22/03/2015
Le Leningrad L231 motorisé
C’est un appareil 24x36 à visée télémétrique. Il fut produit en URSS dans les années 50 et 60… Il mesure 143mm de long sans les œilletons, pour 94mm de haut et 40mm d’épaisseur si on compte la couronne crantée pour le réglage dioptrique du viseur et le levier du retardateur. Equipé du Jupiter de 50mm, l’épaisseur est de 73mm. Deux particularités : sous la semelle du boîtier, un levier peut être déployé pour la stabilité de l’appareil quand il est posé. Un bossage à gauche permet une bonne prise en main de l’appareil.
cliché M.Pourny
Le Leningrad est lourd, les appareils modernes nous avaient fait oublier le poids du métal. Comparé aux Fed et Zorki, son poids s’explique aussi par cette originalité: il dispose d’un moteur mécanique pour le réarmement de l’obturateur et l’avancement du film. Ainsi pas de levier d’armement, mais un gros bouton moleté qu’il faut tourner dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre. Après trois tours de rotation, le ressort est suffisamment tendu pour actionner six fois l’obturateur.
cliché M.Pourny
Aïe !!! Vous ne me croirez pas, je viens de me faire une grosse frayeur. J’avais ouvert le dos de l’appareil pour vérifier le bon fonctionnement du rideau, et que vis-je ? Il n’était pas complètement refermé. J’ai eu beau manipulé le barillet des vitesses (d’ailleurs minuscule et d’apparence fragile) le rideau restait à moitié ouvert. En tournant à nouveau le barillet, le rideau s’ouvrait complètement, et puis à la suite de je ne sais quelle manipulation, il s’est refermé et comme j’avais tendu un peu plus le ressort d’armement, j’ai pu déclencher une dizaine de fois en constatant l’ouverture complète de l’obturateur. J’évalue la vitesse d’obturation entre 1/30° et 1/60° de seconde, et je vous assure que je laisserai la couronne du barillet sur cette vitesse, par sécurité. C’est dommage, en théorie le Leningrad propose toutes les vitesses de 1s à 1/1000°s plus la pose B. Donc lourd mais fragile…Bon, il y a l’excuse de l’âge.
Dans le viseur, 3 cadres délimitent les champs pour les focales de 50, 85 et 135mm. Hors cadres, la visée correspond à l’angle de champ d’un 35mm. Les cadres restent visibles en permanence, il faut donc se souvenir quel est l’objectif utilisé pour éviter les erreurs de cadrage.
La mise au point, par coïncidence d’images au centre du viseur, est précise grâce à la grande base du télémètre : 57mm.
Le retardateur laisse vraiment peu de temps pour un autoportrait décontracté : 4 secondes…il faut courir vite. Il peut toutefois être utile pour éviter le bougé, l’appareil étant posé ou fixé sur un trépied.
La prise pour le flash est située en façade, sous le gros bouton d’armement.
Le bouton de rebobinage est sur le capot, au-dessus du viseur. Au-dessus, un disque présente les sensibilités des films, il suffit d’aligner celle du film choisi et un point noir sur la couronne. Pour mémoire seulement, car ici pas de cellule, pas d’automatisme, pas de pile et donc pas de pollution. Il suffit d’appliquer les bonnes vieilles recettes de nos ancêtres : beau temps ensoleillé : 1/125° à f8, ciel couvert 1/60° à f5,6. Dans mon cas, bloqué entre 1/30 et 1/60, je naviguerai au jugé entre F5,6 et f11. Pour un film standard de 125 iso.
La fermeture du dos n’est pas facile. Il faut d’abord visser un gros bouton sur la semelle, et tourner une clé à l’opposé : bien compliqué.
Les optiques sont à visser au pas Leica de 39mm. J’ai déjà présenté le Jupiter-8 de 50mm, il équipe tous les Fed et Zorki, il donne d’excellents résultats. Sur ce modèle, la mise au point est assez douce, contrairement à d’autres dont la graisse a séché.
Je n’ai pas encore pris de photos avec cet appareil, par rapport aux autres appareils soviétiques il est assez lourd, mais il a cet avantage de présenter des cadres dans le viseur correspondant aux focales des objectifs. J’essaierais bien un jour un 135…pour surprendre l’écureuil dans le jardin.
Merci à Jean-Luc et Patricia à qui j'adresse un petit bonjour !
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09:42 Publié dans Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : appareil soviétique leningrad, viseur à cadre, motorisé
04/03/2015
Le Zeiss Ikon Nettar 515/2
Florence, le Ponte Vecchio Zeiss Ikon Nettar, cliché M.Pourny
Je ne connais pas la date de création de cet appareil, qui est présenté en page 65 du catalogue Photo-Plait de 1938.
archives M.Pourny
Le modèle que j’ai entre les mains est équipé de l’objectif anastigmat Nettar de 11cm ouvert à 1 :4,5 monté sur un obturateur Telma S donnant les vitesses 1/25°, 1/50°, 1/100°, 1/125° plus les poses B et T et retardateur.
