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04/05/2023

Casseurs

 

 

 Mépris pour les symboles et les valeurs de la république, haine de la police et des institutions, goût prononcé pour la violence, aptitude particulière à se cacher et se fondre dans la foule, voilà les révolutionnaires des temps nouveaux.

 

 Il fut un temps où le socialisme à l’est faisait tourner à plein régime l’idée révolutionnaire. Le goulag et la faillite du communisme ont tout remis en cause. En manque d’un idéal crédible et mobilisateur à proposer, l’extrême gauche est en errance. Il y a le dépit, même la rage, d’avoir perdu la guerre contre le Grand Satan, mais aussi ces casseroles que les révolutionnaires encore actifs traînent derrière eux. Après le goulag, aller convaincre les peuples que le socialisme peut être encore aujourd’hui une perspective pour l’humanité ? La violence des manifestations avec la présence quasi permanentes de casseurs, peut s’expliquer par ce trou béant laissé dans la mémoire collective. A court d’arguments les esprits s’échauffent, c’est humain. Quand il n’y a plus rien à croire, c’est désespérant.

 

« …mais que feriez-vous donc sans « ennemis » ? Mais vous ne pourriez plus vivre, sans « ennemis » ; la haine qui n’a rien à envier à la haine raciale, voilà l’atmosphère stérile que vous respirez… » (1)

 

 A ces fous de tout, il faudra qu’un artiste érige une statue. Fière, puissante, la République se dresse. Elle est magnifique. Elle prend quelque repos, s'appuie sur la tête d'un homme qui chancelle. Les deux trous de sa cagoule ne sont plus en face des yeux. Une boule de pétanque tombe de sa main (2). Sur le marbre de son dos, un espace laissé libre par le sculpteur permettra au passant amusé de faire des petits dessins, croix gammées, faucilles, marteaux et sur le socle on lira, gravé dans la pierre : « Ære perennius exegi monumentum » (3).

 

 

(1) Soljénitsyne, lettre au secrétariat de l’Union, le 12 novembre 1969

(2) La boule de pétanque comme arme par destination remplace « avantageusement » le pavé car elle épargne au casseur le laborieux dépavage des rues.

(3) « J'ai érigé un monument plus durable que l'airain. » 

05/12/2018

Pourquoi donc ces gens-là...

 

 

...ne sont-ils pas contents ? Ils disent que leurs déplacements leur coûtent de plus en plus cher, qu’ils ont du mal à boucler leurs fins de mois, qu’ils n’arrivent plus à vivre et à faire vivre leur famille décemment ni à s’accorder des loisirs. Ils disent qu’ils ne sont pas insensibles au danger que la pollution automobile fait peser sur l’environnement, mais que pour un artisan, un ouvrier, un paysan, un commerçant vivant loin des métropoles, l’achat de véhicules propres n’est aujourd’hui financièrement pas possible.

 Nous vivons heureusement dans un pays où le droit de manifestation est respecté. On nous le rappelle d’ailleurs régulièrement, le rôle des forces de l’ordre étant d’éviter tout débordement susceptible d’empêcher les protestataires de se faire entendre. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que des manifestants par centaines de milliers répartis sur tout le territoire ne sont ni mobilisés ni encadrés ni représentés par une association, un parti politique ou un syndicat. Finalement ils ne représentent qu’eux-mêmes. On peut comprendre le désarroi du personnel politique du pays. La tradition veut que les mots d’ordre, les slogans, les calicots exhibés dans les cortèges soient compatibles avec les revendications et les programmes élaborés dans les sphères responsables, les bureaux syndicaux, les comités centraux, les comités de grève, bref les instances représentatives le plus souvent élues. Or dans le cas présent, il n’en est rien : pas de leader, pas de programme. Incroyable, inquiétant.

 On connaît les fonctionnaires, les ouvriers, les cheminots, les techniciens de surface, les commerçants, les restaurateurs, les aubergistes, les éboueurs, les paysans, les artisans, les routiers, les chauffeurs de taxi, les pêcheurs, les retraités, les jeunes des banlieues, on connaît même les délinquants, les racistes, les gauchistes, les fascistes et les homophobes, mais quand tous ces gens sont rassemblés, on ne sait plus qui ils sont. On utilise un artifice, en les identifiant par la couleur de leur gilet. Ils sont en nombre certes mais pas suffisamment pour qu’on parle de population. Comme on ne peut pas expliquer le phénomène, la moquerie tient lieu d’analyse. Le monde éclairé –ou qui croit l’être- nous parle de « beaufs », « d’homophobes », de « racistes », de gens sans culture, et toise ces centaines de milliers de gens avec mépris et condescendance. Tout juste si on ne parle pas d’une révolte de rustauds.

