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12/01/2014

Un domaine où l'art et l'argent font bon ménage

 

 

 Les appareils de prise de vues, de toutes tailles, aux formes les plus bizarres, assemblages mécaniques de précision, sont les témoins du génie inventif des hommes depuis deux cent ans et plus encore, si on remonte aux peintres de la Renaissance qui maniaient la camera obscure, aux philosophes de l’antiquité découvreurs du sténopé. Ces appareils qui prennent des clichés instantanés mais n’en délivrent aucune image sur le moment, qui gardent en mémoire dans leur chambre noire des paysages, des portraits, des événements, sont toujours un peu enrobés de mystère. Je le lis sur les visages des enfants qui me demandent de leur montrer le dos de mon appareil et sont surpris de n’y rien découvrir. Du noir, rien que du noir. Car la réalité est une chose, l’image en est une autre, elle vient plus tard, beaucoup plus tard. Ce qui est normal, puisqu’elle n’est qu’une représentation. La photographie avec les appareils appelés aujourd’hui « argentiques » est assez proche de la peinture. Elle demande un travail, un effort. Ceux qui passent des heures dans un laboratoire le savent bien. 

 Je voudrais faire partager ici ma passion pour ces appareils, dans la limite de mes connaissances, car je ne prétends pas faire œuvre d’historien, encore moins de technicien. Aussi est-ce l’occasion, en ce début de siècle où tout va très vite, où tout se fait très vite, où tout change, de jeter un regard –non sur le passé !- mais sur ce qui est beau et durable, car pour moi la photographie sur des supports couverts d’argent est un art noble, éternel.  

Mosquito 6x9.jpg

 

                                                                                                                                                                                                                              cliché M.Pourny

 Le Mosquito 6x9 fut mon premier appareil, je devais avoir dix ans, il me fut offert à Noël par le comité d’entreprise de l’usine où travaillait mon père. Il est en bakélite et produit des clichés de 6 x 9 cm (exactement 5,5 x 8,2cm). C’était la grande époque de la bakélite qui avait par rapport au métal l’avantage de la légèreté, tout en étant sensible aux chocs. Les Ultrafex proposés nombreux sur les tréteaux des brocantes datent du début des années soixante et sont les copies conformes du Mosquito (ou le contraire ?). 

Ultrafex.jpg

                                                                    

Ultrafex 2.jpg

                                                                                                                                            clichés M.Pourny

 

 L’objectif est un simple ménisque, et l’image n’étant pas renvoyée sur un plan, le dos de la chambre est incurvé. 

Avant la prise de vues, il faut faire coulisser la platine porte objectif vers l’avant jusqu’à la butée. Le tirage optique est alors correct, et le déclencheur peut être actionné. 

 Une seule vitesse, approximativement le 1/30° de seconde plus la pose B. Deux réglages pour la luminosité : soleil ou temps gris. Le point est réglé sur l’hyperfocale, entre 5 et 10 mètres. L’ouverture de la lentille étant de 1 :11 (c’est ce que j’évalue) tout est à peu près net de 3m à l’infini. Je dis bien à peu près, car à la qualité moyenne de l’optique s’ajoute le flou de bougé, le déclencheur étant un peu dur –à moins de s’appuyer sur un support solide ou un trépied.

 Attention aussi –pour les étourdis dans mon genre- aux doubles expositions : toujours faire avancer la pellicule avant chaque prise de vue !  

 Depuis bien longtemps la photographie est impossible avec cet appareil, car il n’accepte que les bobines 620 qui ne sont plus sur le marché. A moins de bricoler… et d’enrouler dans le noir une pellicule 120 sur la bobine à petit trou… cela en vaut-il la peine ? Allez, il a bien mérité un peu de repos après un demi-siècle d’existence, hop ! Dans la vitrine.  

 Je voudrais vous montrer des photos prises avec cet appareil, des négatifs qu’à l’époque (de 1958 à 1968) je confiais au photographe, ou plutôt à la Maison de la presse d’Andrésy, qui me rendait les tirages en format 9x13. Je vais essayer d’agrandir les meilleurs en 18x24. A bientôt !

 

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09/12/2013

Un 6x6 stéréoscopique: le Spoutnik

 

 Assemblez deux Lubitel équipés de leur objectif T-22 de 75mm ouvert à 1 :4,5, supprimez ce qu’il y a en trop : un viseur capuchon et son miroir, un objectif de visée, un logement pour les filtres, un bouton d’entraînement du film et un déclencheur : vous avez entre les mains un appareil stéréoscopique. Les obturateurs sont évidemment couplés, la commande est disposée sur celui de droite. Le Spoutnik délivre simultanément deux clichés de format 6x6 (plus exactement 5,5 x 5,5cm) de bonne qualité malgré une perte de netteté dans les angles. N’oublions pas que les images ne sont pas destinées à être agrandies, puisque visionnées dans un stéréoscope. Ce qui ne m’a pas empêché d’en agrandir jusqu’au 24x24, format qu’elles supportent si on les tire sur un papier contrasté (3 ou 4). 

