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07/02/2012

Toute vérité est-elle bonne à dire ?

 

 

 Bien sûr que non, sinon de civilisation il n’y en aurait plus. La société serait invivable. Il faudrait avouer à quelqu’un qu’il est gros, à un autre qu’il est sot. Même avec mon chien j’aurais un problème de conscience si j’apprends qu’il souffre d’une maladie mortelle. Hypocritement, je garderais ça pour moi, et je le cajolerais plus que d’habitude.

 Il y a toutefois des exceptions. J’en connais à qui je dirais avec plaisir les quatre vérités. Menteur ! Même ça je ne l’ose pas. 

 Non mais sans rire, imaginez-vous un président qui dirait la vérité à ses concitoyens ? Voilà, mes chers compatriotes, les années qui viennent seront –pour vous- effroyables. Le chômage va grimper de façon vertigineuse, le pouvoir d’achat n’en parlons pas, vous allez devoir vous serrer la ceinture, abréger vos vacances, limiter vos loisirs, la moitié des centres hospitaliers vont fermer, sur les terrains de foot avec l’argent public on va construire des mosquées, quand à Noah il va sortir un nouveau disque… Bref, il faudrait prévoir des élections anticipées afin qu’au plus vite un candidat menteur se présente aux électeurs.  

 Je dis menteur, j’exagère. Disons une personne douée pour l’enrobage, qui ne prononcerait plus jamais le mot chômeur dans ses discours, mais « citoyen diplômé en recherche d’emploi », qui au lieu de délinquant susurrerait « gamin en mal-être issu des quartiers défavorisés », qui ne parlerait plus de guerre mais « d’assistance aux forces de paix », qui au lieu de dire que des personnes ont été massacrées pour leur fidélité à des religions minoritaires, évoquerait de « douloureux et déplorables conflits interreligieux ». Qui nous dirait que Noah continuerait de chanter, mais en privé, la sortie d’un nouveau disque restant très improbable. Un candidat qui promettrait de prendre aux riches pour donner aux pauvres. Un candidat qui promettrait de tenir ses promesses. Le voilà l’heureux élu, c’est sûr. 

 Récemment, un ministre a dit que toutes les civilisations ne se valent pas. Grave erreur. Il ne faut pas dire ça, surtout quand on est ministre, et même si on le pense. La politique est un métier extrêmement difficile, et plus qu’avant. On doit cela à l’omnipotence des médias. Vous parlez d’un sujet délicat pendant un quart d’heure, ils vous sortent la phrase qui tue, hors contexte. En fait, ils ont le pouvoir, et inévitablement l’opposition en profite. Et le pire, c’est que dans l’opposition aussi on le pense. Vous n’allez pas me dire qu’un pays où l’armée tire au mortier sur des quartiers populaires faisant des centaines de morts est à mettre –au niveau des us et coutumes- sur le même plan qu’un état où le maire d’une ville qui administre une gifle à un délinquant récidiviste qui l’a insulté et menacé de mort doit se présenter devant la justice. Nous sommes loin d’un simple décalage entre des systèmes politiques différents, il ne s’agit plus de controverse entre la gauche et la droite, mais de simple bon sens. Imaginez-vous en France des bandes armées de machettes venir égorger des enfants dans les villages et violer les femmes ? Bien sûr que non, et le plus nunuche des alter mondialistes n’oserait l’imaginer. 

 Oui mais voilà, il faut faire semblant. Nos bourgeois à la rose parvenus au pouvoir feront ce que la droite y fait, c’est-à-dire pas grand-chose, avec un petit plus toutefois : ils excellent dans l’enrobage et le faux semblant. Ils restent sur le registre tout le monde est gentil (sauf leurs adversaires politiques), tout va bien se passer, on va s’aimer. Une idéologie qui n’a rien à voir avec le socialisme dont ils croient être issus, mais plutôt avec la culture du péché originel, réactualisé. Colonisateurs jadis, on a tout faux, on doit maintenant payer la note, brader république, nation, démocratie, laïcité, libertés publiques à des gens qui, parce qu’ils viennent d’ailleurs ont tout vrai, même s’ils colportent des idées et des mœurs incompatibles avec les principes conquis de haute lutte dans les pays d’accueil.  

