Louis comme un roi exemplaire rendant la justice sous un chêne, le départ en croisade comme une guerre sainte, le massacre de la St Barthélemy comme un épisode « tragique » de la guerre des religions, l'évangélisation de l'Amérique comme une action civilisatrice dans un monde de sauvages, on se taisait autant qu'il était possible en classe de quatrième sur le rôle contre-révolutionnaire de l'Eglise, pilier de l'ordre monarchique en 1789, quand aux années noires du siècle dernier, motus et bouche cousue sur la collision catholicisme-pétainisme-antisémitisme, sauf une page ou deux dans le manuel d'histoire, maigre feuille de vigne cachant l'infamie, éclairée trop souvent par les propos d'un professeur montrant que parmi les gens d'Eglise, il y avait parfois un Juste.

 

 Combien de discours entendus sur la fonction irremplaçable de la religion en matière de morale ! Du collège à l'université, combien de fois m'a-t-on rappelé que -existence de Dieu ou non- l'amour du prochain nous était enseigné par les Ecritures, transmis par le catéchisme, montré en exemple par les prêtres. On disait et répétait que sans religion, l'homme serait un loup pour l'homme. Jusqu'en terminale où le professeur de philosophie, debout sur l'estrade, levant le bras, évoquant Raskolnikov, nous fixant l'un après l'autre dans les yeux, et là j'oubliais tout, le bac, ma copine, la révolution prolétarienne (c'était les années soixante), toujours le bras en l'air, il se tournait vers l'un d'entre nous, c'était moi.

 

  • - Pourny! Qui, quelle instance, quel pouvoir pouvait encore stopper le geste meurtrier? Qui? La peur d'être vu? La crainte de la police? L'apparition soudaine, au moment crucial, d'un sentiment humain, du sens de la fraternité? La compassion vis-à-vis d'une vieille femme sans défense? La peur? Mais la peur de quoi? De la peine de mort? De la prison? De la justice des hommes? Non. La seule force qui aurait pu encore arrêter son bras, elle n'est pas humaine. C'est la peur du Jugement, du vrai de vrai, du Jugement Dernier, celui de Dieu.

 

 Certes, je me dis par la suite que vu le nombre de crimes dont les hommes s'étaient rendus coupables dans l'histoire, la peur du jugement d'un dieu n'était pas si efficace qu'on avait bien voulu l'enseigner. Néanmoins, je me dis que si cette peur n'existait pas, si l'Enfer n'était qu'un mauvais cauchemar destiné à faire régner l'ordre dans les sociétés humaines, et le Paradis une incitation à aimer son prochain et à faire le bien autour de soi, les hommes par eux-mêmes, dans un monde donc abandonné par les dieux, seraient bien incapables de vivre dans la paix, d'amour et d'eau fraîche. Et puis boum badaboum !  Non seulement la peur du Ciel ne fait pas barrage au crime, mais les représentants du ciel sur la terre sont eux-mêmes des criminels. Pour l'église catholique, moins qu'avant et en cachette. Pour l'islam, ouvertement et sur une échelle génocidaire. La « sainteté » de la guerre justifiant l'opprobre : viols, mariages forcés, crime d' « honneur », apologie du négationnisme et même du nazisme, menace nucléaire... Agir au nom d'un dieu justifie tous les crimes.

 

 Peut-être n'avons-nous pas encore bien appris à vivre dans un monde sans dieu. Après tout, les religions ont semé la zizanie, le mal et le meurtre pendant des millénaires, et la disparition du Grand Horloger n'indique que deux siècles au cadran, il nous faudra encore un peu de temps pour nous faire à l'idée que nous sommes seuls, bien seuls au moins sur cette planète, et que le monde nous appartient, pour le bien comme pour le mal. Mais que les religions mettent un bémol à leurs sermons, qu'elles règlent leurs problèmes existentiels et cessent de nous donner des leçons.

 

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