 

Spoutnik.jpg

cliché M.Pourny

 

 Comme le Lubitel, le Spoutnik est taillé dans la bakélite. Il mesure (L) 15,2 x (P) 9,5 x (H) 10cm ; le sac « tout prêt » est en cuir, mais peu pratique, il est pourtant indispensable en voyage, car le boîtier ne comporte pas d’anneaux pour recevoir une courroie ! On peut se passer de ce sac, et ranger le Spoutnik dans un fourre-tout en complément d’un autre appareil (classique) car il est peu probable qu’on se consacre exclusivement à la photo en relief. 

 L’écartement des axes optiques (6,4cm) correspond grosso modo à celui des yeux humains, ce qui garantit une visée stéréoscopique présentant un bon relief.

  Comme sur le Lubitel, la mise au point se fait à l’aide de couronnes crantées. La rotation de celle qui entoure l’objectif de visée entraîne les deux qui commandent le tirage des objectifs de prise de vues (qui reçoivent par emboîtement des filtres d’un diamètre de 26mm).  

 Les distances en mètres sont gravées sur le pourtour de la couronne de l’objectif de visée, ce qui simplifie le réglage, car l’image renvoyée sur la lentille (4x4cm) du viseur capuchon par le petit miroir ne permet pas, malgré la loupe escamotable, de régler la netteté avec précision. Heureusement, en abaissant le petit volet sur le dessus du capuchon, on peut tenter un cadrage de l’image (c’est le viseur « iconomètre », un mot bien savant qui cache la rusticité du procédé : faire coïncider deux rectangles complètement flous, bon je suis méchant en gros un cadrage est réalisable, mais attention à la parallaxe pour les sujets proches). Toutes ces manœuvres paraissent bien compliquées, mais elles sont plus faciles à faire qu’à expliquer, surtout pour un amateur photographe ayant déjà une petite expérience des appareils dépourvus d’automatismes électroniques.

  Il faut bien sûr choisir vitesse et diaphragme, le posemètre de l’appareil n’est pas fourni avec puisque le constructeur a supposé qu’il était en vous, beau temps f :8 au 125°, la suite on la connaît, chaque cran pour le diaphragme dans le sens 5,6, 8, 11, 16, 22 divise l’exposition par 2. Chaque cran des vitesses dans le sens 1/10°, 1/25°, 1/50°, 1/100° divise l’exposition par 2. Les films modernes, type Ilford FP4 ont une latitude de pose suffisante, et les erreurs d’exposition sont facilement corrigées. 

 Par rapport au Lubitel, on a perdu le 1/250°. C’est dommage, car la photographie de sujets en mouvement devient impossible. 

 Un mot encore pour les bricoleurs : les lentilles frontales des objectifs étant très exposées, deux pare soleils sont nécessaires. Malgré tous mes efforts, je n’en ai pas encore trouvé d’un diamètre de 26mm. Il faudra que je m’y mette un jour : carton ou Canson noir, découpage, collage… bien délicat tout ça. Pour l’instant, je sors le Spoutnik quand nous sommes deux. Ma compagne s’approche, s’approche, s’approche… jusqu’à ce que je crie : « Stop ! tu es entrée dans le champ de visée ! » Alors elle recule d’un pas ou deux , ne laissant que les objectifs dans l’ombre. 

 Conseils : le levier du déclencheur est le même que celui du Lubitel, autrement dit minuscule et très sensible : pour éviter tout risque de bougé, le déclencheur souple est indispensable.

 Le chargement est très simple, comme dans tous les reflex 6x6 bi objectifs. L’armement étant indépendant de l’avancement du film, attention aux doubles expositions ! J’ai pris l’habitude d’avancer la pellicule juste avant de prendre la vue suivante.

 La lucarne derrière laquelle défilent les numéros des vues est située à l’arrière bien sûr, mais à gauche : il faut donc s’arrêter aux chiffres 1-3-5-7-9-11 et jamais sur les chiffres pairs car ils indiquent les vues prises par le deuxième objectif.  

le pont de Descartes.jpg

cliché M.Pourny

 

 Voici le pont Henri IV sur la Creuse à Descartes. Il était sur la ligne de démarcation pendant la dernière guerre. C’est le tirage 18x24 d’un cliché sur film FP4. L’effet en stéréo est saisissant. C’est le type de sujet (en perspective ou disposé sur différents plans) qui produit le meilleur effet stéréoscopique. 

la visionneuse.jpg

cliché M.Pourny

 

 Les deux clichés simultanés du pont de Descartes sont tirés par contact (format 5,5x5,5cm) et collés sur papier Canson, séparés de 5mm. La visionneuse, qui est un "bijou" de famille était bien appréciée des photographes dans les années d'après guerre, car la stéréoscopie comptait de nombreux amateurs. Le relief obtenu à partir de certaines images est spectaculaire. 