Florence, au bord de l'Arno Zeiss Ikon Nettar, cliché M.Pourny
C’est un appareil pliant à soufflet de 168 x 85 x 47mm (plié). Le boîtier est entièrement métallique, recouvert de cuir noir. Le soufflet est en peau, doublé à l’intérieur d’une toile noire. L’abattant qui porte l’objectif et la partie mécanique de l’appareil dispose d’une pièce métallique qui dépliée permet de poser l’appareil en position verticale. Si l’on veut réaliser une prise de vue horizontale, et pour éviter le bougé, le socle est muni d’un filetage pour la fixation sur trépied (gros diamètre « pas du Congrès », mais des adaptateurs existent).
cliché M.Pourny
Le déclencheur est sur le dessus, à main gauche, il commande un levier situé près de l’obturateur, levier très souple qu’il suffit de pousser pour déclencher, avec à mon avis moins de risque de bougé, n’oublions pas que la vitesse la plus rapide n’est que de 1/125° seconde. On dispose aussi d’une prise pour déclencheur souple.
L’armement se fait en actionnant un levier sur l’obturateur. Une grande couronne crantée permet de sélectionner les vitesses, un curseur commande les diaphragmes de 1 :4,5 à 22. La mise au point se fait par rotation de la monture de l’objectif, les distances sont indiquées en mètres de 1,5m à l’infini. Les réglages se font donc sans difficulté, les indications sont claires, et après environ 75 ans d’existence, aucun grippage n’est à relever.
L’avancement de la pellicule se fait comme sur tous les pliants 6x9 en tournant un gros bouton qui commande la bobine réceptrice. Ici, c’est une manette pliante très pratique qu’on manipule entre deux doigts. Attention encore une fois au risque de vues involontairement superposées, l’avancement du film et l’armement de l’obturateur ne sont pas couplés. Je donne à nouveau le conseil de n’avancer le film qu’au moment de la prise de vue. Et encore, il y a des accidents… cela m’est arrivé, quand au dernier moment on décide de ne pas prendre la photo, il faut se rappeler ultérieurement que le film est avancé !
Sur une pellicule 120 (encore disponible aujourd’hui dans le commerce, c’est tout l’intérêt de cet appareil) on obtient 8 clichés 56 x 86mm, d’où l’appellation 6 x 9.
Sur le dessus de l’appareil tenu horizontalement, un « viseur » se déplie, et je mets les guillemets. C’est à mon avis le point noir de cet appareil, le cadrage manque totalement de précision. Certes, il y a le viseur à miroir placé sur la platine avant, mais la visée est tout aussi imprécise. J’utilise le viseur pliant, sans oublier de redresser légèrement l’appareil pour corriger la parallaxe. En prise de vue verticale, pour la même raison, pivoter légèrement l’appareil vers la droite. Sinon, le cliché présentera une vue décalée vers la gauche par rapport à l’image cadrée au moyen du viseur.
Je cherche désespérément un pare-soleil, accessoire indispensable pour protéger la lentille frontale des rayons du soleil : le traitement anti-reflet des optiques était inconnu à l’époque. A défaut de cet accessoire, je m’arrange pour mettre l’objectif à l’ombre de quelque chose, un arbre, un poteau, un mur, une personne.
Les images obtenues sont de qualité, bien nettes. Mais le contraste n’est pas au rendez-vous, ce qui n’est pas un souci en noir et blanc : ne pas mettre dans le même bain le film exposé et celui obtenu avec un appareil moderne. Je préconise une agitation constante dans un révélateur énergique pour redonner de la vigueur aux clichés. En outre, autant pour la planche contact que pour les tirages, il est conseillé de filtrer assez dur, ou d’employer, pour les petits veinards qui en ont encore, du beau chlorobromure (Agfa Record Rapid par exemple) en grade 4 ou 5. Je présenterai des tirages réalisés avec ce Zeiss Ikon d’avant guerre.
Florence Zeiss Ikon Nettar, cliché M.Pourny
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Merci à Jean-Paul grâce à qui j'ai ce bel objet entre les mains, appareil qui appartenait à son grand-père.
10:12 Publié dans Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zeiss ikon, appareils pliants 6x9, florence
20/02/2015
Tout a commencé avec une pomme
C’était une petite école de photo de rien du tout, mais sympathique, qui réunissait des gens très bien de tous âges et de tous horizons. On ne se prenait pas la tête, et si un jour pour faire le malin ou se distinguer des autres l’un d’entre nous montrait quelque prétention, on lui demandait de montrer ses œuvres, et… mais non, cela ne s’est jamais produit, car nous savons que l’art n’est pas sacré et qu’il peut surgir à tout moment et de partout.