 C’est aussi le rôle des grandes écoles d’enseigner l’art du discours. Il faut dire qu’on aime ça. Les analyses à n’en plus finir, les chiffres à qui on fait dire tout et son contraire, les mots difficiles enveloppés de mystère, les phrases alambiquées et incompréhensibles dictées sur un ton grave et définitif, tout cela nous occupe et nous impressionne, beaucoup plus que le frangin qui nous sort « ben voilà, le boss s’est cassé dans la nuit avec les machines, j’suis au chomdu !». 

 D’ailleurs moi-même, qui vous parle avec tant d’assurance, cher lecteur, si vous saviez tout ce que je vous cache !  

§

 

 

25/08/2011

Ouf ?

 

 Voilà enfin DSK libéré. Confirmation que les femmes agressées sont des menteuses. Pour ne pas dire des allumeuses. Non mais quand même, il n’y a pas eu mort d’homme ! Et puis si malgré tout un jour un homme a du mal à réprimer son attirance tout à fait naturelle pour l’autre sexe, va-t-on en faire un pataquès ? En outre, d’après ce qu’on sait, faisant l’innocente, la femme benoîtement s’occupait au ménage. Allons-nous condamner le respectable client d’un hôtel pour avoir troussé une  domestique ?

 

 Après avoir entendu ce pitoyable déferlement d’injures faites aux femmes, on reste d’abord confondu, puis on se demande si on est bien placé pour donner aux barbus qui font l’islam des leçons de savoir vivre.

13:33 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : dsk, femmes, agression, viol, mensonge

16/02/2011

Convictions et mensonges

 Le pasteur, Monsieur Belmont, venait me prendre avec sa Dauphine, il conduisait nerveusement et venait de loin, de la grande ville la plus proche, Poissy à dix kilomètres, et faisait le « ramassage » du jeudi, nous étions trois enfants dans le canton à suivre l’éducation religieuse de l’Eglise réformée ! Dans ma classe, le mercredi après-midi, les copains se donnaient rendez-vous pour le patronage (catholique) du lendemain. Ils me sollicitaient et ne comprenaient rien à ce que je leur racontais : pasteur, Poissy, goûter, chocolat chaud, tartines, confiture, sans parler de la lecture suivie de la bible, pour eux c’était de l’hébreu. Il y en avait un autre qui n’allait pas au patronage, il était juif. Bon, on n’était pas proscrit, mais dans ma vie, j’ai vérifié ça, que je le veuille ou non, je n’ai jamais été dans le sens du courant. Je n’en garde aucun ressentiment à l’égard de quiconque, et surtout pas la moindre gloriole, car je n’y suis pour rien, le hasard en a décidé, c’est comme ça. J’avais une admiration sans borne pour le pasteur et le chocolat chaud de son épouse, je sais que je vais faire sourire, chaque fois que mes petites filles touillent le chocolat dans leur bol, ce sont des paraboles de Jésus qui me reviennent à l’esprit ! Pour revenir au pasteur, cet homme intègre aurait remué ciel et terre pour transmettre sa foi à un enfant, quand je dis sa foi, c’est au sens large, le respect, l’honnêteté, la fidélité, l’amour du prochain. C’était un homme de confiance plus que de conviction, plus que ses paroles, c’était son art de vivre, sa façon de s’adresser à sa femme, à ses enfants, la vie paisible, harmonieuse de cette famille qui m’enchantaient, m’enjôlaient.