 Malheureusement, malgré les efforts des informaticiens, l’écran des ordinateurs modernes en est resté à la représentation des images sur un seul plan. Très en retard par rapport aux immenses potentialités de la photographie argentique. A suivre. 

PS: un petit coucou à Patricia et Jean-Luc!!!!

 

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14/10/2013

L'appareil reflex Zenit E

 

Zenit E.jpg

cliché M.Pourny

 

 Le modèle « E », c’est le Zenit « B » équipé d’un posemètre. La fenêtre de la cellule au sélénium est placée sur la face avant du prisme, au-dessus de l’objectif. Elle est peu sensible, son domaine de lecture est limité de 16 à 500 ISO. Il suffit de faire coïncider l’aiguille indicatrice avec le repère commandé par le bouton rotatif indiquant les vitesses d’obturation (autour du bouton de rembobinage), et de lire le couple diaphragme/vitesse recommandé. Bien sûr il ne faut pas oublier, après le chargement de l’appareil, de régler sur ce même bouton la sensibilité du film. 

 

 Certes les photographes habitués à lire toutes les informations dans le viseur seront obligés d’oublier un moment le cadrage de l’image, pour consulter les indications sur le capot de l’appareil, et les reporter sur le barillet des vitesses et la bague des diaphragmes. Pour les photos d’action, ou dans des situations de lumière changeante, ce n’est pas l’idéal. Mais dans la plupart des cas, photos de paysages, ou même d’intérieur en lumière naturelle, avec un peu d’habitude, cet appareil remplit parfaitement sa fonction, surtout en noir et blanc, les films modernes offrant une bonne latitude d’exposition.  

 Comme son frère le Zenit B, l’appareil est lourd, tout métal, imposant, c’est du costaud. En ces temps où le plastique s’est emparé du pouvoir, où un téléphone de 30 grammes propose photo, vidéo, musique, internet et autres babioles à la mode, avec le Zenit au moins, on a quelque chose dans les mains, et la détonation au moment décisif rappelle à l’opérateur (ainsi qu’aux humains qui se risquent dans les parages) qu’une photo a été prise. 

 Venons-en maintenant aux choses sérieuses : les images. Le secret de leur qualité, c’est l’optique. L’Industar déjà très bon, mais dont l’ouverture était limitée à 1 :3,5, est dépassé. Le dieu du soleil le remplace, certes il est lourd et encombrant, mais délivre des images d’une grande finesse. C’est l’Helios 44-2, distance focale 58mm, ouverture 1 :2. Oui, ses 58 mm vous interdiront de prendre certains clichés réservés au grand angle, mais cette focale un peu longue par rapport aux objectifs standards donne de bons résultats en portrait, l’éloignement permet de respecter les proportions du visage. Autre avantage : à l’intérieur en lumière naturelle, à pleine ouverture, en soignant la mise au point (assez rapide sur le dépoli), l’arrière plan flou met bien en valeur le sujet photographié, et le rendu un peu doux n’est pas désagréable.  

 La monture était à l’époque la plus répandue : 42mm vissante. Elle permettait tous les bricolages, montage de bagues allonge, d’un soufflet pour la macrophotographie. On pouvait adapter des objectifs d’autres marques, je ne vois pas pourquoi d’ailleurs, les optiques soviétiques étant excellentes et bon marché. Le hic, c’était la présélection manuelle des diaphragmes, incompatible avec la photo d’action.  

 Vitesses : pose B, du 1/30° au 1/500°. Pour la photographie au flash (électronique s’il vous plaît), la synchronisation se fait au 1/30° seconde.  Dans les musées ou les monuments, sans flash, le 1/30° est insuffisant, à moins de disposer d’un film de 400 iso ou plus. Le fabricant avait même proposé le Sniper, un fusil photographique pour la chasse, et je me demande bien comment on pouvait obtenir des clichés nets en étant limité au 1/500° ! Mais là n’est pas mon propos, cet appareil répond à d’autres besoins. Et faute de pouvoir capter ce qui est loin, il peut photographier de près : le tirage de l’Helios permet de s’approcher à 45cm du sujet, pour un champ couvert de 12 x 18cm ! C’est à la limite de la macrophotographie, avec une bonne qualité d’image. 

 Quoi d’autre ? Le rembobinage se fait par bouton tournant. Présence d’un retardateur et d’un écrou de pied. Filetage pour déclencheur flexible.  

 Dans les années 70-80, le Zenit E avec son objectif et l’étui en cuir coûtait 500 F. Pour un reflex japonais délivrant des images de qualité comparable, il fallait payer le triple. Pour un Leica muni de son objectif standard, il fallait ajouter un zéro, avant la virgule. Choisis ton camp, camarade. 

 Je présenterai quelques photos. Aux amoureux des beaux appareils, je dis : à bientôt ! 

 

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