Alors nous étions tous assis, en rond, vous allez voir c’est important, autour d’une table. Quelque chose avait été placé au milieu de celle-ci. On demanda à chacun de dire ce qu’il ou elle voyait. Les réponses furent hésitantes, car dans la société où l’on vit il faut toujours s’attendre à un piège. Prenant son courage à bras le corps, un brave osa : « une pomme ». D’autres acquiescèrent. Comme il est dans notre nature quand on est en groupe de se faire remarquer, on entendit toutes sortes de bons mots, elle n’est pas mûre, devra-t-on la partager, qu’est-ce qu’on fait là, qui c’est qui paye, même des propos sur l’origine du mal, qui sommes-nous, d’où venons-nous, qu’allons-nous devenir et d’autres saillies du même genre, et d’autres que je préfère taire sur ce blog qui jusqu’à ce jour a maintenu un niveau de respectabilité que je m’efforce contre vents et marées d’entretenir. En fait, et vous l’avez deviné, ce que voyaient les personnes réunies autour de la table n’était pas une pomme, mais seulement une partie de celle-ci, portion plus ou moins importante en fonction de la position et de la distance des yeux de chacun. Personne ne pouvait dire qu’il voyait l’objet dans son intégralité, la preuve c’est que certains pouvaient distinguer telle ou telle tache, tel point noir, on aurait pu corser l’affaire en choisissant un fruit déjà entamé ou abîmé sur un côté, ce qui aurait permis de faire varier les observations. La réponse aurait cessé d’être unanime, au lieu de voir une pomme, certains auraient vu un fruit avarié, d’autres un fruit alléchant.
On aurait pu tirer de cela des digressions philosophiques, faire la différence entre l’apparence et la réalité, entre la partie visible des choses et les choses elles-mêmes, entre la partie et le tout. Entre le monde tel qu’il nous apparaît et le monde en soi. Et puis, en tirer une leçon de modestie en distinguant ce que nous pouvons connaître de ce qui est en réalité. Faire la critique des errements de notre esprit qui, de la vision d’une chose en tire la certitude de son existence, comme si nous pouvions tout savoir, tout appréhender, comme si l’entendement humain pouvait aller au-delà de ce que les sens nous permettent de percevoir, bref nous aurions pu philosopher. Nous aurions pu élever nos considérations et convenir avec l’artiste qu’il ne faut pas confondre une pipe et sa représentation, que les facultés imaginatives de l’esprit humain sont plus à même de comprendre le monde que la trigonométrie, que si les calculettes peuvent déterminer l’âge du big bang, elles auront bien du mal à nous dire pourquoi il a eu lieu, si toutefois il eut lieu un jour.
Mais nous étions réunis autour de cette table pour devenir de bons photographes, et la première leçon à tirer de cette expérience amusante, c’était que la photographie se pratique avec les pieds. En tournant, en s’avançant, en reculant, en cherchant la lumière, en faisant tout notre possible pour avoir de l’objet une vision non pas totale ce qui est impossible, mais la plus proche de ce qu’il est. On ne parle ici que de l’espace, tourner, s’approcher, prendre du recul. La lumière, plus précisément l’éclairement est aussi fondamental. Comme les choses peuvent être différentes selon l’intensité et la direction de la lumière ! Tel quartier qui paraît si morne dans la grisaille automnale n’est-il pas plus riant au printemps, au soleil ? D’ailleurs même les habitants si moroses en hiver reprennent goût à la vie au retour de la lumière.
Espace, lumière, il faut aussi parler du temps, du temps qui passe. Un visage change avec les années certes, mais aussi avec les minutes, les secondes et même les dixièmes, les centièmes de seconde. En fonction des sentiments, des émotions, des préoccupations, des pensées. Les portraitistes le savent et tentent de capter l’instant décisif, l’expression qui permettra sur l’épreuve finale d’en apprendre un peu plus sur l’âme humaine.
L’expérience de la pomme nous incite à l’humilité. Non, la photographie n’est pas objective. Ce qu’elle peut faire de mieux au sommet de son art, c’est de nous faire connaître un peu plus le monde qui nous entoure, aussi cette femme ou cet homme qui nous le montre. La technique est nécessaire, elle est parfois un peu compliquée, je disais plus haut qu’on photographiait avec les pieds, c’était une formule. L’œil dans le viseur certes, mais l’esprit, le sentiment, l’émotion, le corps, la mémoire, la colère, le plaisir, l’amour, la volonté d’intervenir, de témoigner ou de ne rien dire, tout cela, tout ce qui fait de nous des êtres pensants, sensibles, riants, aimants, toutes ces forces telles des vecteurs dirigent l’objectif vers un point qui révèle ce que nous sommes.
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Merci à toi Christophe, de m'avoir fait connaître ce photographe : James Nachtwey !
13:14 Publié dans Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pomme, prise de vue, photographie, point de vue