 Conviction certes, il en faut pour enseigner le catéchisme. Il faut être convaincu pour convaincre. Ce mot ne convient pas pour qualifier les gens qui prêchent d’une façon et agissent autrement. Dans les milieux religieux et politiques, je constate que pour beaucoup c’est la règle. Les dogmes, quels qu’ils soient, sont totalitaires, ils n’admettent pas le moindre questionnement, et autorisent tous les écarts. La formule de Nietzsche selon laquelle

« Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. » (1)

 est certes ramassée, mais très pertinente car elle signale un danger lié à une façon d’être et d’agir qui a toutes les apparences de la sincérité, de l’honnêteté. La force de la conviction est telle que les faits avérés, vérifiés ne pèsent pas lourd face à elle. Je me rappelle les premières réactions des gens lors de la traduction des premiers livres de Soljenitsyne (Une journée d’Ivan Denissovitch) : l’incrédulité, la méfiance. Je ne parle pas des dirigeants politiques qui savaient ce qui se passait dans les bagnes soviétiques et qui s’interdisaient de le révéler. Je pense à ces personnes pour qui à l’est de l’Europe une société d’un type nouveau était en train de naître, et pour ces gens plein d’espoir, pour la plupart ouvriers, fonctionnaires, étudiants, la déportation et la persécution de dissidents politiques était inenvisageable, ils n’en démordaient pas. Et là, on voit le travail de sape exercé par la « conviction » : on ne jugeait pas les révélations du samizdat, de Soljénitsyne, de Martchenko ou d’autres d’après le contenu de leurs témoignages (d’ailleurs leurs livres étaient tellement brocardés qu’ils étaient peu lus), mais en fonction des conclusions induites par leurs témoignages. Ils remettaient en question les postulats fondateurs de la doctrine.

 Pourquoi revenir sans cesse sur ce passé, le mien (la forte personnalité d’un pasteur) et celui de millions d’autres qui ont vécu dans les sociétés communistes ? Je vais faire un détour pour m’expliquer.

 C’était à propos du commentaire de texte en classe de philosophie. Cette réflexion du professeur reste à jamais gravée dans ma mémoire : avant d’analyser le texte, avant de le comprendre, et même de le lire, demandez-vous : QUI écrit ? QUI parle ? D’où écrit-il ? D’où parle-t-il ?

 Sur le coup, j’ai trouvé pertinente cette attitude. Après tout, il est important de savoir QUI s’adresse à vous. Et plus généralement, au nom de qui, au nom de quoi, et cette façon de s’interroger permet bien souvent de mieux comprendre ce qui est dit, ce qui est écrit. N’est-ce pas d’ailleurs l’attitude du magistrat qui, devant juger l’auteur du délit, examine le passé de la personne, son curriculum vitae, son casier judiciaire, recueille les témoignages de ses proches, des témoins, des voisins ? A rapprocher de la méthode psychanalytique qui accorde tant d’importance à l’histoire de la personne, à son enfance en particulier. Bref, on pourrait disserter longtemps et noircir des milliers de pages sur les rapports entre la personnalité de l’auteur et son œuvre. La controverse récente sur le cas de l’écrivain Céline nous le rappelle. On reconnaît à Céline des talents littéraires indiscutables. On se pose même la question de rendre un hommage officiel à son œuvre. Mais alors la question se pose : à partir de quel degré d’inhumanité  doit-on s’interdire de faire d’une personne (artiste, écrivain, philosophe, scientifique, musicien) un membre fondateur de la culture nationale ? Imaginez qu’en Allemagne un grand philosophe ait adhéré au parti de Hitler (2). Les professeurs de philosophie allemands devraient-ils s’interdire de commenter ses textes dans leurs classes ? Pire, imaginez qu’Hitler fût un artiste peintre de talent, une chose certaine, ses toiles se vendraient à prix d’or. Mais les musées s’interdiraient-ils d’exposer ses œuvres sous prétexte qu’il fut un dictateur sanguinaire ? On vous dira qu’on ne peut pas comparer Céline et Hitler. Mais qui vous dit que l’antisémitisme affiché de cet écrivain de renom n’a pas apporté du crédit à l’antisémitisme populaire, et favorisé la délation, la persécution, la déportation d’innocents dans ce pays dirigé moitié par les nazis, moitié par des collaborateurs zélés ? Pour lui la question ne se pose pas, il est antisémite dans son œuvre (3).