 On entend peu les commentateurs évoquer le « peuple ». Six lettres lourdes de sens et qui nous renvoient autant à la sociologie qu’à l’Histoire pour un concept non encore estampillé par la magistrature syndicale et politique. Par les syndicats parce qu’au-delà des catégories qu’ils défendent, ils ignorent les autres. Par les partis de droite parce que derrière ce mot, d’autres plus terribles encore leur viennent en mémoire, et pas seulement des mots. Par les partis de gauche parce qu’il leur reste quelques stigmates de marxisme et qu’ils peinent à analyser une situation sans faire référence à la division de la société en classes sociales antagonistes.

 Et pourtant, quand on enseigne la Révolution française aux élèves des écoles, on dit que le peuple a pris d’assaut la Bastille. Si un enfant nous demande ce que c’est que ce peuple qui a mis fin à des siècles d’injustice, que devra-t-on lui dire ? Qu’il s’agit des pauvres ? Des gueux ? Des Jacques ? Des vilains ? Mais il faudra qu’on lui parle des philosophes, des encyclopédistes, des réformateurs, des utopistes, des révolutionnaires, des orateurs, du tiers-état, des bourgeois, sans parler des bandits, des apôtres de la terreur, des va-t-en guerre, des justiciers mais aussi des vengeurs, bref d’une multitude de gens qui ont tous peu ou prou participé à la chute de l’ancien régime.

 Donc on ne parle de peuple que dans le cas d’une révolution. Brrrr… Restons-en aux personnes qui portent des gilets jaunes !

 

 

§

03/05/2018

Idéologie sans frontière.

 


 Non, les casseurs du premier mai ne sont pas des militants d’extrême droite. Les idées que ces derniers défendent sont tellement simplistes qu’elles sont facilement identifiables, donc condamnables. Le plus petit enfant sachant lire sera choqué par un slogan raciste. Pour preuve : dès les premières années de collège on fait visiter des musées et des mémoriaux de la déportation à des classes d’élèves pour les amener à réfléchir et à respecter les autres, quels qu’ils soient.

 Les inscriptions vues sur certains calicots du premier mai appellent à la violence. En même temps, elles ont un point commun : elles condamnent le capitalisme. Des individus du cortège s’en prennent à une agence bancaire, à un restaurant et à une concession automobile entre autres symboles du système qu’ils désignent comme une cible.

 On entendra l’extrême gauche « parlementaire » critiquer du bout des lèvres la violence « d’où qu’elle vienne » comme ils disent, mais son silence sur les slogans hurlés par les casseurs est assourdissant. Car l’extrême gauche qui parle dans toutes les radios et les télés a depuis longtemps choisi son camp : celui de l’opposition systématique à l’économie de marché certes, mais à une société dans laquelle le libéralisme économique est indissolublement lié aux libertés fondamentales, dont celle de manifester le premier mai derrière des banderoles appelant à la violence. Quelle est la frontière idéologique entre un militant anticapitaliste et un manifestant qui attaque une agence bancaire ? Elle est ténue. Un caillou.

 La différence entre le démocrate et le totalitaire, c’est que le premier, même si c’est parfois bruyamment, donne son avis personnel, le second selon ce qu’il faut qu’il pense. L’idée du fasciste qu’il soit de gauche ou de droite (avec cette différence citée plus haut, que les idées de gauche sont plus séduisantes) vient d’ailleurs que de lui-même : programme, charte, manifeste, bureau politique, réunion de cellule, congrès, tendance, fraction, faction, réseau, canal historique…(1)

 Les idées totalitaires ne sont pas le résultat d’une pensée, elles ne peuvent être que colportées. Elles infiltrent d’abord l’homme puis s’étalent sur les bannières.

 


§

 


(1) Je n'oublie pas non plus, comme je l'ai déjà écrit ici, que contrairement aux idées d'extrême droite, l'humanisme revendiqué par la femme ou l'homme de gauche est un moyen peu coûteux d'assurer leur bonne conscience. Vociférer contre le Front national ne constitue pas un programme politique, ils le savent. Mais ça donne un semblant d'existence.