Mais revenons à nos moutons. Le professeur posait la question : Qui parle ? D’où parle-t-il ?

Plus qu’une question, il s’agit d’une méthode, d’une façon de penser. Comparable à la démarche policière, à l’enquête. Qui et .  Le lieu du crime est lié à son auteur. Ne dit-on pas que le coupable revient toujours sur le lieu de son crime ? D’ailleurs peu malin le policier qui accorderait du crédit à ce que dit le suspect. Pour l’enquêteur, le plus infime détail, deux grains de sable, un cheveu, une empreinte de pas, une tache de sang ont infiniment plus d’importance que tous les discours de la personne incriminée. Et ne seront retenus dans le discours que les éléments qui confirment, expliquent l’existence des détails matériels relevés. Imaginez le peu de poids du discours d’un opposant politique dans un pays sous dictature ! Avant même la plaidoirie de la défense, s’il en a une, il est désigné coupable. Certains régimes ont fait mieux encore : en menaçant de s’en prendre aux proches, à la famille, on extorque des aveux pour des crimes qui n’ont pas été commis.

 Et puis une autre question se pose : Qui lit ? Qui est à l’écoute ? Un discours, un texte ou un tableau, une symphonie, une chanson, un film, n’ont pas le même sens, le même impact pour toutes les personnes. Là aussi on pourrait évoquer le passé, l’histoire, la personnalité, la mentalité de chacun. Finalement, la seule constante dans ce fatras de considérations, d’impressions, de présupposés, de non-dits, c’est l’œuvre elle-même : le discours, le texte, le tableau, la musique, le film. Et c’est bien souvent ce qu’on oublie aujourd’hui. On vous parle d’un auteur sans l’avoir lu. On critique un film sans l’avoir vu. On dit qu’on n’aime pas l’opéra, sans jamais s’y être rendu. On ne juge pas les gens pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont. Attitude qui en son temps aurait été associée à du racisme, mais qui, les vents ayant tourné, revient à excuser les pires délits s’ils ont pour auteur des individus qu’il faut ménager, en prétextant par exemple la pauvreté, l’enfance malheureuse, l’origine étrangère, etc. Plus personne n’est responsable de rien. Tout s’explique par l’origine, l’histoire, les circonstances, pourquoi pas l’ambiance, l’air du temps.

 Avec l’instauration de la sainte irresponsabilité, c’est la liberté qui disparaît. Il n’y a pas plus bavards que les conférenciers dans les musées de peinture. A force d’explications, après le passage du groupe des auditeurs, du chef d’œuvre il ne reste qu’une barbouille copie conforme d’une époque, d’une mentalité ou d’une anecdote et d’une technique. A se demander si… Rimbaud et Van Gogh n’ayant pas eu une vie aussi tourmentée, le bateau ivre et l’homme à l’oreille coupée auraient eu autant de succès. Pas plus que Phidias, Polyclète, Platon ou Jérôme Bosch, Rimbaud et Van Gogh ne sont de simples témoins d’une époque. Ce qui fait leur génie, c’est justement de s’être distingués par leur art ou la profondeur de leur pensée de l’opinion ambiante, bref d’être libres. Et tous les Marx et Freud réunis ne pourront expliquer par la lutte des classes ou le rôle de la sexualité dans la formation de la personnalité comment des hommes comme vous et moi ont pu faire ou écrire de si grandes choses.

 C’est aussi pourquoi, bien que je ne sois pas croyant, je garde une profonde estime pour mon bon pasteur, cet honnête homme qui parlait comme il vivait, dont la sincérité et la profondeur de la conviction –mais je voudrais dire la confiance, car dans confiance il y a foi- pourraient jeter le trouble sur la célèbre maxime de Nietzsche.

 

(1)   Humain, trop humain

(2)   C’est le cas de Heidegger

(3)   Les textes sont connus, mélange incroyable de méchanceté et de vulgarité.